Le devoir «à ne jamais faillir» n’est pas une sentence, mais une promesse à la mère patrie et aux chouhada.
Le 1er novembre 1954 marqua un seuil pour l’Algérie et pour la mémoire collective. C’est le moment où l’espoir d’un peuple s’est mêlé à la détermination de ne plus jamais laisser sa souffrance disparaître dans l’oubli. En ce jour historique, des milliers de voix ont retrouvé, malgré la peur et les blessures, le chemin d’une parole qui refuse le silence. En 132 ans de colonisation, l’histoire a retenu les grands chiffres, les grandes dates, les déploiements et les bombardements.
Mais le véritable récit du 1er novembre, c’est celui du sacrifice collectif qui a façonné une génération et sa manière de regarder l’avenir. Le véritable récit, c’est celui des vies ordinaires. Ce sont les noms effacés et les lieux oubliés qui reviennent lorsque, dans les familles, on transmet les gestes et les mémoires : les rues où l’on a ressenti l’étreinte de l’espoir, les quartiers qui ont accueilli les réfugiés et les martyrs, les cafés où l’on échangeait des nouvelles, les tombes qui reçoivent encore, chaque année, une gerbe déposée par des jeunes qui n’ont pas connu la violence, mais en portent le souvenir comme un devoir.
Les témoignages de ceux qui ont connu les affres de la colonisation ont franchi les décennies, et permettent à la jeunesse d’aujourd’hui d’être fiers de leurs aïeux et du chemin parcouru. Ils permettent d’ancrer dans les esprits de la génération montante que la liberté est chèrement payée.
Grâce à la transmission et à travers le geste de dire à nos enfants ce que l’on a vu et ce que l’on a vécu, la mémoire est conservée et la promesse de ne plus jamais se taire reste allumée. Chaque fait raconté, chaque torture décrite et chaque blessure subie sont des leçons de l’avenir. Transmettre les noms et les lieux, les villages qui ont disparu, les rues où l’on a ressenti l’étranglement de l’espoir, les gestes de solidarité qui ont permis à d’autres de tenir. Cette transmission ne se fait pas seulement par les archives ou les monuments. Elle passe par le récit des anciens, par les chansons murmurées, par les histoires que les parents racontent à table, par les livres qui rééditent les voix des combattants et par les regards qui refusent l’oubli quand les noms des victimes se perdent dans l’indifférence.
Le 1er novembre 1954 a aussi révélé l’autre face du devoir : celui de la responsabilité envers la vérité. Travailler à faire reconnaître à la France coloniale ses crimes de guerre, ses génocides, ses enfumades, les «crevettes» de Bigeard et autres atrocités…
Ce travail de mémoire est de la responsabilité de chaque citoyen, qui peut, à travers des gestes simples, mais tenaces, ajouter sa voix à un chorus qui, depuis des décennies, garde debout le souvenir des martyrs et l’espoir des générations futures.
Le devoir «à ne jamais faillir» n’est pas une sentence, mais une promesse. Une promesse à la mère patrie et aux chouhada qui ont donné ce qu’ils ont de plus précieux, pour que vive l’Algérie libre.
En hommage aux voix qui ont donné naissance à l’indépendance et en responsabilité envers celles qui viendront après, il nous revient de préserver cette transmission comme un bien commun.
Demain, lorsqu’une nouvelle génération lira ces lignes avec fierté et gravité, cela voudra dire que la mémoire aura encore rempli sa mission. Celle qui unit passé et avenir, pour une Algérie libre et digne.
H. Y.