
Figure emblématique de l’Algérie révolutionnaire et de la lutte pour la libération de la Palestine, Mohamed Boudia incarne la rare jonction entre l’intellectuel engagé et le militant internationaliste.
Mohamed Boudia a mis sa passion théâtrale au service de la dignité des peuples opprimés — un héritage désormais préservé dans ses écrits, restituant la cohérence d’une lutte enclenchée sur tous les fronts. C’est l'homme qui a milité pour l'indépendance de notre pays d'abord et s’est engagé par la suite en faveur de la cause palestinienne. Il fut assassiné par le Mossad le 28 juin 1973, à Paris. C’est ce qu’a affirmé, hier, Salim Abadou, chercheur spécialisé dans le patrimoine, auteur d’un livre intitulé Cœur serré à gauche, qu’il a consacré au défunt Boudia, dans le cadre de notre Forum de la mémoire, organisé avec la collaboration de l’association Machaâl Echahid. Il a mis en exergue toute la dimension intellectuelle et patriotique de ce fondateur du Théâtre National Algérien créateur de la revue Novembre, auteur de pièces de théâtre, comme La Naissance ou L’Olivier. Il a fait jouer l’une de ses deux pièces en prison par des détenus politiques. Boudia, enfant de La Casbah d’Alger, a pris conscience de l’importance d’un théâtre mobilisé pour conscientiser les Algériens. En partant de son expérience, on peut se rendre compte à quel point un théâtre politique a existé en Algérie comme pièce maîtresse d’une culture nationale révolutionnaire. Boudia revendiquait le patrimoine culturel algérien, pour l’introduire dans le courant de l’universalisme. Ses textes politiques, pièces de théâtre, poèmes et nouvelles (1962–73) sont aujourd’hui rassemblés dans un recueil publié par Premiers Matins de Novembre. Ce corpus met en lumière son apport crucial à la culture populaire, son esprit dialectique entre tradition populaire et influences occidentales, et la force réflexive de son engagement artistique et militant. Les représentants de certaines factions palestiniennes, présents au Forum, ont souligné l’estime, la profonde reconnaissance et le respect qu’ils vouent à un authentique compagnon de lutte et qu’ils conserveront à jamais dans leur mémoire, et dans le cœur des combattants palestiniens, l’homme qui n’a pas hésité à combattre à leurs côtés, sans se soucier aucunement des périls qu’il lui fallait affronter. Il tomba en homme de principe sous les coups de la perfidie sioniste. En reconnaissance de son long combat pour le triomphe des causes justes, pour son engagement sans faille en faveur de notre indépendance, pour son apport incontestable à notre culture nationale et populaire et pour avoir jeté les bases d’un théâtre résolument investi dans l’œuvre de sensibilisation, d’éducation des citoyens, un appel a été lancé, hier, aux pouvoirs publics, afin qu’ils baptisent l'Institut des arts dramatiques de Bordj El Kiffan devenu l'Institut supérieur des Métiers des Arts du Spectacle et de l'Audiovisuel (ISMAS), du nom du Chahid Mohamed Boudia. En conclusion, on gardera de ce révolutionnaire dans l’âme, ces phrases porteuses d’idéal : «Nous sommes chargés d’un travail d’éducation qui engage l’avenir. Chaque homme a le droit à l’instruction comme il a le droit au pain. Ceux qui ont un tant soit peu compris les grands courants qui traversent le monde se doivent de les expliquer au peuple.»
M. B.
Djihad Hassen, représentant de l'ambassade de la Palestine : «un martyr de la cause palestinienne»
«Mohammed Boudia était une personnalité unique et diversifiée, alliant culture et politique. C'était un homme qui savait ce qu'il faisait. C’est l'un des braves qui ont marqué l'histoire par ses contributions et sa participation à la cause palestinienne, car ses secrets et les détails de ce que ce grand homme a offert en soutien à la cause du peuple palestinien, resteront toujours gravés dans les mémoires palestiniennes à jamais», a déclaré M. Djihad Hassen, représentant de l'ambassade de Palestine en Algérie. Il affirme que Mohamed Boudia demeure une icône de la libération et de la lutte. Un artiste qui a compris la nature du conflit arabo-sioniste et participé à l'âge d'or du mouvement de libération de la gauche arabe. Il représente un modèle de fierté pour tout Algérien solidaire de la cause palestinienne. Selon le même interlocuteur, le martyr Boudia «a été assassiné pour la cause palestinienne, en défendant les valeurs de liberté et de fierté arabe, et aussi pour affirmer l'unité des rangs et l'unité de la résistance». Il a également salué les initiatives de commémoration du martyr, qui, selon lui, demeurent «importantes pour la préservation de la mémoire».
Mourad Boudia, fils du martyr : «Mon père a toujours défendu les causes justes»
Mourad Boudia, le fils du martyr, a souligné l'importance de cette journée historique, rappelant que son père a toujours défendu les causes justes, notamment la cause palestinienne, qui était une cause centrale pour lui. Le fils du martyr a souhaité que l'institut national de théâtre de Bordj El kiffan soit baptisé à son nom, car c'était l'un des fondateurs de cet institut. Mourad Boudia a salué toutes les factions palestiniennes qui ont contribué et montré le grand parcours du martyr.
Nader ElQissi , représentant du front populaire de libération de la Palestine : «Le martyr a joué un rôle central au service de la cause palestinienne»
«Le révolutionnaire et militant algérien Mohamed Boudia, dont le cinquante deuxième anniversaire du martyre a été commémoré, était une cible de choix pour le Mossad israélien. Certaines sources ont rapporté que l'ordre de l'éliminer provenait du plus haut niveau de la direction, compte tenu du rôle central qu'il a joué au service de la cause palestinienne, ainsi que des opérations réussies qu'il a menées, où dans lesquelles, il a joué un rôle de premier plan, en Europe, en raison de sa position de représentant du Front populaire de libération de la Palestine et de combattant libre engagé dans des causes justes.»
Mohamed Hammami, représentant du front démocratique de libération de Palestine « L’Algérie est le premier qui a soutenu notre cause »
« Notre fidélité est toujours constante pour l'Algérie, car ce pays est le premier qui a soutenu notre cause, où il est important de savoir que ce martyr n'est pas le seul qui a contribué dans cette guerre, mais l'Algérie toute entière une fierté pour les Palestiniens. Je salue le président Abdelmadjid Tebboune qui a toujours soutenu notre cause devant un silence absolu du monde arabe ».
Mohamed Rabia, artiste : «Il a contribué à nationaliser le théâtre Algérien début 1963»
«J’ai travaillé avec Boudia au Théâtre algérien. C’était un acteur incontournable du milieu culturel et médiatique, compte tenu de ses responsabilités au sein de cette importante institution culturelle, qu'il a contribué à nationaliser début 1963, aux côtés de Mustafa Kateb et d'autres membres de la troupe artistique historique du Front de libération nationale.»
Propos recueillis par Zine Eddine Gharbi