
Militant sahraoui, ancien détenu politique, El Kanti Balla a fait ses études en Algérie. Engagé de longue date pour le triomphe de la cause sahraouie, il a été très actif, notamment en France et en Suisse. Dans cet entretien, il évoque les violations les droits du peuple sahraoui commises par l’occupant marocain et affirme que la situation des peuples sahraoui et palestinien est une parfaite illustration de l’usage du double langage par certaines puissances, utilisant les droits de l’homme comme un simple faire-valoir.
Entretien réalisé par Kamélia Hadjib
El Moudjahid : Nous célébrons la Journée internationale des droits de l’homme. Que représente cette journée pour le peuple sahraoui ?
El Kanti Balla : Cette journée est une occasion pour rappeler l’importance des droits de l’homme, certes, mais elle doit également nous rappeler que cette noble cause des droits de l’homme ne doit pas servir d’idéologie pour des intérêts impérialistes, ayant pour objectif l’oppression des peuples afin de faire main-basse sur leurs pays et leurs richesses, sans la moindre considération ni des règles fondamentales du droit international et encore moins de celles régissant les droits de l’homme.
Dans ce sens, le cas des peuples sahraoui et palestinien est la parfaite illustration de l’usage du double standard et du double langage par certaines puissances utilisant les droits de l’homme comme un simple faire-valoir et n’hésitant pas à s’en moquer dès qu’ils ne servent plus leurs intérêts, quand bien même ces derniers sont en parfaite opposition du droit international ou des principes des droits de l’homme. En complément des droits de l’homme, il existe aussi le droit des peuples à l’autodétermination et à disposer d’eux-mêmes, souvent oublié, escamoté ou méprisé.
Comment qualifiez-vous la situation des droits de l’homme dans les territoires occupés du Sahara occidental ?
La situation des droits de l’homme au Sahara occidental occupé est l’une des pires au monde. Là-bas, à huis-clos, on tente de rayer de la carte le peuple sahraoui. La solution imaginée par ses bourreaux est une sorte de «solution finale». Il faut en finir avec ce peuple pour ce qu’il est, c’est-à-dire héritier d’un vaste et riche territoire que l’on veut voler. Ses génocidaires auront alors la possibilité de dire que l’extension marocaine a été faite au détriment d’un territoire qui n’avait pas de maître. Une «terra nullius» comme disait l’Espagne à l’époque. Cette idée d’extension territoriale du Maroc a d’ailleurs été utilisée récemment, bien que dans un autre contexte, par les pays de l’Union européenne afin de justifier leur pillage des ressources sahraouies, en complicité avec la force d’occupation marocaine.
Pouvez-vous nous donner un aperçu des violations et exactions que subissent vos concitoyens ?
La situation s’est vraiment empirée après l’accession au trône de Mohamed VI, et ce, bien qu’à l’époque de Hassan II, il y avait la guerre entre les combattants du Front Polisario et les forces d’occupation marocaines. Même en cette période du cessez-le-feu, longue de 30 ans, les disparitions forcées se sont poursuivies, bien que sous des formes différentes de celles pratiquées du temps de
Hassan II. Les enlèvements et les séquestrations sont monnaie courante. Les tortures, les procès informels et les sentences lourdes et arbitraires sont souvent appliqués contre des civils sahraouis. Les droits culturels sont bafoués, la liberté d’expression est interdite, le territoire est fermé aux observateurs étrangers, aux organisations internationales de défense des droits de l’homme et aux journalistes. Les Sahraouis n’hésitent pas à dire qu’ils vivent contraints dans une prison à ciel ouvert, que leur vie ne vaut rien aux yeux de l’occupant qui peut à tout moment et à son bon vouloir leur en enlever le droit. Entre le père et le fils, une autre chose demeure constante : maintenir le Sahara occidental fermé à quiconque pourrait témoigner objectivement et honnêtement de ce qui s’y passe.
Qu’en est-il de la position de l’Algérie?
Sur le plan des droits de l’homme, l’Algérie n’a cessé de dénoncer les violations des droits de l’homme commises au Sahara occidental dans tous les forums où elle a accès, que ce soit à Genève, à New-York ou ailleurs. Sa diplomatie a toujours prêté un fort et précieux soutien aux diplomates de la RASD dans leur lutte acharnée pour faire valoir le droit du peuple sahraoui à travers le monde. La société civile algérienne a accueilli, à maintes reprises, les militants sahraouis des territoires occupés dans le but de les soutenir et les aider à faire connaitre leur cause et défendre leurs droits bafoués par l’occupant. L’Algérie a accueilli depuis 1975, comme chacun le sait, des dizaines de milliers de réfugiés sahraouis qui fuyaient l’invasion militaire marocaine et les a protégés contre un génocide planifié par l’envahisseur et, en partie, mis à exécution. Elle a reconnu leur République et leur mouvement de libération et continue, jusqu’à nos jours, à protéger ces mêmes réfugiés, à leur prodiguer les soins et instruire leurs enfants (je suis moi-même un ancien étudiant de l’école algérienne à laquelle je rends un grand hommage). Ce faisant,
l’Algérie s’est montrée fidèle aux principes de sa glorieuse Révolution et sa tradition de pays fier et solidaire des causes justes et des peuples en lutte pour leur libération.
K. H.