Cybercriminalité : L’état opte pour une réponse pénale

Création d’un pôle chargé des infractions liées aux TIC

  • Me Amine Benkraouda, avocat à la Cour :  «Adapter les moyens de lutte sur le plan  judiciaire pour une meilleure efficacité»
  • Abdeldjebbar Ghoul, expert en TIC : «relever des empreintes numériques dans les investigations pour établir des preuves numériques»

La création d’un pôle pénal chargé des infractions liées aux Technologies de l’information et de la Communication (TIC) permettra selon des juristes et experts une lutte efficace contre la cybercriminalité . En effet, un pôle pénal économique et financier de Sidi M’Hamed de compétence nationale a été créé en 2020. Une juridiction spécialisée chargé des affaires financières complexes de corruption. En outre, la section spécialisée dans la lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier de Sidi M'Hamed a été mise en place pour examiner les affaires de terrorisme et les grandes enquêtes sur le narcotrafic.
La justice veut s’adapter aux évolutions de la criminalité à travers des juridictions spécialisées. La création d’un pôle pénal chargé des infractions liées aux TIC s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des instructions du président de la République, lors de la dernière réunion, le 4 août dernier, consacrée à l'examen et au suivi de la situation générale sur les plans sécuritaire et sanitaire. A l’issue de cette réunion, le président a chargé les membres du Haut conseil de sécurité de créer un nouveau pôle pénal pour le suivi et la lutte contre les crimes cybernétiques.
Dimanche dernier, les membres du Gouvernement ont examiné un avant-projet de décret présidentiel présenté par le ministre en charge de la Justice. Il s’agit de l’avant-projet d’ordonnance modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-155 du 8 juin 1966 portant code de procédure pénale. «Cet amendement vise à instituer un pôle pénal spécialisé pour les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication. C’est un pôle à compétence nationale chargé des infractions et crimes relatifs à la diffusion et à la propagation d’informations mensongères de nature à porter atteinte à la sécurité publique et à la stabilité de la société ».
Me Amine Benkraouda, avocat à la Cour, souligne que la création d’un pôle dédié exclusivement à la lutte contre la cybercriminalité «est un grand pas».
Il a relevé dans une déclaration à El Moudjahid, que «les magistrats sont sur tous les fronts et dépassés, en raison du nombre des affaires examinées, alors que certains ne sont pas spécialisés en la matière, notamment, avec l’évolution de cette criminalité». S’agissant des informatiques contre les systèmes d’information d’entreprises ou d’institutions, vols de bases de données afin d’obtenir une rançon, espionnage, financement d’organisations terroriste l’avocat estime que la mise en place de ce pôle vient rattraper le retard enregistré. «En France par exemple, il y a une chambre d’accusation qui est spécialisée dans la lutte contre la diffamation. C’est une décision d’extrême importance au regard des menaces de la cybercriminalité sur l’Etat, l’économie, la société en général.
Pour faire face à l’acuité de ces menaces, aux risques encourus, et à l’évolution de la cybercriminalité, il est nécessaire d’adapter les moyens de lutte notamment sur le plan judiciaire.
Cela va permettre une lutte rationnelle et efficace». Abdeldjebbar Ghoul, expert en TIC, précise que la création d’un pôle spécialisé dans la lutte contre la cybercriminalité, reflète l’intérêt qu’accordent les pouvoirs publics à la lutte contre cette nouvelle forme de criminalité et à s’adapter juridiquement. «Il ne s’agit plus de crimes classiques, d’où l’impératif de s’adapter à l’évolution de la criminalité, notamment par des mécanismes juridiques», dit-il dans une déclaration à El Moudjahid. L’expert a rappelé que «la société connaît aujourd’hui une phase de transformation numérique de grande ampleur. «Dans les infractions liées aux TIC, il s’agit de relever des empreintes numériques dans les investigations dans ce genre d’affaires, ce qui nécessite des preuves numériques», précise-t-il.
La justice s’adapte à cette évolution qui nécessite des magistrats spécialisés en raison de la technicité des infractions de cybercriminalité. Le ministère de la Justice accorde un intérêt particulier à la formation de la ressource humaine, notamment les magistrats afin de «renforcer les capacités et connaissances des cadres, notamment les magistrats, pour «une justice de qualité» et adaptée aux défis et menaces, tels que la cybercriminalité et la corruption».
En ce sens, plusieurs actions de formation ont été programmées, dont un atelier de travail national en ligne, sur «la préparation du rapport annuel sur la situation de la cybercriminalité et les preuves électroniques», dans le cadre du Programme européen de lutte contre la cybercriminalité (CyberSud). Par ailleurs, dans ce même cadre, quatre autres magistrats des juridictions, avec un magistrat et un ingénieur en informatique de la direction générale de la modernisation de la justice ont participé à une série de webinaires sur «les applications cryptographiques dans le domaine de la cybercriminalité et/ou de la criminalistique numérique», organisé par l’Organisation internationale de la police criminelle (Interpol) et le programme Glacy de lutte contre le cybercrime, en présence de représentants de la DGSN et des organes chargés de la formation, dans ce domaine et de formateurs, a-t-on appris du ministère de la Justice.
Neila Benrahal

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