
Irrégularité des précipitations, recrudescence des périodes de sécheresse et rétrécissement des zones humides, le climat de l'Algérie a indéniablement changé. Une réalité aujourd'hui tangible et surtout observable. Face à cette situation, les autorités publiques redoublent d'efforts et multiplient les actions.
Les climatologues relèvent que «les projections relatives aux changements climatiques indiquent qu'il est probable que la température en Algérie continue d'augmenter, que le régime des précipitations soit modifié et que la fréquence et la gravité des sécheresses augmentent». «La désertification et la sécheresse représentent un risque majeur en Algérie intrinsèquement lié au risque hydrique dont la seule solution repose sur une stratégie de prévention adéquate.» Dans ce sens, il est noté que «malgré des investissements colossaux dans le domaine de l’hydraulique entre 2000 et 2019 dépassant les 50 milliards de dollars, l’échec est parlant avec un rationnement de l’eau en 2021».
Selon les informations communiquées par les autorités publiques «16 stations d'épuration actuellement en cours de réalisation seront dotées, à moyen terme, de dispositifs de traitement tertiaire qui permettent une augmentation du potentiel hydrique de réutilisation dans divers secteurs». Les projets de rénovation, de réalisation et de mise en exploitation des stations d'épuration des eaux usées, au cours de l'année 2024-2025, devraient permettre l'augmentation des capacités actuelles de 216,1 millions m³/an», l'équivalent de 111 millions m³/an des 16 stations. Ces réalisations permettront de renforcer la dotation actuelle située à un volume de 1,16 milliard de m3 d'eaux usées par un apport supplémentaire de 140 millions de m3/an. Ainsi, la mise en place de ces installations intervient en exécution de la stratégie nationale globale de valorisation des eaux non conventionnelles dont l'objectif est de faire face au stress hydrique.
Diversification des ressources hydriques pour augmenter la disponibilité
Pour plusieurs chercheurs, «la valorisation des eaux non conventionnelles est une solution incontournable avec surtout la réutilisation des eaux épurées dans le domaine agricole et industriel». Les spécialistes soulignent que «le citoyen algérien ne dispose que de moins de 400 m3/an, soit moins de 7% de la moyenne mondiale qui dépasse les 6.000 m3/hab./an, et que d’un peu plus de 70% du seuil de rareté absolue fixé à 500 m3/hab./an par la FAO et la Banque mondiale. Face à cette situation, les stratégies de mobilisation et de diversification des ressources hydriques, visant à augmenter la disponibilité de l’eau, ne sont plus adaptées au contexte de rareté. La baisse de l’apport des eaux superficielles, la surexploitation des eaux souterraines, la pression sur les grands transferts d’eau, limitent la marge de manœuvre des pays en situation de stress hydrique, et positionnent les eaux non conventionnelles, le dessalement de l’eau de mer et la réutilisation des eaux usées épurées, à la tête des alternatives offertes pour garantir la sécurité hydrique des pays de la région. Le dessalement de l’eau de mer est donc une alternative qui ne dépend pas du climat, et offre la possibilité aux gouvernements de garantir leur sécurité hydrique.
Le potentiel actuel de production des stations de dessalement, une fois réalisées, est estimé à 850 millions de m3/an, soit 55 l/hab./j, «ce qui n’est pas négligeable pour un pays qui ne connaissait pas l’eau dessalée 20 ans plus tôt».
Sur le plan technologique, deux procédés de dessalement de l’eau de mer sont largement répandus dans le monde. Il s’agit du dessalement thermique qui utilise la chaleur pour vaporiser l’eau douce et le dessalement membranaire, un procédé où l’eau douce est extraite de l’eau salée à travers une membrane. Le recours à l’approche hybride est en phase d’expansion, à l’effet de mieux optimiser l’usage de l’énergie eu égard au caractère énergivore des usines de dessalement. Au procédé de dessalement s'ajoute l'apport des 15 stations de déminéralisation des eaux faiblement salées installées au Sud et dans les Hauts-Plateaux, dont la capacité de production est estimée à 72.000 m3/j, soit 26 millions de m3/an. L’appoint du dessalement et de la déminéralisation estimée à 886 millions de m3/an, sert à renforcer indirectement la demande en eau potable.
Pour assurer la sécurité hydrique, il serait impératif de maîtriser la gestion du peu d’eau dont nous disposons car ce peu d’eau est relativement important s’il est bien géré, et nous devons, par ailleurs, maîtriser les nouvelles technologies permettant la mobilisation et la valorisation des eaux non conventionnelles.
La maîtrise des technologies, un impératif
Le défi est important et de plus en plus complexe principalement à cause des changements climatiques ; la croissance démographique et économique accentuant, par ailleurs, la menace sur les ressources limitées en eaux potables dans le monde.
Le Dr Mustapha Adajadj, ingénieur en hydraulique et directeur de recherche et développement à l'Amenhyd, souligne que «la maîtrise des technologies de l’eau est vitale» et précise que «les avancées technologiques dans le domaine du dessalement sont notables et intègrent de nouvelles technologies de la quatrième révolution industrielle, permettant de proposer une offre diversifiée plus adaptée à la fois au contexte de rareté et à l’optimisation des ressources». Ces innovations touchent aussi bien le process que la taille de l’usine, les équipements, les systèmes et les sources d’approvisionnement en énergie.
À travers ces solutions, l'Amenhyd contribue à l’élargissement de l’accès à l’eau potable et aux services d’assainissement de base. L’entreprise préconise le développement et l’utilisation de technologies et de pratiques de dessalement et de traitement avancées de l’eau et des eaux usées qui réduisent les coûts, réduisent les besoins énergétiques et renforcent la responsabilité environnementale.
En effet, les pouvoirs publics se sont lancés dans une dynamique visant la réalisation de stations de dessalement de l'eau de mer en tenant compte de la rapidité de réalisation et du choix stratégique des sites. La multiplication des installations de dessalement de l’eau de mer n’est plus une option, à l'heure actuelle, mais une nécessité, vu le potentiel qu’a l’Algérie, par rapport à son littoral, et également des défis qui s’imposent dans la gestion des ressources vitales.
Selon les spécialistes, l'amélioration des infrastructures n’est qu’une question technique, car le plus important, est de bien gérer celles déjà réceptionnées pour qu’elles soient efficientes.
C’est donc «une question de performance des ressources humaines et non pas de problèmes liés à l’efficacité des technologies». «L’importance des infrastructures de stockage, des réservoirs, des retenues d'eau est à prendre en compte, si l’on veut améliorer la qualité et la quantité de l’offre.»
Tahar Kaidi