
Site classé réserve marine depuis 2003 par les autorités algériennes, la perle de l’Oranie est sans doute la première aire marine algérienne protégée et gérée en tant que telle.
«L’Algérie est riche en îles. Elles ont une valeur universelle, mais nous l’avons ignorée.» C’est ce qu’avait déclaré, en mai 2006, Chérif Rahmani, alors ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Environnement et du Tourisme, lors de la cérémonie de signature d’une convention de partenariat avec l’Agence française du Développement. On retiendra que l’ancien ministre avait également fait remarquer que les îles Habibas sont considérées comme l’un des espaces de biodiversité les plus riches de la Méditerranée.
A quelques encablures à l’ouest des côtes oranaises se trouvent les îles Habibas, «îles des amis», découvertes en 1879 et sur lesquelles a été édifié un phare. Quant à leur fréquentation par le grand public, celle-ci remonte aux années 1930. A l’époque, seuls les gardiens du phare et leurs familles vivaient en permanence sur l'île. Ils étaient ravitaillés tous les 10 jours par une vedette des Ponts et Chaussées. Les pêcheurs d'Oran et de Mers El- Kébir habitaient, pour leur part, des cabanes où ils séjournaient quelques jours entre deux voyages à Oran pour vendre les produits de leur pêche.
Aujourd’hui les îles Habibas, c’est quoi au juste ? Eh bien c’est un archipel composé de deux îles, dont la principale (île Touria, du phénicien t’sor, rocher), d’une longueur de 1.200 mètres et d’une largeur de 160 à 600 mètres, est surmontée d'un phare pittoresque, construit en 1879, qui culmine à plus de 110 mètres. Deux abris se nichent en son flanc ouest où se prolonge «la crique de la morte» et où, dit-on, une certaine Espagnole a échoué. A l’Est, se trouve le port ceinturé par des cabanes de pêcheurs. Dans le prolongement de l’île principale, un îlot semble se détacher. Au Nord se situe «la Rachera» avec ses falaises et ses criques.
D’abord il faut savoir que les îles Habibas, îles à l’apparence a priori hostile, abritent discrètement chacune entre 20 et 40% des espèces menacées figurant sur l’annexe II du protocole concernant les aires spécialement protégées et la biodiversité en Méditerranée ainsi que quelques espèces qui leur sont exclusives. Elles devront constituer prochainement les fleurons de notre pays en termes d’espaces marins protégés gérés. D’ailleurs, les îles Habibas sont à juste titre surnommées «les Galápagos de la Méditerranée».
Sur le plan floristique, la végétation de ces deux îles est généralement basse avec quelques sous-arbrisseaux. La majorité des espèces recensées sont méditerranéennes au sens large du terme. Néanmoins, quelques espèces ont une répartition en Algérie exclusivement occidentale. La flore marine des îles Habibas est surtout représentée par des algues rouges. S’agissant de la faune, les espèces les plus rares et les plus importantes recensées sont le goéland d’Audouin, le faucon Eléonore et le cormoran huppé. Une bonne partie de la faune aquatique figure sur la liste des espèces animales protégées par la loi, ces espèces sont surtout représentées par la patelle, un mollusque à la coquille en forme de cône qui vit collé aux rochers. Sur le plan ornithologique, 7 (sept) espèces d’oiseaux rares protégées par la loi sont observées.
Dans le cadre d’un partenariat algéro-français signé en l’an 2000, trois millions de dollars pour les îles Habibas avaient été dégagés par le Fonds français de l’Environnement mondial pour le financement d’une opération d’aménagement et d’assainissement de l’archipel. Cette initiative d’ordre écologique comprenait plusieurs missions, à savoir la dépollution du site ainsi que l’aménagement du port et de sentiers sur l’île. A ce titre, on a pu noter qu’en avril 2006, une expédition composée de chercheurs de la fondation Nicolas Hulot a accosté aux îles Habibas pour y effectuer une mission d’exploration.
Ce projet, cofinancé par le gouvernement algérien et le fonds français sus-cité, devait - à terme - permettre aux futurs gestionnaires des îles Habibas d’initier un processus de gestion intégrée visant à la fois la conservation d’un patrimoine bioécologique d’une valeur exceptionnelle et le maintien d’activités récréatives et économiques non destructrices sur l’archipel. Tous les espoirs sont donc permis pour que ce territoire soit finalement géré de manière responsable et, par la même, ne soit plus un «territoire à la marge» où tout est permis. La mise en place de cette réserve naturelle permettra notamment d’anticiper la formidable pression de l’activité pêche déjà amorcée en Algérie et d’assurer la survie d’espèces réellement menacées à l’échelle méditerranéenne comme le goéland d’Audouin, le puffin cendré, la grande patelle, la grande nacre, le mérou brun ou encore le chou des Habibas et ce, afin qu’elles ne deviennent pas qu’un macabre souvenir comme l’est actuellement le phoque moine, aujourd’hui pratiquement disparu du littoral nord africain.
Kamel Bouslama