Ramadhan à la Casbah : Senteurs d’antan

L’une des particularités de La Casbah, c’est cette vie sociale riche et pleine de finesse qui emplissait les basses maisons blanches de la médina, où les femmes avaient un rôle fondamental dans la transmission des traditions. La boqala, les habits traditionnels, le rituel de la jeune mariée au hammam, les fameux artisans qui exposaient leur travail dans les venelles de la cité, les cafés Diwan et le mythique Sidi Abderrahmane, font que ce lieu est un symbole de la culture algéroise.

Ramadhan était un mois spécial, surtout à La Casbah, et nul lieu ailleurs n'avait cette ambiance, ces odeurs et ces couleurs. Toutes sortes de marchandises étaient étalées le long des rues, le moindre petit coin était propice à la vente. Coriandre, persil, céleri, paquets de légumes... L'après-midi, des petites tables décorées de guirlandes de jasmin, proposaient Qalb louz, Chamia, Zalabia. Le promeneur déambulant dans les dédales était pris par des sons et odeurs qu'il ne trouvera pas ailleurs. Vers la mi-journée, la préparation du repas commençait et les épices étaient pilées dans un mehrez transmis de génération en génération, chacun émettait un son différent, et au moment de la cuisson des plats, l'odeur des épices se répandait jusque dans la rue. Les habitants de La Casbah avaient un procédé astucieux pour connaître avec exactitude l’heure du ftour. Ils se mettaient aux terrasses des maisons pour apercevoir l’imam de la Grande mosquée. Celui-ci hissait deux drapeaux en haut du minaret. Le drapeau blanc annonçait l’approche de l’heure du ftour. Quelques minutes après, il hissait le drapeau vert annonçant la rupture du jeûne. Les terrasses, lieu de rencontre des femmes, séparées par un simple muret, étaient animées juste après la prière de l'après-midi. Des maisons de la vieille ville en étages avec une vue superbe vue sur la baie d'Alger, l’on admirait la mer et les bateaux. Cet espace était propice aux jeunes filles pour côtoyer leurs aînées pour apprendre la couture, la broderie, le tricot, etc. Parler de La Casbah, c'est évoquer les longues soirées de Ramadhan entre femmes, entourées d'enfants, petits-enfants, attentifs aux M'hadjiatte (contes) de Djeha, au jeu de Boqalate (devinettes). Boualem Titiche célébrait à sa manière la veillée du 27e jour de Ramadhan. Il remontait en jouant de la zorna de la Grande mosquée à la place des Martyrs jusqu'au mausolée de Sidi Abderrahmane, la foule qui l'accompagnait grandissait à mesure qu'il avançait. La Casbah d’Alger, l’un des plus beaux sites maritimes de la Méditerranée, reste menacée, bien qu’elle soit inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

Farida Larbi

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