Mascara,Accoucheuses rurales : Un métier en voie de disparition

En dépit des progrès informatiques, de l’intronisation des nouvelles techniques dans le système médical et de la très nette amélioration des conditions de vie de la société, les populations de Mascara, rurales en particulier, restent très attachées aux us et coutumes de leurs ancêtres. En effet, dans certaines contrées du territoire, dépourvues de toutes structures sanitaires, les populations font usage de plantes pour prodiguer les premiers soins aux malades, mais. Le geste le plus significatif reste les accouchements pratiqués par de vieilles femmes sans aucune assistance médicale, au sein même du foyer. Dans ce contexte, les statistiques font ressortir un taux de réussite très élevé vu l’expérience acquise de ce que l’on appelle les «kablètes». La transition est opérée d’une manière tout à fait naturelle et chaque douar possède une «kabla» disposée à intervenir en toutes circonstances. Khadidja, une octogénaire, compte à son actif presque une centaine d’accouchements pratiqués avec succès sur des femmes de son douar les soulageant de leur grossesse, tout en préservant la vie des bébés. «Ma première expérience remonte à mes 50 ans sur ma bru, prise de douleur en pleine nuit. Jai eu la chance d’avoir assisté auparavant à l’accouchement d’une voisine, et l’occasion m’a été offerte de suivre les mouvements et les gestes de la «kabla» qui l’ont délivrée. L’accouchement s’est bien déroulé et, depuis ce jour, je réponds à toutes les sollicitations car j’éprouve une très grande satisfaction d’accoucher les femmes aucune sans contrepartie. C’est à la fois un honneur et une fierté pour moi de revoir un enfant que j’ai été la première à avoir dans mes bras à la sortie du ventre de sa maman. Moi-même j’ai mis au monde 5 enfants et j’ai 8 petits-enfants que j’ai moi-même retiré du ventre de leurs mères, sans faire appel à une autre kablia puisque dès ma première expérience, j’ai enchainé. Avant, dès que le bébé naissait, je coupais le cordon ombilical, j’essuyais le bébé à l’aide d’une serviette et je le remettais à sa maman. Aujourd’hui, les gestes d’antan ont changé puisqu’il faut soulever le bébé pour permettre la circulation du sang et laver à l’eau chaude le corps», explique-t-elle. Contrairement aux femmes des villes qui sont régulièrement suivies par des gynécologues dès les premiers mois de leur grossesse, et accouchent dans des cliniques ou des maternités en présence d’un personnel médical qualifié, celles des régions rurales ont un cheminement différent dû aux taches pénibles qu’elles accomplissent à longueur de journée sans rechigner et ce jusqu’à leur accouchement. Khalti Khalidja est peut-être de nos jours l’une des rares accoucheuses encore en vie malgré ses 95 ans. Ayant perdu la vue, elle garde encore en mémoire des souvenirs qu’elle qualifie de sensationnels. Pour elle, «les jeunes filles d’aujourd’hui, y compris celles des zones rurales, sont plus cultivées et rivalisent en esthétique. Elles ne font plus confiance aux accoucheuses rurales comme autrefois. Celles de mon cercle familial me l’ont avoué». Elle déplore les accouchements opérés par césarienne, une pratique qui n’existait pas en son temps, mais qui est courante de nos jours.

A. B.

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