
La commune de Medjana, au nord de Bordj Bou Arréridj, est un passage obligé pour tous ceux qui veulent se rendre dans la chaîne montagneuse des Bibans. On ne peut se déplacer à Djaâfra sans aller à Medjana. Mais contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Medjana ne se trouve pas sur une montagne, même si elle est élevée par rapport au chef-lieu de wilaya. Elle compte même l’une des plus grandes plaines agricoles dont les produits sont parmi les meilleurs en termes de goût ou de qualité nutritive. Elle est considérée à juste titre comme l’un des greniers de Bordj Bou Arréridj. Elle tire peut-être cette qualité de la proximité qu’elle a avec la fameuse chaîne montagneuse, son eau très appréciée provient essentiellement de cet espace si pur. Une source a fait la réputation de la commune ; l’histoire de la localité qui a été un bastion de la révolution de 1871 a fait le reste pour donner au lieu l’attrait qu’on lui connaît. La source qui fait allusion à cette histoire associe les deux atouts de Medjana avec un brin de mystère, puisque personne ne connaît exactement les circonstances de son aménagement. Aïn Bachagha, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est un des monuments de la région et un motif de fierté pour les habitants. Un Medjani qui se respecte doit boire de son eau pour se sentir chez lui, et elle a un goût des plus savoureux, assurent les mêmes habitants. Cette eau provient directement de la montagne et cela lui garantit une fraîcheur qui ne manque pas de faire plaisir à celui qui la consomme. Elle est surtout un motif de réunion et de communication, particulièrement durant le Ramadhan. C’est une des habitudes sacrées pour les habitants qui se rendent à la source remplir les bouteilles du fameux liquide sans lequel la table n’a pas de valeur. Ils profitent de l’occasion pour évoquer le passé proche ou lointain de la localité, en plus des problèmes quotidiens. Medjana a été la capitale des Mokrani qui ont dû quitter la Qalaâ Béni Abass où ils ont régné pendant des siècles. Ce n’est pas le seul élément de grandeur de la région. Les habitants de cette dernière, qu’on appelle les H’cham, ont constitué l’essentiel des soldats de l’armée que le bachagha Hadj Mohamed Mokrani a montés contre les Français. Ce passé de guerriers est présenté comme des lettres de noblesse à leurs petits-enfants, le prix qu’ils ont dû payer après la défaite du chef de la résistance aussi. Que la source porte le nom du bachagha renvoie à ce passé glorieux, même si rien n’indique que Hadj Mohamed Mokrani soit derrière sa création, ni même qu’il ait bu de son eau. Mais les habitants peuvent passer des heures à parler de l’histoire de la localité sans se lasser. La fraîcheur qui se dégage des lieux facilite la discussion, même si l’on parle d’autres sujets, qu’ils soient d’ordre public ou privé. Ce qui est sûr, c’est que pour les habitants et même les visiteurs, rien ne vaut une virée à cette source si abondante et en même temps si évocatrice. Tous ces attraits ont poussé beaucoup de personnes à venir d’autres communes pour visiter Medjana et s’abreuver de son eau si pure. La visite est d’autant plus agréable que la route vers la localité traverse d’immenses champs verdoyants pour le grand plaisir des yeux. Le dépaysement est assuré. Une fois sur place, c’est un autre voyage à travers l’histoire qui commence. Des visiteurs restent parfois jusqu’au coucher du soleil avant de rentrer chez eux.
Fouad Daoud