
Depuis plusieurs années, la prolifération des sargasses, une espèce d’algues marines envahissantes, suscite une vive inquiétude sur la côte méditerranéenne. Originaire des zones tropicales, du Pacifique et de l’Atlantique, cette algue a récemment étendu son aire de répartition aux côtes algériennes, franchissant probablement le canal de Suez ou circulant accidentellement via le transport maritime. Cette acclimatation traduit, selon le Dr. Mohamed Adlane Silhadi, spécialiste en environnement marin et côtier, « une adaptation remarquable à des conditions environnementales locales transformées ». L’expert explique que plusieurs facteurs environnementaux favorisent la prolifération des sargasses. « La hausse des températures marines liée au réchauffement climatique crée un milieu optimal pour leur croissance ». Par ailleurs, « l’enrichissement du milieu en matières organiques et nutriments, issus des rejets urbains et agricoles côtiers, aggrave ce phénomène », poursuit-il, en précisant que « la faible agitation des eaux dans certaines zones littorales algériennes, notamment dans les baies et golfes, facilite l’accumulation de ces algues flottantes ». Par ailleurs, leur capacité à résister à des conditions variées, y compris à des périodes de faible luminosité, ou à des modifications de salinité, leur confère une robustesse qui favorise leur invasion rapide. Les conséquences observées par le chercheur sont « multiples et préoccupantes ». Sur le plan écologique, « les tapis denses de sargasses étouffent la biodiversité marine côtière en détruisant habitat naturel et ressources alimentaires, compromettant ainsi les services écosystémiques tels que la pêche ». D’un point de vue sanitaire, le chercheur précise que « la décomposition de ces algues en grandes quantités engendre un dégagement important de sulfure d’hydrogène, un gaz à l’odeur caractéristique d’œufs pourris, potentiellement nocif pour la santé humaine », et « responsable de troubles respiratoires et d’allergies chez les habitants vivant à proximité des côtes affectées ». Économiquement, les chercheurs notent que cette situation « porte atteinte à l’attractivité touristique des plages algériennes et génère des coûts importants pour leur nettoyage ». Face à ces enjeux, le Dr. Silhadi appelle à dépasser « les gestes ponctuels de ramassage », et recommande « un suivi scientifique continu et rigoureux », notamment grâce à l’observation satellitaire. Parallèlement, une piste prometteuse identifiée fait appel à la valorisation des sargasses. Des recherches en cours explorent leur potentiel dans la fabrication de biomatériaux, la construction écologique et la production de biogaz, transformant ainsi cette algue invasive en ressource.
T. K.