Au cœur de la lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier : Force de frappe de la sécurité nationale

Désormais, les actes de terrorisme et de grande criminalité transfrontalière sont examinés par une juridiction spécialisée, avec une compétence territorialement étendue hors frontières et composée de six magistrats ayant une formation complémentaire spécialisée.

C’est exclusif. Le parquet de cette section a ouvert ses portes pour la première fois aux médias. La création de la section de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier du parquet près la cour d’Alger prend en charge des affaires en lien avec le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l’État. Elle constitue l’une des mesures phares du processus de réforme et spécialisation de la justice. C’est la deuxième juridiction spécialisée à être créée, après le pôle judiciaire spécialisé. L’objectif est de consolider le dispositif national de lutte contre le terrorisme et de mieux répondre à l’évolution de la criminalité organisée transfrontalière, notamment. Le procureur de la République près cette section, Mohamed Kamel-Eddine Touidjini, a précisé que la mise en place de cette juridiction «répond à une exigence de spécialisation, de maîtrise de la complexité des affaires, de la connaissance du contexte géopolitique, des mécanismes de coopération et d'entraide pénale internationale mis en œuvre quotidiennement».
 
Découvrir le quotidien d’un tribunal 
 
Lundi, 10h, au 3e étage du siège du tribunal de Sidi M’hamed à Alger. Les couloirs qui mènent vers les chambres d’instruction sont animés. Cette section est l’une des plus importantes juridictions spécialisées du parquet en type d’affaires. L'activité y est toujours intense. Cette matinée, des individus menottés escortés par des policiers sont présentés devant les juges d’instruction, après leur mise en garde à vue. Pour le procureur de la République près la section, Mohamed Kamel-Eddine ­­­­­­­­­, il s’agit du quotidien du tribunal. Ce reportage exclusif est l'occasion de découvrir le quotidien de cette section. Le procureur de la République a passé la matinée à faire des allers-retours entre son bureau et les chambres d’instruction, où attendent les individus déférés.
Cette nouvelle section spécialisée dans l’examen des affaires de terrorisme et de crime transfrontalier organisé a été créée en 2021 au niveau du tribunal de Sidi M’hamed, explique-t-il. Elle a une compétence nationale. En outre, cette section spécialisée apportera une meilleure réponse judiciaire aux actes terroristes et criminels, notamment le trafic d’armes et de drogue. La section a pour mission la répression des crimes liés au terrorisme, les crimes et délits relatifs à la prolifération des armes et le narcotrafic, en vertu de l'ordonnance modifiant et complétant celle du 8 juin 1966, portant code de procédure pénale, dans le chapitre lié à l’extension de compétence dans les infractions de terrorisme et de crime transnational organisé. L’ordonnance dispose, notamment, que «le procureur de la République et le juge d’instruction du tribunal siégeant au chef-lieu de la cour d’Alger exercent une compétence concurrente à celle résultant de l’application des articles 37 et 40 de la loi, dans les infractions qualifiées d’actes terroristes ou subversifs prévues par le Code pénal». Cela outre «les infractions prévues par la loi du 6 février 2005 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme». La mise en place de cette structure, dans le cadre de l’amendement du Code de procédure pénale, constitue «une réponse adaptée aux nouveaux défis sécuritaires, notamment l’évolution du crime et le développement du mode opératoire des réseaux criminels», précisant que «la mise en place de cette section antiterroriste répond à une exigence de spécialisation». 
En outre, il est indiqué que «le procureur de la République et le juge d’instruction du tribunal siégeant au chef-lieu de la Cour d’Alger exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national et ont une compétence exclusive pour la poursuite et l’instruction des infractions d’actes terroristes prévues dans l’article 87 bis 6 du Code pénal et des infractions qui leur sont connexes». 
 
Tiguentourine, Tibhirine, feux de forêt criminels toujours en instruction 
 
Cette section a examiné les grandes affaires liées au terrorisme, à la spéculation illicite et au trafic de stupéfiants. Elle est composée de six juges d’instruction spécialisés, indique le procureur de la République. L’examen de ce genre d’affaires était du ressort du tribunal criminel près les cours, avant de les confier au pôle judiciaire spécialisé près le tribunal de Sidi M’hamed, créé en 2008. La section hérite de quelques dossiers de ce pôle, à l’instar de l’attentat contre le site gazier de Tiguentourine, qui est toujours en cours d’instruction au niveau de cette juridiction, ainsi que l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine. À l'heure actuelle, chaque juge d'instruction de cette section a en charge une dizaine de dossiers. Sur le fond, le volume des informations criminelles a notablement augmenté, au cours de ces deux dernières années, souligne le procureur de la République. Les juges instructeurs ne chôment pas. La section jouit d’une compétence exclusive. 
À la question sur le déroulement des enquêtes préliminaires sur ces affaires spéciales et complexes, le procureur de la République explique que le parquet travaille avec les trois services de sécurité spécialisés, à savoir l’enquête judiciaire, la Sûreté et la Gendarmerie nationales. «Ces trois services sont composés d’enquêteurs spécialisés, de même pour les magistrats», relève-t-il. 
En effet, cette section avait la charge d’examiner les dossiers des organisations terroristes MAK et RACHAD. «On travaille sur les PV (procès-verbaux) de la police judiciaire spécialisée des services de l’enquête judiciaire, la police et la gendarmerie, mais le parquet près la section de lutte antiterroriste et du crime organisé transfrontalier peut s’autosaisir.
 Dans les grandes affaires et les dossiers importants, le procureur de la République œuvre au suivi de la procédure, à travers un contact permanent et quotidien avec l’OPJ, en sa qualité du chef du parquet», fait-il savoir. 
 
Les chefs terroristes sont passés par là 
 
Parmi les grands dossiers, le magistrat cite l’affaire de l’assassinat du ressortissant et guide de montagne français, Hervé Gourdel, en septembre 2014. Le procès a eu lieu en février 2021, au niveau le tribunal criminel de Dar El-Beida, après une enquête judiciaire ayant duré des années. L’accusé principal, en l’occurrence Malek Hamzaoui alias «Abou Hafs», l’adjoint du chef de «Djound El-Khilafa», a été condamné à la peine capitale. Aussi, l’instruction judiciaire de l’affaire de l’assassinat du jeune Djamel Bensmaïl à Larbaâ Nath Irathen a été menée par cette section, qui a qualifié les faits de crimes. Ainsi, 38 accusés ont été condamnés à la peine capitale par le tribunal criminel d'appel près la cour d’Alger, pour homicide volontaire avec préméditation, torture et incitation à la torture, mise à feu volontaire des cultures ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Cette section a également mené l’enquête judiciaire de l’affaire du terroriste Ahcene Rezkane alias «Abou Dahdah», la boîte noire des organisations terroristes, liée à la découverte de caches d’armes et de munitions par des détachements de l’ANP à Jijel. L’instruction a été clôturée. Le procès est programmé pour la prochaine session criminelle, au niveau du tribunal criminel de Dar El-Beida. D’autres affaires sont toujours en cours d’instruction, à l’instar de l’attentat de Tiguentourine et de l’enquête sur l’assassinat des moines de Tibhirine, et les feux de forêt criminels et mortels à Tipasa, à Béjaïa et à El-Tarf. Le procureur de la République ne donne pas de détails, en raison du «secret de l’instruction», se contentant de préciser que «l’enquête est toujours en cours». La durée de l'instruction paraît longue pouvant s’étendre sur plusieurs années. Pouvez-vous l’expliquer ? Le magistrat a répondu qu’«il s'agit d'affaires généralement très complexes, avec des ramifications dans de nombreux pays avec lesquels la coopération internationale n'est pas toujours aisée à mettre en œuvre, même si, dans le domaine de lutte antiterroriste, nous enregistrons une coopération fructueuse. Nous faisons de notre mieux pour réduire les délais d'enquête, mais notre souci majeur est d’œuvrer dans le cadre de la loi à établir la vérité, conformément aux coutumes et traditions en vigueur dans le domaine judiciaire», assure-t-il.
Les présentations devant le parquet durent plusieurs heures jusqu’à 48 heures à 5 jours consécutifs dans certains dossiers, a-t-on constaté sur place. M. Touidjini a souligné que la section travaille 7J/7J, H24 et même durant les week-ends, selon l’importance du dossier et la gravité des faits. 
 
N. B.

 

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