À travers Izourane Algérie, trois jeunes femmes revalorisent le mode de construction ancestrale

Le village historique d’Ighil Imoula accueille une initiative patrimoniale inédite. Izourane Algérie, un cabinet d’architecture spécialisé dans la réhabilitation des maisons traditionnelles, mène un chantier-école autour des métiers de restauration traditionnelle. À l’issue de ce projet, cette vieille maison deviendra une table d’hôte afin de créer une certaine dynamique économique, sociale et culturelle.

Ce projet est porté par trois jeunes femmes :Rafika Mokhtari, architecte spécialisée en patrimoine ; Nafissa Lazri, architecte spécialisée en design intérieur et Manel Djoulane, ingénieure en génie civil. Elles partagent une passion pour le patrimoine bâti ancienet une responsabilité envers son entretien.

«Izourane signifie racine en tamazight. Nous intervenons sur deux volets : l’organisation de chantiers-écoles, qui consiste à former de jeunes architectes aux techniques ancestrales de construction et restauration. Le second volet, les projets clé en main, concernent la rénovation pour des particuliers de maisons traditionnelles. On peut également répondre à la demande des clients qui souhaitent construire en incluant une certaine valeur patrimoniale. L’objectif est d’offrir un exemple concret aux villageois quant à l’importance de ce patrimoine délaissé», précisent les initiatrices de ce projet.Le premier chantier-école s’est tenu en 2022 au village Kala Ath Abbas. Le 9 mai dernier, un nouveau chantier a débuté au village Ighil Imoula. 

Rafika explique que la maison traditionnelle en rénovation dans le cadre du chantier-école est une harra, composée de trois espaces principaux : taqaat, lieu de vie, de cuisine ; addaynine étable pour les animaux et taarichet, la chambre à coucher située à l’étage. Comme toutes les maisons traditionnelles, elle est construite en pierre. L’épaisseur des murs ne dépasse pas les 60 cm.

En plus des challenges techniques, Rafika et Manel évoquent la difficulté à intervenir sur des maisons même si elles sont abandonnées. «Pour travailler dans les règles, le propriétaire de cette maison nous a fait un bail de location sur 5 ans. Nous ne payons pas le loyer, mais nous réhabilitons cette maison qui pour en faire une table d’hôte qui, à l’issue des travaux, son propriétaire pourral’exploiter», décrivent-elles.

Comment les anciens construisaient ?   

La maison sur laquelle elles interviennent est construite en pisé et couverte avec une charpente traditionnelle en bois. Elle comporte plusieurs jarres appelées Ikkoufen, utilisées jadis pour le stockage des huiles et des graines.

«La construction en pisé est une technique ancestrale qui consiste à bâtir des murs massifs en compactant de fines couches de terre humide dans des coffrages. La terre, généralement argileuse mais, parfois aussi, avec du sable et du gravier, est compactée dans un coffrage en bois appelé ‘’banche’’ pour créer des blocs de terre. Ces blocs sont ensuite assemblés pour former les murs», détaille Rafika.

Rafika explique que ce mode de construction est durable et écologique. La construction exige des matériaux locaux pour créer des murs massifs et résistants.

 

«La technique du pisé consiste à passer par plusieurs étapes. D’abord, préparer la terre. Celle-ci doit être humidifiée pour faciliter le compactage. Vient ensuite la construction du coffrage. Il s’agit de placer des branches en bois afin de contenir la terre. La terre est compactée couche par couche dans le coffrage avec des outils comme des dameuses. Une fois la terre compactée, le coffrage est retiré pour laisser sécher les blocs de terre. Ces dernierssont ensuite assemblés pour construire les murs», détaille l’architecte.

La construction en pisé présente plusieurs avantages, notammentl’utilisation de matériaux naturels comme la terre, un matériau local, durable et peu transformé. Cette construction assure également un confort thermique : les murs en pisé offrent une excellente inertie thermique, régulant la température intérieure, comme elle offre aussi une bonne isolation phonique.

Il existe plus de 500 villages enclavés en Algérie. Partis vers les villes, les habitants de ces villages n’ont pas seulement laissé des bâtisses traditionnelles mais aussi un mode de vie et des savoir-faire aujourd’hui en perdition. À travers Izourane Algérie, ces trois jeunes femmes collectent l’information auprès des anciens des villages et la transmettent dans le cadre de séries de formations afin d’en assurer la pérennité.

 

 

 

 

 

 

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