
Entretien réalisé par : Neila Benrahal
Le sous-directeur adjoint des programmes et méthodes à la Direction de la formation de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), le commissaire divisionnaire Fayçal Hadj Sadouk, détaille dans cet entretien «l’approche par compétence», adoptée par l’institution policière pour mieux préparer les policiers à répondre de manière efficace aux défis sécuritaires. Il a également fait savoir que les établissements de formation seront dotés de «villages de simulation».
El Moudjahid : Face au développement de la criminalité et du banditisme, la Direction générale de la Sûreté nationale a décidé de professionnaliser ses policiers. Quelle est la stratégie pour atteindre cet objectif ?
Fayçal Hadj Sadouk : La formation au sein du corps de la police constitue l’une des priorités majeures du DGSN afin d’atteindre les objectifs de modernisation et de professionnalisme dans les rangs de la Sûreté nationale. C’est un outil essentiel pour l’amélioration, le renforcement de la performance et la qualification des fonctionnaires de police pour assurer l’efficacité de leurs missions notamment la sécurité du citoyen et la protection de ses biens. Ce volet inscrit dans la politique de formation de la Sûreté nationale a nécessité un effort particulier qui a porté sur l’augmentation des capacités pédagogiques, l’adaptation des programmes, la qualification du corps enseignant par la formation des formateurs en Algérie et à l’étranger et évidemment l’acquisition de moyens pédagogiques modernes. Ainsi, la DGSN a adopté une nouvelle approche «par compétence». Il y a quelques années, on travaillait avec «l’approche par contenu» avant d’aller à «l’approche par objectifs». Mais ces approches ne répondent pas aux exigences réelles du terrain, d’où le recours à une transition à l’instar de plusieurs institutions publiques, surtout que l’approche par compétence répond également au monde du travail. Même l’université a adopté cette approche. La DGSN est appelée à former des compétences afin de répondre aux exigences sécuritaires et cette approche est la meilleure face aux nouveaux défis sécuritaires exigeant un degré élevé de professionnalisme et de vigilance dans un contexte post-terrorisme caractérisé par l’apparition d’une nouvelle délinquance et du crime organisé. Ainsi, cela nécessite la formation d’un personnel professionnel pour y faire face et s’adapter à l’évolution de la criminalité. Aujourd’hui, les criminels agissent en réseaux et utilisent des technologies sophistiquées. À cela s’ajoute l’évolution de la société, d’où la nécessité d’élever le degré de qualification des policiers.
En quoi consiste cette approche ?
L’approche par compétence, contrairement aux approches par contenu et par objectif, favorise le développement des capacités professionnelles du personnel. Avant d’aller vers cette approche, nous avons lancé une réflexion sur la définition des missions réelles sur le terrain, le contexte et les exigences du milieu professionnel. Cette approche garantit l’acquisition des savoirs et des compétences dans un contexte proche du réel et permet de former les policiers aux compétences nécessaires à l’exercice de leur métier. Elle s’articule autour de trois axes, dont les connaissances, soit la définition des connaissances théoriques que l’apprenant (le stagiaire) doit posséder ainsi que les compétences techniques qu’il doit acquérir. Aussi, le savoir-être soit les attitudes et les comportements que l’apprenant doit développer. Pour ce faire, deux stages pratiques d’une longue durée figurent dans chaque programme de formation. Le cycle d’apprentissage expérientiel est au cœur de cette approche pour mettre l’apprenant dans une situation réelle ou proche du réel. Dans cette approche, le rôle du formateur est d’orienter et d’organiser l’apprentissage. L’apprenant doit faire appel à ses capacités.
Avez-vous élaboré de nouveaux programmes pédagogiques ?
Bien sûr, il y a eu une conception des programmes, à savoir la révision des programmes de formation suite à l’identification des besoins réels, des analyses de la situation de travail (AST) à travers des questionnaires, des entretiens et des sondages. Une commission a été mise en place composée d’experts, de spécialistes, de méthodologues et de professeurs universitaires, car cette approche permet, outre la définition des compétences, une évaluation continue à travers des mises en situation professionnelle afin de détecter les points forts et les insuffisances. Cet outil permet l’évaluation du degré d’acquisition des connaissances en la matière. On a même recouru à l’autoévaluation ou l’autoscopie, à savoir la confrontation de l’apprenant avec ses erreurs. On fait ressortir les aspects négatifs par des tests, des mises en situation professionnelle pour la résolution des problèmes dans des situations plus complexes. On organise également des ateliers pour promouvoir le travail d’équipe dans le cadre de la coanimation.
Qu’en est-il de la formation des encadreurs et des formateurs chargés de l’exécution de cette approche ?
Elle a été prise en charge bien sûr. Nous avons lancé une action de sensibilisation au profit des encadreurs sur cette nouvelle approche ainsi qu’une formation dans l’élaboration des programmes dans le cadre de l’APC. La formation a touché les formateurs, à savoir les gestionnaires de la formation et les cadres des services opérationnels.
Vous avez déclaré que les stages pratiques ont été renforcés. S’agit-il de simulations ?
Cette approche s’articule notamment sur les aspects pratiques dans les établissements de formation. Les programmes pédagogiques sont basés sur le volet pratique, pas uniquement des stages pratiques mais aussi des mises en situation professionnelle car l’approche consiste en l’amélioration des capacités des nouvelles recrues et des fonctionnaires en exercice, notamment des services opérationnels. La DGSN envisage aujourd’hui de doter chaque établissement de formation d’un «village de simulation» équipé de moyens adéquats, à savoir les structures publiques pour l’exécution de cette approche et mettre l’apprenant dans une situation très proche du réel. L’École de police de Soumâa, à Blida, est dotée d’un village de simulation en prévision de généraliser tous les centres de formation.
Cette approche est-elle opérationnelle au sein du corps de la police aujourd’hui ?
Elle est mise en œuvre et opérationnelle. Elle a été intégrée au programme de formation des quatre dernières promotions sortantes des agents de police (AOP). En chiffres, 4 832 AP en 2024 et 6 550 AP en 2025. Une formation sur APC des inspecteurs de police est en cours à l’École de formation des officiers de police à Sétif. Au total, 6 247 stagiaires entre AP et IP sont en cours en formation. Pour l’année scolaire 2025/2026, on prévoit la formation, dans le cadre de cette approche, de 7 500 AP et 1 000 IP répartis à travers les établissements de formation.
Qu’en est-il de la formation continue et de la formation spécialisée ?
Nous avons organisé 276 sessions de formation au profit de 19 923 fonctionnaires des différentes directions, notamment la Police judiciaire, les Renseignements généraux (RG) et la Police des frontières. Les chefs de sûreté de wilaya et les chefs de sûreté de daïra ont été également formés en attendant la formation des chefs de sûreté urbaine.
Les services spécialisés ont été dotés de moyens d’investigation modernes et leurs personnels ont subi une formation de haut niveau. Nos policiers ont bénéficié, dans le cadre d’un partenariat entre la DGSN et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, d’une formation spécialisée dans plusieurs disciplines telles que la criminologie, l’interprétation, l’enquête criminelle, les études stratégiques, les relations internationales et la psychologie de la circulation
Justement, s’agissant de partenariat, la DGSN a accompagné plusieurs polices en matière de formation. Parlons-en…
Le DGSN a privilégié la mise en œuvre d’un programme de modernisation efficace et cohérent. La coopération est au cœur du plan de formation visant le renforcement des capacités professionnelles de la ressource humaine policière qualifiée.
Nous avons signé plusieurs conventions-cadres avec les ministères de la Défense nationale, la Justice et la Santé, la Formation professionnelle, la Culture, la Gendarmerie nationale, la Direction générale des Douanes, la Protection civile, ainsi qu’avec des écoles supérieures, à l’instar de l’Académie algérienne des sciences et des technologies (AAST), l’École nationale d’administration (ENA) et le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), de management, l’Institut supérieur de gestion et de planification, l’Institut algérien des hautes études financières, l’Office national de développement et de promotion de la formation continue.
Sur le plan international, la Police algérienne fait partie des membres actifs des organisations internationales. Nous avons une coopération sécuritaire fructueuse avec les organisations internationales, notamment Interpol, Afripol, ONUCD et avec plusieurs pays dont l’Italie, la Chine, la Corée, l’Espagne, l’Égypte dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale. Aussi la Police algérienne a-t-elle procédé à la formation des polices des pays arabes et africains dans la formation de base et le soutien logistique ainsi que des échanges d’expériences et d’expertises avec des Mauritaniens, des Palestiniens, des Camerounais et des Nigériens.
N. B.