
Autrefois «passage» obligé pour les citoyens qui sillonnent le centre-ville, les souterrains de Constantine émergent laborieusement d’une léthargie qui a duré des décennies, soit depuis le début des années 1990, où, l’insécurité aidant, ces derniers avaient quasiment été désertés par les piétons, ce qui avait entraîné la fermeture de la plupart des commerces s’y trouvant et qui, jusque-là, avaient pignon sur… rue.
Si les passages situés à proximité du centre culturel Mohamed- Laïd-Al-Khalifa ont continué à fonctionner bon an mal an, ceux se trouvant à la place du 1er-Novembre (ex-place de la Brèche) ont connu un sort différent, car ravagés par un incendie en avril 2015, lequel avait réduit en cendres 40 locaux commerciaux et 110 étals de marchandises, ils n’ont été rouverts qu’en 2021, après une grande opération de réhabilitation d’un coût estimé à 800 millions de centimes. Celle-ci a concerné le renouvellement des réseaux électrique et d’assainissement, le revêtement du sol et des murs ainsi que la mise en place de systèmes d’aération, de prévention des incendies et de caméras de surveillance. Les autorités avaient alors donné des instructions pour que les normes esthétiques soient respectées, et que l’endroit soit exclusivement dédié aux activités liées à l’artisanat traditionnel. Dans ce contexte, s’y tient actuellement, sous l’égide de l’APC de Constantine, en collaboration avec la Chambre de l’artisanat, un salon de l’artisanat et des métiers traditionnels. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la redynamisation des activités culturelles au centre-ville, notamment dans cet espace appelé à contribuer à la réalisation d’un double objectif : faire fluidifier la circulation routière tout en offrant aux citoyens l’opportunité de découvrir les œuvres d’artisans du cru. Ainsi, à côté des stands dédiés aux produits textiles, se trouvent d’autres de dinanderie et d’objets de décoration, ou encore de gâteaux secs et de pâtisserie traditionnels. Cela étant, les usagers des passages souterrains se font encore relativement rares en dépit de la chaleur accablante enregistrée ces derniers jours. Accostée, Abla, 56 ans, accompagnée de ses deux filles, nous a déclaré qu’elle était heureuse de retrouver les souterrains après avoir évité de les emprunter depuis des années : «L’insalubrité des lieux, ainsi que leur fréquentation par certains individus suspects, qui en avaient quasiment fait leur repaire, ont affecté durablement leur fréquentation par les citoyens, notamment la gent féminine, mais depuis leur réouverture, je m’y rends quelquefois en compagnie de mes enfants pour y chercher de l’ombre par temps de chaleur, un abri par temps de pluie et éventuellement quelques articles ménagers.» De son côté, Kaïs, enseignant établi au Canada, nous a révélé qu’il fait un tour aux souterrains à chaque fois qu’il rentre au pays : «C’est presque un rituel pour moi. Je vais directement visiter les stands des vendeurs de livres d’occasion, une habitude qui remonte au début des années 2.000, et je suis encore étonné d’y trouver de véritables pépites qui iront enrichir ma bibliothèque.» Son ami Osman, installé en France, abonde dans le même sens, tout en regrettant au passage qu’il n’y ait pas de musiciens ambulants, un peu à l’image de ce qui se fait dans les stations de métro occidentales : « Cela pourrait constituer un attrait supplémentaire, notamment pour les touristes avides de culture nationale», et de conclure : «Si cela se concrétise un jour, j’empoignerais ma guitare et je viendrais sans aucun problème.» Pour en revenir à la fluidification de la circulation, il convient de préciser que l’APC vient de procéder à la fermeture des portions des trottoirs situées juste devant des passages pour piétons dans le but manifeste d’«inciter» les passants à passer par les souterrains. Au-delà des réactions mitigées qu’a suscité cette décision, celle-ci n’a pas été d’un grand impact sur la fréquentation de ces derniers, beaucoup de citoyens préférant carrément traverser en dehors des passages pour piétons, ce qui renseigne sur l’absurdité d’une telle initiative.
I. B.