
L’ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, rejette catégoriquement la tentative du Maroc de faire désigner le Polisario comme « groupe terroriste » aux États-Unis, qualifiant cette démarche de « propagande infondée » et d’« affabulation ». Pour lui, « les Sahraouis n’ont jamais succombé au radicalisme.
Dans un long entretien accordé à El Independiente, un journal électronique espagnol, Bolton qui défend fermement le Front Polisario, « le seul et unique représentant légitime du peuple sahraoui », souligne la présence de longue date d’organisations religieuses et non gouvernementales américaines dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf, fournissant des services éducatifs et médicaux. Ces organisations n’ont jamais relevé une quelconque influence étrangère qui justifierait de telles allégations, affirme-t-il en substance, évoquant plutôt « une propagande infondée ». Le diplomate américain qui a une longue expérience du dossier sahraoui, donne dès le départ le ton : « La politique américaine au Sahara occidental devrait revenir à ses origines de 1991, en soutenant un référendum pour que les Sahraouis décident de leur propre avenir ». Il rappelle qu’en 1991, il a travaillé pour James Baker au Département d’État, participant à la rédaction de la résolution du Conseil de sécurité qui a créé la Minurso (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental) et établi le processus pour le référendum. En 1997, Baker a été nommé envoyé personnel de Kofi Annan pour le Sahara occidental, face au blocage marocain. Bolton explique que le Maroc a systématiquement paralysé le processus, refusant d’organiser le référendum, pourtant prévu, et que cette obstruction dure depuis plus de 25 ans. Il dénonce un schéma répétitif : « Les Marocains ont pris possession effective de la majeure partie du Sahara occidental » et « ont organisé plusieurs “marches vertes” de Marocains se rendant au Sahara occidental » pour renforcer leur contrôle. Cependant, selon lui, la présence massive de Marocains pose également problème pour le Maroc. Selon lui, « ils ont peur que les Sahraouis et même certains Marocains se disent : “L’indépendance semble une bonne idée” » et craignent de perdre un référendum libre et équitable. Cela dit, John Bolton ne cesse d’insister sur le référendum. « La seule solution pour résoudre ce conflit est d’organiser un référendum d’autodétermination, conformément au droit international et aux résolutions de l’ONU » souligne-t-il, rappelant que « les Sahraouis, qui vivent toujours dans des camps de réfugiés à Tindouf en Algérie, méritent de pouvoir rentrer chez eux et décider librement de leur avenir ». Et sur ce point justement, il déplore l’échec de la communauté internationale, et notamment l’ONU, à faire appliquer une résolution simple et consensuelle, faute de coopération marocaine. Concernant la politique américaine, Bolton critique la décision de l’administration Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la qualifiant d’« erreur ». Cette reconnaissance a été accordée dans le cadre des accords d’Abraham, en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël mais là aussi, Bolton rappelle que « les Marocains auraient accepté la reconnaissance de l’accord d’Abraham avec Israël de toute façon », et que Trump a accordé une concession qu’il « n’aurait pas dû leur accorder ». En effet, le diplomate américain estime que cette décision pourrait être révisée, notamment si Trump y trouvait un intérêt économique, par exemple en développant des projets touristiques sur la côte sahraouie. Bolton évoque la côte atlantique du Sahara occidental, qui offre un potentiel touristique important et la possibilité que Trump y développe avec sa « Trump Corporation », une « Riviera » avec ses casinos et stations balnéaires ; ce qui pourrait l’inciter à soutenir un référendum d’autodétermination organisé par le Front Polisario. Plus loin et à la question de savoir si Trump pourrait revenir sur sa décision prise lors de son premier mandat, John Bolton qui regrette que l’administration Biden n’ait pas modifié cette politique à son arrivée au pouvoir en 2020, affirme que les États-Unis pourraient adopter une position équilibrée : « reconnaître la possession de facto par le Maroc, mais soutenir toujours l’organisation d’un référendum ». Concernant la campagne menée au Congrès américain pour désigner le Front Polisario comme groupe terroriste, Bolton la considère comme une « erreur » et une « pure propagande », sans fondement réel. Il insiste sur le fait que les accusations véhiculées sont « complètement fausses » et que les ONG américaines présentes dans les camps sahraouis ne relèvent aucune influence étrangère. Par ailleurs et au sujet des rivalités entre le Maroc et l’Algérie, qui vont au-delà du conflit lui-même, Bolton raconte une anecdote révélatrice : lors d’une visite en 1997, il a vu dans le bureau du roi du Maroc une carte murale où étaient représentées les prétentions territoriales marocaines, incluant « non seulement le Sahara occidental, mais aussi la moitié de l’Algérie et une grande partie du nord de la Mauritanie ». Le diplomate américain estime que résoudre la question du Sahara occidental pourrait contribuer à « limiter ce conflit potentiel » entre les deux pays, en clarifiant le contrôle des ressources naturelles, de la pêche et du potentiel touristique. Pour John Bolton, « la stabilité du Sahel et de l’Afrique du Nord dépend en partie d’une solution juste et conforme au droit international pour le Sahara occidental ». Enfin, Bolton déplore la position du gouvernement espagnol, rappelant que l’Espagne s’est retirée du Sahara occidental il y a près de 50 ans sans que la décolonisation ne soit achevée, laissant les Sahraouis dans une situation précaire. Il insiste sur le fait que « les victimes sont les Sahraouis, qui continuent de vivre dans ces camps de réfugiés à Tindouf, 25 ans après que nous ayons dit que nous organiserions un référendum ».
Y. Y.