Aide humanitaire au Yémen : Les riches comptent leurs sous

Alors que 400 000 enfants de moins de cinq ans pourraient mourir de malnutrition aiguë «sans traitement d'urgence», selon les estimations de l’ONU, la communauté internationale, elle, compte ses sous et tourne presque le dos à cette catastrophe humanitaire. Sur les 3,85 milliards de dollars nécessaires pour éviter une mort certaine à cette frange de la population yéménite, la conférence internationale virtuelle, organisée lundi à l’initiative de la Suisse et de la Suède, et à laquelle ont pris part une centaine de gouvernements et de donateurs particuliers, 1,7 milliard de dollars seulement ont été récoltés. Mieux que rien, diront certains, mais largement insuffisants pour répondre à la réalité du terrain, marquée par une famine aiguë et à grande échelle. La PAM (Programme alimentaire mondial) a besoin de 1,9 milliard de dollars rien que pour endiguer la menace de la famine. Avec l’enveloppe amassée et autres promesses de dons, on est encore loin du compte. Un résultat qui donne déjà froid dans le dos, d’autant que le conflit risque de durer au vu des combats acharnés entre les Houthis et l’armée loyaliste, appuyée par une coalition de certains pays arabes et menée par l’Arabie saoudite, autour de la ville de Ma’rib. À l'ouverture, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres avait exhorté les donateurs à assurer une aide de 3,85 milliards de dollars comme seuil nécessaire pour empêcher la famine d'«engloutir» ce pays très pauvre de la Péninsule arabique où «l'enfance est un enfer». Malgré cet appel pressant, le chef de l'ONU n'a pas été entendu. Les fonds récoltés sont encore moins que l'aide versée en 2020, qui manquait déjà de 1,5 milliard de dollars sur les 3,4 nécessaires. «Le résultat de la réunion d'aujourd'hui (...) est décevant», a regretté Antonio Guterres. «Des millions d'enfants, de femmes et d'hommes yéménites ont désespérément besoin d'aide pour vivre. Réduire l'aide équivaut à une peine de mort». Le conflit yéménite, qui dure depuis six ans et qui a fait des dizaines de milliers de morts, a poussé des millions d'autres au bord de la famine, engendrant, selon l’ONu, la pire crise humanitaire au monde. Selon les derniers chiffres de l'institution onusienne, plus de 16 millions de Yéménites, soit environ la moitié de la population de 29 millions d'habitants, risquent d'être confrontés à la faim cette année. Près de 50 000 d'entre eux «meurent déjà de faim dans des conditions proches de la famine», et 400 000 enfants de moins de 5 ans pourraient mourir de malnutrition aiguë «sans traitement d'urgence». Chaque minute compte désormais, prévient le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock : «Il va y avoir une plus grande famine encore au Yémen, c'est ça la réalité. Ça dépend maintenant de la vitesse à laquelle les donateurs vont transférer l'argent qu'ils ont promis et des engagements futurs qu'ils pourraient prendre. Et là aussi, c’est une autre course contre la montre qu’il faut à tout prix remporter, car la vie des enfants du Yémen en dépend urgemment». M. T.

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