
Ahmed Attaf a réaffirmé la position de l'Algérie qui est contre une intervention militaire au Niger. Cet activisme diplomatique illustre le fait que notre pays met clairement le cap sur la stabilité de la région et du continent.
Les frontières de l’Algérie n’ont jamais été aussi troublées et poreuses. L’impératif de leur sécurisation devient donc une priorité. Aujourd'hui, la Libye a perdu le contrôle de ses frontières. La Tunisie, le Mali et le Niger se battent pour garder le contrôle sur les leurs. Les menaces viennent principalement de bandits, terroristes, trafiquants, mais les menaces étatiques n’ont pas complètement disparu. En effet, l’instabilité et l’insécurité au Sud et à l’Est, posées essentiellement par des acteurs non étatiques et des menaces transnationales, impliquent une réorganisation des périmètres de la défense nationale. Ces conflits à répétition sont des occasions pour les vendeurs d’armes, des puissances étrangères et des djihadistes de s’immiscer dans les affaires intérieures des États déjà fragilisés, mais aussi de gagner du terrain, regrette, à El Moudjahid, le Dr Chourouk Mestour, en soulignant que dans le Sahel, des acteurs extérieurs liés aux États ou aux multinationales profitent à des degrés divers de la guerre. «Pousser la CÉDÉAO à intervenir au Niger, c'est affaiblir et transformer ce pays et la région en un champ de mines de chaos. Les groupes terroristes prospèrent dans des situations de chaos, car celles-ci offrent un environnement propice avec une surveillance limitée», déplore-t-il.
Ce chaos entravera les efforts de l'Algérie de soutien à la recherche d'une solution politique au Niger. À ce sujet, l’universitaire souligne que «chaque pays est préoccupé par ses propres problèmes de sécurité, laissant le Niger isolé et sous l'influence de la CÉDÉAO ou des puissances étrangères». De son côté, le Dr Nasser Zammit, chercheur en relations internationales et spécialiste en études stratégiques et politiques de défense, relève que notre pays a toujours réitéré sa volonté de «retrouver» son rôle d’État «influent» au sein de l'Union africaine et rappelle que l'approche algérienne est, depuis la nuit des temps, axée sur la gestion politique des crises et des conflits sur le continent. «Une dizaine de conflits armés se déroulent en Afrique, ce qui en fait la région du monde la plus touchée», regrette-t-il. Et d’ajouter : «Ces conflits opposent soit des États entre eux ou bien un État qui fait face à une autre partie comme un ou plusieurs groupes rebelles, ou encore des organisations terroristes. Le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, le Tchad, et la Libye sont touchés par des conflits armés dont la source est souvent communautaire, ethnique ou politique.» Le chercheur note également que «certains conflits résultent de querelles politiques autour du contrôle du pouvoir», précisant que sous prétexte d'aide humanitaire, des puissances étrangères «œuvrent à renforcer» une intervention militaire déterminée plutôt par la défense d'intérêts économiques. Affirmant que l'Algérie jouit d'une influence politique importante au sein de l'UA, le Dr Zammit rappelle que c'est grâce à la médiation algérienne en 2.000 que le conflit armé entre l’Éthiopie et l’Érythrée a été réglé. «Il est important, poursuit-il, de redonner de la voix à l’Algérie, et redéployer sa force diplomatique, au sein du continent noir, afin de défendre ses intérêts, et jouer les premiers rôles, en tant qu’État pivot au Maghreb et au Sahel». En effet, avec l'effondrement de la situation dans la région, la question de la sécurisation des frontières constituera un dilemme majeur. Imposée par les troubles croissants dans le voisinage géographique sahélo-maghrébin, les menaces sont diverses, polyvalentes, ambiguës et vagues. Par le passé, les relations entre les pays furent la raison principale des problèmes à la frontière, mais, aujourd’hui, les menaces non étatiques sont la cause de l'agitation à la frontière, en raison de la fragilité ou même de l’absence de l’État, «où le scénario d’une propagation du chaos et d’une accélération des activités terroristes et des guerres internes est très probable». La tournée du ministre des Affaires étrangères illustre que l'Algérie assume presque toute seul la sécurisation de ses frontières et celle de ses voisins, fragilisés par l'effet de plusieurs facteurs. Par conséquent, «la diplomatie algérienne considère le traitement des dysfonctionnements dans les États voisins comme hautement prioritaire, et non pas le recours à la solution armée».
Tahar Kaidi