Plaidoyer de Youcef Cherfa devant le Conseil de sécurité sur l’insécurité alimentaire : «Attaquons-nous aux causes profondes»

  • L’Algérie est disposée à contribuer aux efforts collectifs, pour préserver la paix et la sécurité

Remédier, «dans un esprit de la coordination collective», aux dysfonctionnements dans le système de production et de la chaîne d'approvisionnement, est ce qui est impératif pour s'attaquer aux causes profondes de l'insécurité alimentaire dans le monde. C’est d’emblée ce à quoi plaide l’Algérie, par la voix du ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa.

Lors de son allocution, à l'occasion de sa participation, en qualité de représentant de l'Algérie au débat public de haut niveau au Conseil de sécurité des Nations unies, mardi à New York, sur «Les effets des changements climatiques et de l'insécurité alimentaire sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales», le ministre de l’Agriculture a mis l'accent sur l'impératif de «s'attaquer aux causes profondes de l'insécurité alimentaire». Cette entreprise commence par «l’identification des points faibles», pour en remédier «collectivement aux dysfonctionnements» constatés. Échafaudant son raisonnement, M. Cherfa détaille la proposition de l’Algérie et déclare qu’«il y a lieu de renforcer la croissance économique globale, lutter contre la pauvreté et l'inégalité, promouvoir la bonne gouvernance et faciliter l'accès des produits agricoles des pays du Sud aux marchés mondiaux, en levant les obstacles commerciaux». Pour atténuer les risques des changements climatiques et renforcer la stabilité à long terme, l’Algérie propose «la relance des mécanismes de prévention et de résolution des conflits, en prenant les mesures proactives, pour les empêcher et en s'attaquant à leurs racines».
Il s’agit également de mettre l’accent sur l'importance de forger la résilience des sociétés et des écosystèmes face aux calamités naturelles, et ce à travers le soutien aux pratiques agricoles durables, le renforcement de la préservation des eaux et la gestion des ressources naturelles de manière rationnelle.

Face au changement climatique : Les concessions nécessaires

M. Cherfa a souligné, dans le même sillage, la nécessité de «renforcer la coopération internationale, à travers l'établissement de partenariats multilatéraux, visant à échanger la connaissance et les ressources, le soutien aux organisations internationales, à l'instar de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (FIDA) et du Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM), outre le renforcement de la coopération en matière de stratégies d'atténuation des répercussions des changements climatiques». Portant la voix du grand Sud, l’Algérie appelle notamment à «œuvrer à trouver des mécanismes permettant aux pays en voie de développement de mobiliser un soutien financier suffisant, tout en renforçant les opportunités de créativité, de recherche scientifique et de développement dans les domaines agricoles ayant trait aux changements climatiques et aux systèmes d'alerte précoce».
L’Algérie, qui n’est pas à l’abri des conséquences dévastatrices du dérèglement climatique, ne veut pas laisser à la postérité l’obligation d’en assumer la charge. C’est pourquoi M. Cherfa a tenu à affirmer que «le changement climatique est susceptible d'aggraver les menaces auxquelles font face les États». L’initiative du Conseil portant tenue de ce débat vise à sensibiliser les décideurs et à stimuler la conscience collective, car la corrélation entre les phénomènes du changement climatique, la sécurité alimentaire et les conflits n’est plus à prouver.

Système international : Les faux naïfs et les vrais machiavels

Puisque le temps et les effets des dérèglements climatiques en cours ne seront jamais ceux de l’action, l’Algérie rappelle à la communauté internationale que «la hausse des températures et les changements climatiques sont des facteurs qui entravent la production agricole, provoquent le déplacement forcé des habitants, et exacerbent la concurrence pour les ressources vitales telles que l'eau et la terre».
Le ministre souffle à ses interlocuteurs que cela «alimente les conflits et l'instabilité, notamment dans les régions fragiles», ce qui «nuit à la stabilité et à la sécurité des pays du Sud et aggrave les disparités en termes de croissance» a-t-il insisté.
Face à ces changements climatiques aux rythmes accélérés, le discours de M. Cherfa n’est pas dans le dolorisme, même si l’Algérie est placée devant une alternative qui n’accepte aucune position intermédiaire ni aucune échappatoire. À ses homologues, le ministre fait savoir que l’Algérie s’est engagée dans une démarche visant «à réunir toutes les conditions nécessaires au développement et la pérennité des systèmes alimentaires et à la construction d'un secteur agricole durable, à travers le développement des branches stratégiques, l'introduction des énergies renouvelables dans le domaine de la production agricole, la valorisation des ressources génétiques, le développement des souches résistantes et compatibles avec les changements climatiques».
Toute référence au droit international, concernant l’ethnocide que subit le peuple palestinien, se voit opposée «les souffrances» endurées par les colonialistes sionistes. Cet inversement accusatoire, l’Algérie veut en finir avec. Et le discours du ministre de l’Agriculture est là pour le prouver. L’Algérie appelle la communauté internationale, en particulier le Conseil de sécurité, à assumer ses responsabilités, pour mettre fin immédiatement aux souffrances du peuple palestinien. C’est que la réalisation de la sécurité alimentaire dans le monde «est liée au respect du droit international, loin du double standard».
M. Cherfa a expliqué que l'Algérie «croit fermement que les solutions les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique, l'insécurité alimentaire et l'instabilité dans différentes régions du monde sont liées à notre respect responsable du droit international et à notre engagement envers ses principes sans discrimination ni le deux poids, deux mesures».
Les mots du ministre de l’Agriculture indiquent clairement que le système international actuel est presque l’apanage de faux naïfs et de vrais machiavels. La «situation désastreuse que vivent les habitants de la bande de Ghaza, exposés depuis plus de cinq mois à un bombardement intensif et à la destruction systémique de toutes les infrastructures vitales, a entraîné une crise alimentaire étouffante et à une détérioration de la situation environnemental», déclare M. Cherfa.

Faire entendre l’écho des souffrances des Palestiniens

Le ministre affirme que cela «constitue l'un des exemples les plus frappants du non-respect par l'autorité d'occupation des normes éthiques les plus élémentaires, des cadres internationaux humanitaires, environnementaux et des règles internationales contraignantes». C’est que l’entité sioniste exploite une situation propice pour entretenir le fantasme de menaces, qui n’est autre que l’alibi de la fabrication de boucs émissaires. À l’avant-garde pour défendre les causes humanitaires et le droit des peuples, l’Algérie fait partie des rares pays dont la voix résonne dans les arènes internationales, pour faire entendre l’écho des souffrances des Palestiniens, martyrisés devant un monde enfermé dans le mutisme.
À haute voix, M. Cherfa déclare qu’«en dépit de l'ampleur de cette scène horrible, la communauté internationale reste indifférente face à ces violations flagrantes, et au lieu d'œuvrer à cesser l'agression sioniste et les graves répercussions sur l'homme et l'environnement, les principales agences humanitaires de l'ONU font l'objet d'une campagne de dénigrement systémique visant à frapper leur crédibilité et à tarir les sources de financement destiné à répondre aux besoins élémentaires de la population».
La rhétorique du ministre dit l’angoisse face à la terrible situation à Ghaza, mais aussi la détermination de notre pays à montrer à la communauté internationale, l’écart entre la propagande israélienne et la réalité rugueuse d’une population qui croule sous l’avalanche des bombes.
«L'Algérie appelle la communauté internationale, particulièrement le Conseil de sécurité, dans le cadre de ses larges prérogatives que lui confère la Charte de l'ONU en matière de sécurité et de paix internationales, à assumer ses responsabilités, pour mettre un terme dans l'immédiat à la souffrance du peuple palestinien et à remédier à la situation humanitaire à Ghaza, en acheminant en urgence des aides humanitaires aux populations sinistrées», déclare le ministre.
L'Algérie, ajoute M. Cherfa, en sa qualité de membre responsable au sein de la communauté internationale, veut faire comprendre au monde qu’il ne suffit pas d’abandonner un frère pour connaître à jamais le repos, la mort d’Abel n’a pas donné un sommeil plus paisible à Caïn, c’est pourquoi «elle est disposée à contribuer aux efforts collectifs pour préserver la paix et la sécurité, et relever les défis liés au changement climatique, à la sécurité alimentaire et aux conflits, d'où la nécessité d'un engagement sans faille et d'actions concertées de tous les États».

Tahar Kaidi

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 

Une stratégie en six axes

Les propositions de l’Algérie, dont la lucidité n’est altérée en rien par les vapeurs enivrantes du sirocco dû aux changements climatiques, propose de collaborer autour d’une stratégie multidimensionnelle de six axes. Le ministre de l’Agriculture les identifie dans : l’activation des mécanismes de prévention et de résolution des conflits, le renforcement des capacités de résilience des communautés et des écosystèmes face aux impacts du changement climatique, le traitement des causes profondes de l’insécurité alimentaire en diagnostiquant 
les failles et les dysfonctionnements dans le système de production et de distribution, le renforcement de la coopération internationale en établissant des partenariats multipartites pour l’échange de connaissances et de ressources, la recherche des mécanismes permettant aux pays en développement, d’obtenir un soutien financier adéquat, et le renforcement des opportunités d’innovation, de recherche scientifique et de développement dans les domaines agricoles.
 
T. Kaidi

 

Sur le même thème

Multimedia