
Si le 1er novembre 1954 a marqué le déclenchement de la lutte de Libération, l’offensive du Nord-Constantinois, le 20 août 1955, fut une station décisive par son ampleur, son caractère populaire mais aussi par la colère qui la portait. L’ALN a étendu son action au Nord-Constantinois et à la Kabylie à partir de la fin de l’année 1954. Face à cette montée en puissance, les autorités françaises firent passer le nombre d’hommes déployés en Algérie de 50.000 en novembre 1954 à 80.000 en février 1955.
Le Front de Libération Nationale avait perdu certains cadres de premier plan au début de l’année 1955 : responsable du Nord-Constantinois, Mourad Didouche fut tué au cours d’un accrochage le 8 février 1955 ; respectivement responsables des Aurès et de l’Algérois, Mostefa Ben Boulaïd et Rabah Bitat avaient été arrêtés le 14 février 1955 à la frontière tuniso-libyenne pour le premier et le 23 mars 1955 à Alger pour le second.
Le 3 avril 1955, la loi sur l’état d’urgence permettant, notamment, la création de camps d’internement fut mise en application.
Elle fut d’abord appliquée dans les Aurès, en Kabylie et dans l’est-Constantinois, à partir du 4 avril, puis étendue à l’ensemble du Constantinois, et à certaines communes d’Alger et d’Oran le 16 mai 1955.
La répression s’étendait à mesure que le FLN déployait son action. Sur le terrain, les parachutistes français appliquaient une politique de répression collective meurtrière contre le peuple algérien. Elle était faite d’expéditions punitives, d’exécutions sommaires et de destructions de mechtas.
Le poids des masses populaires
Dans le Nord-Constantinois, dirigé par Zighoud Youcef, depuis la mort de Didouche Mourad, les cadres de la zone II, (nord de Constantine), décidèrent de mettre sur pied un plan visant à répondre à la répression et à impliquer l’ensemble du peuple algérien, en lançant une grande offensive de jour.
Zighoud Youcef mettait l’accent sur la nécessaire auto-libération du peuple algérien. Il affirmait à ses hommes : « C’est au peuple de se libérer lui-même. Nous ne faisons que l’organiser. La responsabilité lui revient.
Il convoqua une conférence générale de la zone II. Les participants discutèrent de la situation de la Révolution algérienne tant à l’intérieur qu’à l’extérieur mais aussi des luttes de libération dans l’ensemble du Maghreb.
En plus de vouloir impliquer le peuple, les participants mirent en avant la nécessité d’affirmer les liens de solidarité existant entre les différents pays du Maghreb en lutte pour leur libération.
Le peuple algérien avec toutes ses composantes était disposé à consentir les plus grands sacrifices, contrairement à la propagande française qui martelait à l’opinion publique que les déclencheurs de la Révolution de Novembre sont des «hors-la-loi et des bandits».
Le bilan de la répression est de 12.000 Algériens tués dont 6.000 à Skikda. Il n’a jamais été remis en cause.
Les évènements du 20 août 1955 ont contribué à l’inscription de la cause algérienne à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 30 septembre 1955 à la demande de 15 Etats des 29 ayant participé à la conférence de Bandung.
Un congrès unificateur
La Révolution a pris véritablement son envol, ce qui se confirme lors du Congrès de la Soummam. Un ancien militant du Parti populaire algérien, Abane Ramdane, arrêté en 1950 et libéré en janvier 1955, est l’inspirateur et le catalyseur du Congrès de la Soummam, le 20 août 1956, dans la région d’Ifri près d’Ighzer Amokrane, au bord de la vallée de la Soummam.
Le contexte était marqué, il faut le souligner, par le renforcement des moyens de répression avec l’extension de l’état d’urgence, le rappel massif de contingents d’appelés et la création des unités territoriales, milices européennes armées.
L’année 1956 officialisa le soutien de l’Association des oulémas, le ralliement de Ferhat Abbas et de l’UDMA, des éléments du PCA.
Même les communautés chrétiennes et juives étaient sollicitées pour apporter leur concours.
La création de l’UGTA, la grève des étudiants et des lycéens de mai 1956, l’organisation des commerçants algériens — qui sera actée en septembre 1956 — la réorganisation de la fédération de France, la relance des relations avec la délégation extérieure du Caire, sont autant d’indicateurs du redéploiement du Front de libération.
Il convient aussi de relever les mutations décisives sur le cours de la lutte armée qu’aura engagées le Congrès de la Soummam.
Un tournant majeur
Outre de donner au Front une direction centrale légitime et aux pouvoirs clairement définis — le CNRA et le CCE — c’est toute l’organisation politique et militaire qui est reconfigurée.
Sur ce registre, le passage du militant en armes à l’armée comme cadre de la résistance — avec l’établissement notamment d’une hiérarchie de compétences distinctes — constitue un tournant majeur.
Le mérite historique du Congrès est d’avoir remis le Front en état de marche, avec une organisation claire, un programme défini dans l’esprit de la Proclamation du 1er-Novembre.
S’il faut un mot pour résumer la réussite du Congrès de la Soummam, c’est qu’il a été surtout le triomphe de l’unité dans le combat.
Rassembler, unifier, renforcer et mobiliser, telle était sa stratégie qui consistait à faire du seul FLN, l’unique guide et représentant du peuple algérien.
Il faut rappeler les propos tenus par Abane Ramdane à Ferhat Abbas : «Le FLN n’appartient à personne, mais au peuple qui se bat.»
M. B.