Contribution : L’Algérie, une histoire millénaire dans la résistance

Par Abderrahmane Mebtoul (*)
 
L’histoire, fondement de la connaissance et de l’action future, une nation sans son historie étant une nation sans âme. L’histoire de l’Algérie est une histoire millénaire devant remonter de la période des Numides à la période romaine du kharidjisme et de la période de la dynastie des Almohade. Cette présente contribution, certainement imparfaite comme toute recherche à approfondir, en espérant qu’elle suscitera un débat contradictoire au profit exclusif de l’Algérie, sera scindée en deux parties : du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954 pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet 1962.
 
1. Du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954
Après une longue lutte de l’Emir Abdelkader, considéré comme le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj, dès 1927, réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis toutes les invasions, ce sont les guerres mondiales qui permirent une prise de conscience plus forte de l’injustice qui frappait la majorité des Algériens, souvent analphabètes et travaillant pour des salaires de misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la France mobilisa les habitants des départements français d'Algérie : musulmans, juifs et Européens : 73.000 mobilisés dans la population française et 176. 000 dans la population «indigène». En 1942, (appel du général de Gaulle le 08 novembre 1942) et dans le cadre de l’opération Torch (débarquement des Anglo-Américains à Oran, Alger, Annaba) de nombreux Algériens furent engagés dans les forces alliées au sein de l’armée française de la libération et engagés sur les fronts italiens et français. Entre 1942 et 1943, les effectifs mobilisés en Algérie s'élèvent sur la période à 304.000 Algériens (dont 134.000 «musulmans» et 170.000 «européens»). Ils sont engagés en Tunisie de novembre 1942 à mai 1943, en Italie de novembre 1943 à juillet 1944 et, enfin, en France et en Allemagne d'août 1944 à juin 1945. Le 08 mai 1945, alors que la seconde guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif et Guelma, faisant 45.000 morts. Suite au Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943, les élections législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges réservés à l’Algérie à l'Assemblée nationale. La loi sur le statut de l’Algérie est promulguée en septembre 1947 : l’Algérie reste composée de trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur général nommé par le gouvernement français. Une Assemblée algérienne est créée, composée de deux collèges de 60 représentants chacun. Le premier sera élu par les Européens et une élite algérienne (diplômés, fonctionnaires…) et le second par le reste de la population algérienne. En octobre 1947, le MTLD de Messali Hadj obtient une large victoire lors des élections municipales entraînant la répression des autorités françaises. En 1948, trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés.  Il est utile de préciser qu’au début du XXe siècle, plusieurs leaders algériens ont revendiqué le droit à l'égalité ou à l'indépendance. Plusieurs partis vont être créés et plusieurs pamphlets seront écrits pour défendre les droits des Algériens. Plusieurs penseurs algériens vont vilipender les plus importantes personnalités du régime colonial français. La plupart des figures du mouvement algérien vont être surveillées de près par les services policiers français, d'autres seront exilées vers d'autres pays, comme l'a été l'émir Khaled El Hassani Ben El Hachemi en Égypte puis en Syrie. Nous avons des figures et sans être exhaustif, Messali Hadj, Malek Bennabi, Mohamed Hamouda Bensai, Ben Badis, Mohamed Bachir El Ibrahimi, Larbi Tébessi, Ferhat Abbas, Omar Ouzeggane, qui ont posé le problème de l’indépendance de l’Algérie avec des approches différentes. À la suite de la mort d’Abdelhamid Ben Badis, en 1940, et à l'emprisonnement de Messali Hadj, en 1948, les arrestations et la répression se multiplient. Le CRUA est fondé en mars 1954 et organise la lutte armée. Le parti du Mouvement national algérien est fondé en juillet 1954 par les messalistes. Le Front de Libération Nationale (FLN) lui succède en octobre 1954 par la branche du CRUA (Comité révolutionnaire d'unité et d'action). Par la suite, existera une divergence entre la tendance de Messali Hadj et celle du FLN, suite à l'échec de la médiation de Ben Boulaid.
 
2. De la révolution 1954/1962 à l’indépendance politique
 
Le déclenchement de la révolution algérienne a été décidé dans la Casbah d’Alger et à Batna, sous la présidence de Mostefa Ben Boulaid dans la réunion des 22 cadres du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA). Il s'agit de Badji Mokhtar, Belouizdad Athmane, Benboulaid Mustapha, Benabdelmalek Ramdane, Benaouada Amar, Ben M'hidi Larbi, Bentobbal Lakhdar, Bitat Rabah, Bouadjadj Zoubir, Bouali Said, Bouchaib Ahmed, Boudiaf Mohamed, Boussouf Abdelhafid, Derriche Elias, Didouche Mourad, Habachi Abdesslam, Lamoudi Abdelkader, Mechati Mohamed, Mellah Rachid,  Merzougui Mohamed, Souidani Boudjemaâ et Zighoud Youcef. L'une des décisions stratégiques du groupe est la mise en place d'un découpage territorial du pays en cinq zones, coiffées pour Mostefa Ben boulaïd pour la zone 1, Didouche Mourad pour la 2, Krim Belkacem pour la 3,  Rabah Bitat pour la 4 et Larbi Ben M'hidi pour la 5, Mohamed Boudiaf assurant la coordination et les relations avec l'extérieur. La déclaration du 1er  novembre 1954 est émise à partir de Tunis. Dans la nuit du 1er novembre 1954, la caserne de la ville de Batna est attaquée par les moudjahidine. Et c'est la guerre. Environ 100.000 soldats français sont affectés dans les Aurès, et plus tard, ils seront plus de 400. 000 en Algérie. Le massacre de Skikda (ex-Philippeville), où une centaine de manifestants algériens ont été tués, eut lieu du 20 au 26 du mois d'août 1955. La même année, à l'Assemblée générale de l'O.N.U, l'inscription de l'affaire algérienne est à l'ordre du jour. Le Congrès de la Soummam, organisé par Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi et Krim Belkacem, le 26 août 1956, aux villages Ighbane et Ifri, dans la commune d'Ouzellaguen (Kabylie) a été déterminant et a été l'acte fondateur de l'Etat algérien moderne et pilier déterminant pour la réussite de la révolution algérienne. Les deux pays (le Maroc et la Tunisie) sont sous protectorat français, mais aideront le FLN. Ils hébergent les deux armées de l'ALN aux frontières. Cependant, l'histoire se précipite. La délégation des principaux dirigeants du FLN, à savoir  Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf et Ahmed Ben Bella, est arrêtée, à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l'armée française, de leur avion civil marocain. En 1959, Messali Hadj sort de prison, il est assigné à résidence. Les étudiants algériens s'impliquent. Après la création de l'UGEMA, en 1955, par Belaid Abdesselam, Mohamed Seddik Benyahia, Lamine Khène et Aït Challal, la section locale de Montpellier élit à sa tête Mohamed Khemisti (futur ministre des affaires étrangères qui fut assassiné durant la période Ben Bella).  Des intellectuels français vont aider le FLN, comme Maurice Audin qui fut torturé et tué par les services français. Frantz Fanon s'engage auprès de la résistance algérienne. Albert Camus, natif d'Algérie, fut un défenseur des droits des algériens, dans les années 1940, avant de refuser de prendre position pour l'indépendance avec cette phrase célèbre prononcée à Stockholm,  en 1957 : «Si j'avais à choisir entre la justice et ma mère, je choisirais encore ma mère.» Dès 1956, Jean Paul Sartre et la revue Les Temps modernes prennent parti contre l'idée d'une Algérie française et soutiennent le désir d'indépendance du peuple algérien. La découverte de pétrole dans le sud algérien favorise les convoitises et ainsi est annoncé le plan de développement économique et social, dit Plan de Constantine, visant à la valorisation de l'ensemble des ressources de l'Algérie, mettant en relief les relations financières entre l'Algérie et la métropole (juin 1955) et les perspectives décennales du développement économique de l'Algérie (mars 1958). Ce plan était surtout destiné à l'affaiblissement politique du Front de libération nationale. Lors du discours du 4 juin 1958 à Alger, le général de Gaulle sentait l'indépendance proche par cette fameuse phrase : «Je vous ai compris !». Par la suite, il annonce la tenue du référendum pour l'indépendance de l'Algérie. Suite à cela, nait l'Organisation armée secrète (OAS), également appelée Organisation de l'armée secrète, qui était une organisation française politico-militaire clandestine partisane, créée le 11 février 1961 après une rencontre à Madrid entre Jean Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, où elle émerge à Alger le 16 mars 1961 avec le slogan «L'Algérie est française et le restera». Des attentats violents éclatent qui toucheront également la métropole. C'est ainsi que l'on assistera à la tentative du putsch des généraux contre le général de Gaulle. En 1960, l'ONU annonce le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Le côté français organise des pourparlers avec le gouvernement provisoire algérien. Plusieurs réunions à l'extérieur du pays vont aboutir aux accords d'Evian. Le 17 octobre 1961, de fut la nuit noire, appelée aussi la bataille de Paris. Plusieurs Algériens sont tués en métropole lors d'une manifestation du FLN. Il y aura aussi des milliers d'arrestations au sein des Algériens. Le tournant a été les accords d'Evian qui sont le résultat de négociations entre les représentants de la  France et du Front de Libération nationale, accords signés le 18 mars 1962 à Evian -les Bains (Haute Savoie ) et se traduisent immédiatement par un cessez le feu applicable sur tout le territoire algérien. Dans la foulée, le CNRA se réunit à Tripoli (Libye) du 27 mai au 5 juin 1962 pour, en principe, entériner les termes des accords d'Evian. Rappelons que de septembre 1958 à janvier 1960, Ferhat Abbas a été président du GPRA, Benyoucef  Benkhedda d'août 1961 à 1962 , Abderrahmane Farès de juillet 1962 à septembre 1962, président provisoire et à nouveau  Ferhat Abbas du 20 septembre  au 25 septembre 1962,  président de l’assemblée nationale constituante (ANC). Lors du référendum d'autodétermination de l'Algérie où les électeurs ont eu à se prononcer par «Oui» ou par «Non» sur la question suivante : «Voulez-vous que l'Algérie devienne un Etat indépendant, le «Oui» l'emporte par 99,72% (5.994.000 sur 6 034.000 votants contre 530.000 abstentions). La France reconnaît l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet et celle-ci est proclamée le 5 juillet 1962.
En conclusion, l'histoire est le fondement de la connaissance et de l'action future, et dans ce cadre, il faut souligner l'importance du devoir de mémoire pour préparer l'avenir. La guerre de libération nationale de 1954/1962 a mobilisé toutes les catégories sociales et toutes les régions du pays sans exclusive, montrant l’attachement des algériens à l’unité nationale. Pour clore cette brève analyse historique, certainement imparfaite, comment ne pas souligner avec force l'importance du devoir de mémoire, notamment entre l'Algérie et la France afin de dépasser les faux préjugés, d'établir la vérité afin d'éviter surtout que certains, des deux côtés, de la méditerranée instrumentalisent l'histoire à des fins politiques, ce qui permettra d'entrevoir l'avenir, pour un devenir solidaire. La jeunesse a besoin de connaître son histoire, très riche, qui ne saurait se limiter à la période contemporaine de 1963 à 2022. 
Gloire à tous nos martyrs à travers notre longue histoire, qui se sont sacrifiés pour une Algérie prospère, où serait bannie l'injustice, une Algérie fondée sur l'Etat de droit, la démocratie tout en tenant compte de son anthropologie culturelle.  
 
A. B.
(*) Professeur des universités et expert international 

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