Lazhar Bedida, chercheur en histoire : «Étape charnière dans le cours de la révolution»

Chercheur en histoire, le  Dr Lazhar Bedida a qualifié les manifestations du 11 décembre 1960, survenues dans plusieurs villes du pays en signe de rejet de la visite du président français De Gaulle en Algérie, de tournant décisif et d’étape «charnière» dans le cours de la révolution armée. Ces événements ont mis en échec le projet de maintien de l'Algérie sous domination coloniale à travers le slogan «Algérie algérienne» et permis un large soutien à la cause algérienne au niveau international, a-t-il souligné. 
Il a affirmé que les manifestations du 11 décembre 1960, qui ont duré toute une semaine, sont considérées comme l'un des jalons les plus importants de la révolution armée, particulièrement après le retour du général De Gaulle au pouvoir en 1958. Le chercheur a évoqué le contexte dans lequel les manifestations ont eu lieu, suite à la visite du président français en Algérie, au titre d’une tournée dans plusieurs villes algériennes. «Le but de cette tournée a été de faire la promotion d’une nouvelle politique coloniale devant épargner à la France le lourd fardeau de la guerre qui a impacté son économie», a expliqué l’universitaire. Il a rappelé que le peuple algérien s'est soulevé contre cette nouvelle politique dans plusieurs villes du pays. Le mot d’ordre brandi par les manifestants était que «l'Algérie ne peut pas être française» et qu'»il (De Gaulle) n'a d'autre choix que la reconnaissance du droit des Algériens à recouvrer leur souveraineté nationale». 
Le Dr Bedida a souligné que le chef de l’Etat français était accompagné lors de sa visite en Algérie d'un grand nombre de journalistes étrangers qui ont constaté de visu la réalité algérienne et la détermination du peuple à poursuivre la lutte armée jusqu’au recouvrement de l’indépendance nationale. «Les comptes-rendus de la presse internationale ont permis à l’opinion publique étrangère de s’informer sur le combat du peuple algérien pour recouvrer son indépendance», a-t-il ajouté. 
Concernant les retombées de ces manifestations, il a souligné qu'il s’agissait de consolider le soutien à la cause algérienne à l’échelle internationale. «De nombreux pays soutenant les thèses françaises ont changé de position en faveur de la révolution algérienne», a-t-il rappelé, ajoutant que l'Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 20 décembre 1960, une liste de pays reconnaissant le droit du peuple algérien à son autodétermination. 
 
Un rôle prépondérant de la jeunesse
 
D'autre part, l’historien a souligné le rôle prépondérant des jeunes et des enfants dans ces manifestations. «La jeunesse était un facteur essentiel, et elle transférait des banderoles et des informations parmi les manifestants dans les quartiers et dans toutes les régions», a-t-il dit, ajoutant que lors de la révolution de libération nationale à laquelle tout le monde a contribué, la jeunesse en était l'élément principal car elle représente force et courage. Il a également évoqué la discipline des Algériens derrière les slogans du Front de libération nationale, ainsi que le respect strict des heures d'entrée et de sortie, même dans les rues que traversaient les manifestants, et le maintien du caractère pacifique des manifestations, pour montrer à l'opinion internationale que la France est la criminelle et que c'est elle qui utilise la violence physique et verbale. Il a également mis en avant la formation politique menée par le Parti populaire et autres mouvements nationaux, comme l'Association des oulémas musulmans, qui a porté ses fruits à cette étape de la révolution. 
Le peuple algérien, après le déclenchement de la révolution, s’est formé politiquement ce qui lui a permis de distinguer les projets et les idées politiques. Cet apprentissage lui a permis de comprendre surtout tout ce que le Front de libération nationale et le gouvernement provisoire voulaient et tout ce que De Gaulle proposait. Le peuple a donc choisi le camp qui est authentique et qu'il a défendu, celui du Front de libération nationale et de la révolution de libération. 
Le chercheur a souligné que les manifestations du 11 décembre 1960 témoignent de l'interaction et de l'harmonie qui existaient entre la direction de la révolution et le peuple algérien et de sa crédibilité. De Gaulle qui est venu en Algérie, a misé sur le peuple algérien pour promouvoir son projet, et donc celui qui gagne la confiance du peuple est celui qui gagnera la bataille. 
Finalement c'est le FLN qui a réussi à mobiliser le peuple en Algérie comme en France, et cette mobilisation lui a permis de faire pression sur De Gaulle. Ces manifestations n'ont cessé qu'après la publication par le gouvernement provisoire d’une déclaration ou communiqué, affirmant que les manifestations qui ont eu lieu en Algérie avaient atteint leur objectif. Et De Gaulle a clairement compris le message de ces manifestations que les Algériens quelles que soient leurs classes ou régions sont unis derrière le Front de libération nationale. 
 
Salima Ettouahria

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