Un outil de puissance

Le blé est au cœur d’enjeux stratégiques mondiaux, et force est d’affirmer également que cette céréale occupe une place centrale dans les relations économiques et interfère dans les jeux de pouvoir. Il est donc faux de prétendre qu’en matière de sécurité nationale, il n’y aurait de place que pour les énergies renouvelables ou fossiles. L’actualité ambiante avec le conflit russo-ukrainien démontre, si besoin est, qu’aujourd’hui, le blé peut être beaucoup plus important que le pétrole et le gaz. Si l’on connaît le «soft power» et ses guerres d’influence via la culture et l’information, voici venir le «food power», avec l’arme alimentaire dont le commerce contribue au rayonnement d’un pays et pèse dans la mondialisation et dans le concert des nations. L'Algérie, rappelons-le, figure parmi les plus gros importateurs de blé dans le monde. Elle dépend à hauteur de 60% des achats sur le marché international pour satisfaire ses besoins qui s'élèvent, en moyenne, à environ 11 millions de tonnes par an. D’ancien grenier céréalier, le pays, en raison de politiques agricoles approximatives, est devenu l’un des plus grands importateurs de blé. Autant dire que l’impératif de s’extraire de cette dépendance est plus qu’urgent. La prise de conscience est effective, à travers l’adoption et l’application d’une série de mesures qui autorisent beaucoup d’espoir. Le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, a estimé que l'Algérie est appelée à consentir tous les efforts nécessaires pour garantir sa sécurité alimentaire, au vu de la situation géostratégique actuelle, d'autant que la filière céréalière connaît une importante augmentation des prix sur le marché international, induite par une forte demande résultant des pressions géopolitiques, et ce à la faveur de l'intégration de tous les acteurs du secteur et leur accompagnement par les autorités publiques, à leur tête le Premier ministre. M. Henni a également souligné que la filière céréalière revêt une grande importance sur les plans national et international, ajoutant que les récoles céréalières constituent l'un des principaux facteurs influant sur la balance commerciale. À cet effet, il a indiqué que la stratégie de l'État vise à réduire le volume des importations de 10 millions de quintaux et sa substitution par la production locale, à travers l'élargissement des superficies céréalières, notamment dans le sud du pays. Rappelons que la superficie globale réservée actuellement à ce type de culture est estimée à 2,9 millions d'hectares, avec une valeur de production de 111,6 milliards de dinars. Sortir de l’ornière de la dépendance des importations massives de denrées agroalimentaires, comme les céréales ou les aliments de bétail, passe indéniablement par un développement multisectoriel du monde rural et par la diversification de l’économie. Le présent comme l’avenir de l’agriculture et du développement rural – comme celui du reste de l’économie – dépendent de la capacité de la société algérienne à se doter d’une stratégie inscrite sur le long terme et à impulser une dynamique qui mobilise un potentiel national important, pour assurer la sécurité alimentaire et un développement durable. Il s’agit là de deux défis stratégiques majeurs.

El Moudjahid

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