
Henry Kissinger aimait à le répéter : s'il devait choisir entre l'ordre et l'injustice, d'un côté, ou la justice, mais le désordre, de l'autre, il opterait toujours pour le premier au détriment de la seconde. Considérant que le chaos et l'anarchie sont les caractéristiques essentielles de la vie internationale, cette doctrine — parce que s’en est une — constitue l’armature principale sur laquelle repose la politique étrangère américaine. Pour l’architecte en chef de la diplomatie américaine, «l'ordre, dont la paix n'est qu'un sous-produit, devient l'objectif prioritaire et permanent». Pour cela, l'outil indispensable et irremplaçable est la force militaire, car le statut, l'influence et la crédibilité d'un État dépendent d'abord des moyens militaires dont il dispose, non des valeurs dont il se réclame. En l'absence d'une autorité internationale, dont l'établissement est utopique, parce que la légitimité universelle est devenue une chimère, à cause de l’adoption de la vision du double standard, la guerre est bien le mode le plus habituel des rapports interétatiques. Toutefois, cette approche, pour qu’elle devienne efficiente, obéit à un élément fondamental, celui de savoir maintenir les différentes crises et conflits à un niveau suffisamment maîtrisable ou ce qui est désigné communément dans la politique étrangère US «Low Intensity Conflict».
Ainsi, au Moyen-Orient, surtout, les Américains ont toujours appliqué le modus operandi. La gestion de la guerre contre Ghaza, l’entretien de l’illusion sur la création d’un État palestinien ou les déclarations des responsables américains suite à la réplique iranienne à l’attaque sioniste contre le consulat iranien à Damas sont autant de faits qui confirment l’attitude des administrations américaines de tous bords. Pour le premier gendarme du monde, ce qui compte avant tout, c’est l’ordre en tant que valeur absolue. Quant à la justice, elle est, en somme, toute relative.
Pour les sionistes de Tel-Aviv, l’extension du conflit sert avant tout à faire diversion sur leur génocide à Ghaza et constitue une opportunité pour accroître le soutien occidental, et particulièrement celui américain.
Du côté de Washington, verser dans ce sens, c’est mettre en péril le dogme sur lequel repose son influence.
Il est vrai que pour Téhéran, il ne fallait surtout pas perdre la face. Ces frappes démontrent une sorte de retenue, un avertissement. Du côté du cabinet de guerre sioniste, les spécialistes s'attendent à une «réponse graduée», sans porter atteinte à l’ordre établi. Car le désordre deviendra ingérable… pour Washington.
El Moudjahid