Comprendre le sens de l’histoire et emprunter sciemment la mauvaise direction, le monde connaît ce genre d’entêtement. Et il arrive que le dénouement se déroule sur les champs de bataille, avec des tragédies que les manuels d’histoire immortalisent, auxquelles l’homme, dans sa suffisance, n’accorde que peu d’importance, jusqu’au jour où l’histoire se répète… dans la tragédie. Dans un article paru dans Le Monde diplomatique du mois d’août 2023, John Mearsheimer, professeur de sciences politiques à l’université de Chicago, se demande pourquoi les grandes puissances se font-elles la guerre ? «Il y a trente ans, nombre d’experts occidentaux assuraient que l’histoire avait pris fin et que l’affrontement entre grandes puissances relevait du passé. Cette illusion a mal résisté à l’épreuve du temps. Aujourd’hui, deux des conflits opposant des grandes puissances menacent de dégénérer en guerre ouverte : les États-Unis contre la Russie en Europe de l’Est, à propos de l’Ukraine, les États-Unis contre la Chine en Asie orientale, à propos de Taïwan.» Pourtant, depuis la chute du mur de Berlin, on a assisté à la naissance, au forceps, d’une nouvelle réalité portée par des forces émergentes en Amérique, en Asie et, bien évidemment, en Afrique, un continent qui s’étale sur 30.415.873 km2, avec 1,4 milliard d’habitants en 2022, soit 18% de la population mondiale, ce qui en fait le deuxième continent le plus peuplé après l'Asie, selon le rappel du Pr Abderrahmane Mebtoul. Un continent de jeunes, aux taux de croissance, pour certains, supérieurs aux pays européens, qui abrite 54% des réserves mondiales de platine, 78% de diamants, 40% de chrome et 28% de manganèse, 30% des réserves mondiales en pétrole… Faut-il chercher l’explication dans l’histoire avec le capitalisme naissant qui va découvrir ces contrées lointaines et fabuleusement riches ? Bien sûr que non ! Au XXIe siècle, il s’agit plus d’entêtement, jusqu’au point de rupture, de pays et d’institutions internationales arc-boutés à des règles obsolètes. Le monde est multipolaire, et ceux qui pensent être les seuls à constituer «la communauté internationale» refusent ces nouveaux rapports. «Il est inadmissible que le continent africain, avec ses 1.300.000.000 habitants, ne jouisse pas d'un siège au Conseil de sécurité», a déclaré, hier à Saint Pétersbourg, le Président sud-africain, Cyril Ramaphosa. Même rappel de la part d’Azali Assoumani, président de l’UA, qui a affirmé que le continent a le droit de participer activement à la prise de décisions internationales, et que l'UA ait un siège au Conseil de sécurité. «L’Afrique est prête à prendre ses destinées en main. Il ne s’agit ni d’un alignement sur une position contre une autre ni d’une fronde contre la communauté internationale.» Le continent rappelle tout simplement ce qui relève de l’évidence. Le continent est une partie de cette communauté. Il est capable de trouver des solutions adaptées à ses problèmes au sein des institutions internationales. «Nous assistons à un moment fort, où l'Afrique s'érige en nouveau centre de force. Son rôle politique et économique s'est grandement développé. Toutes les parties doivent prendre en considération cette réalité», a déclaré Vladimir Poutine, lors du sommet Russie-Afrique. En juin dernier, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a rencontré son homologue russe. Il s’est également adressé aux représentants de 140 pays, lors du Forum économique international, comme il a rencontré son homologue chinois. Deux moment forts qui ont la particularité de mettre en exergue les étapes franchies par notre pays dans son développement économique et technologique. C’est cette force émergente que ne veulent pas ceux qui ont accaparé, pour leurs seuls intérêts, la formule de «communauté internationale». Les attaques qui sont devenues plus virulentes depuis que l’Algérie a affirmé qu’elle dispose des bonnes cartes pour rejoindre, entre autres, les pays des BRICS, en sont la preuve. Des médias qui arrosent le continent africain d’analyses biaisées et de propagandes ont emprunté la route de l’histoire à contresens. Ils portent des œillères.
Mohamed Koursi