
Dans cet entretien, l’expert précise que sans la consolidation informatisée des données, toutes les tentatives de réforme des méthodes ou d’élargissement des assiettes «seront heurtées à la problématique de l’insuffisance des données ou du manque de traçabilité des transactions». À propos de l’ouverture des banques à l’étranger, précisément en Afrique, M. Meddah explique que «le basculement vers une canalisation des flux bancaires extérieurs sera impérativement conditionné à l’existence préalable d’un espace d’exportation et d’échange avec les autres pays du continent». Éclairages.
El Moudjahid : L'ouverture d’agences bancaires, publiques, privées ou en partenariat à l’étranger, annonce le ministre des finances, sera soumise à étude préalable, affirmant que le déploiement sur le continent africain est plus rentable par rapport à l’Europe où les conditions d’agrément sont différentes, en plus de la concurrence qui caractérise ce marché. Quel sera l’apport de ces banques ?
M. Souhil Meddah : La nécessite d’élargir la zone de compétence et de couverture bancaire vers l’espace africain doit de facto s’inscrire dans le cadre d’une stratégie globale consolidée, axée sur le rôle des quelques espaces supranationaux de libre échange potentiellement exploitables dans les pays qui appartiennent à des zones ayant la dynamique de pouvoir concrétiser des actions marchandes entre Etats sous la coupe des organismes financiers.
Ce besoin stratégique doit avant tout prendre en considération trois éléments fondamentaux. Le premier élément concerne la taille de l’espace ciblé, sachant que le continent africain étant une composition très vaste, repartie en plusieurs zones économiques, caractérisées par des tendances sociopolitiques, historiques et culturelles différentes, ne peut faire l’objet d’un traitement unique ou simplifié.
Car plus les zones sont proches, plus elles sont sources de valeurs cumulatives, soutenues par des conditions de traitement plus faciles à entretenir ou à inclure sur leurs écosystèmes. A titre d’exemple, l’inclusion des transactions avec les pays comme que le Mali ou le Niger permettra de canaliser les opérations qui existent déjà, mais qui d’habitude se font entre individus. Cette canalisation pourra dans le même sens les orienter vers les flux entre les balances commerciales des Etats. Le deuxième élément concerne aussi le fait que l’installation des banques en tant qu’agents financiers doit répondre à un besoin d’accompagnement pour le compte des opérateurs économiques locaux dans leur perspective d’aller conquérir les zones africaines. Ce besoin doit se conformer à une politique monétaire basée sur la compétitivité du dinar par rapport aux autres monnaies d’échange, tout en misant sur les transactions qui s’échangent en euro par exemple.
Le troisième élément qui conditionne la concrétisation de ce projet prend acte de la capacité du continent africain dans son ensemble de faire valoir ses potentiels d’échanges internes en termes de produits manufacturés, sachant qu’une bonne partie des modèles africains se base sur les traitements et les exportations des valeurs brutes.
Dans le même ordre d’idées, il est toujours important de revenir sur la nature des plans d’investissement engagés au sein du continent par les pays non africains qui s’incorporent généralement dans des chaînes d’approvisionnement pour le compte de ces puissances mêmes non africaines d’une part et, d’autre part, sur le fonctionnement monétaire de quelques pays africains par rapport au reste du monde, comme le cas des pays de la zone CFA.
En termes plus clairs, le basculement vers une canalisation des flux bancaires extérieurs sera impérativement conditionné par l’existence préalable d’un espace d’exportation et d’échange avec les autres pays du continent (marchés de la demande), qui doit aussi concrétiser ses flux contre une monnaie internationale utile pour les besoins de notre balance des paiements. Et qui doit également tenir compte de tous les facteurs géostratégiques et économiques qui existent dans le continent.
Le ministre des Finances a également exhorté les Algériens à recourir aux nouveaux modes de paiement électronique, à éviter le cash et à réduire leurs retraits. Que faut-il au juste pour éviter que ce mode de paiement ne se transforme en mort-né ?
L’utilisation des moyens de paiement électronique contribue à l’organisation des flux monétaires en mode scriptural entre comptes, tout en allégeant le stress qui existe toujours sur les valeurs fiduciaires (billets et pièces). Il permet aussi de garantir la sécurité aux personnes et aux différents opérateurs, il facilite également les transactions et les flux monétaires.
De façon globale, les E-paiement et M-paiement sont des instruments financiers de paiement au même titre que le cash, sauf que les moyens électroniques s’exécutent au sein d’un canal bancaire immatériel, qu’il soit avec ou sans contact. Le recours à ce mode de flux bancarisé doit s’adresser dans un premier temps aux petits porteurs (ménages), qui sont considérés comme l’une des locomotives qui assure une cadence rapide de la circulation des valeurs financières en les agents économiques (opérateurs, ménages, organismes…). Afin que ce mode soit réellement opérationnel et efficace, les institutions publiques spécialisées sont appelées à assurer le bon fonctionnement des moyens de paiement (CIB, DAB, TPE disponibles…), des circuits de connexion via internet et intranet, conformément aux besoins des utilisateurs, tout en impliquant une réglementation claire et ferme vis-à-vis des responsabilités pour les donneurs et de sécurité pour les détenteurs des moyens de paiement. Dans ce sens, la confiance dans le fonctionnement des institutions financières se mesure dans la capacité des intervenants qui exercent au sein de ces institutions à assurer un cadre opérationnel normal, capable de garantir une sécurité et une utilisation graduellement facile et efficace par tous les usagers.
Dans son intervention à la radio, le premier argentier du pays relève l’existence d’importantes défaillances dans les mécanismes de recouvrement de l’impôt qui n’obéissent pas à des normes scientifiques. Comment redresser la situation ?
Notre système de recouvrement fiscal s’appuie sur un système fiscal déclaratif, qui ne peut être efficace que lorsque toutes les données fiscales feront l’objet d’une consolidation informatisée des données. Sans cette condition préliminaire, toutes les tentatives de réforme des méthodes ou d’élargissement des assiettes seront heurtées à la problématique de l’insuffisance des données ou du manque de traçabilité des transactions. D’autre part, l’ouverture des opportunités d’investissement est un facteur indirect mais très important pour concrétiser l’élargissement de l’assiette fiscale. Indépendamment des masses fiscales existantes à ce jour, le recours, par exemple, à des attributions rapides des concessions au profit des opérateurs actifs ou non actifs, qui ont besoin d’augmenter leurs capacités ou d’entrer en exploitation, permettra d’ouvrir d’autres voies de collecte des valeurs taxables qu’elles soient sur un plan local ou sur un plan national.
F. I.