CARE à propos de la gestion des entreprises publiques : «Aller vers une refonte globale du mode de gouvernance»

La situation inextricable où s’est embourbée l’Eniem fait toujours débat. Pour le cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise, c’est une partie visible de l’iceberg qui explique un «mode de gouvernance des entreprises publiques, dont chacun reconnait aujourd’hui qu’il ne fait que reproduire la même logique de l’échec».

Dans une longue étude qu’il vient de publier sur son site, le Care (centre d’action et réflexion pour l’entreprise) précise que «le cas de l’Eniem est en réalité loin d’être isolé. Il est symptomatique, en l’occurrence, d’une situation beaucoup plus répandue qu’il n’y parait et qui porte en elle la marque de nombreuses défaillances du système de gouvernance qui régit depuis de longues années les entreprises publiques algériennes». Dans son analyse, une série d’interrogations poussent à des réflexions profondes. Pourquoi l’Etat doit-il continuer à intervenir dans des opérations qui, raisonnablement, devraient relever de la stricte compétence des banques en relation avec leurs entreprises clientes ? Pourquoi le montant total des déficits des entreprises publiques couverts chaque année par le Trésor public n’est-il pas rendu public ? Quelles limites des ressources financières assigner à ce processus de soutien aux entreprises publiques non viables en cette période de fortes tensions pesant sur les finances publiques du pays ? Pour le cas de l’Eniem, le Care précise que les difficultés financières de l’entreprise «ne seraient qu’un problème somme toute secondaire pour une économie de la taille de l’Algérie», et la situation «ne représente que l’avant-poste de difficultés plus sérieuses auxquelles l’économie algérienne devra faire face au cours des prochains mois ou des prochaines années».

Entreprises en cessation de paiement : introduire des mesures d’accompagnement

Bifurquant sur les entreprises publiques qui sont «légalement faillibles», le Care indique que pour tout résorber ou seulement une partie des déficits cumulés, «ce sont des plans de sauvegarde qui sont de temps en temps décidés et mis en œuvre, chaque fois que la conjoncture des finances publiques le permettait». La technique de la mise en faillite, souvent évitée, galvaudée, est pourtant «un procédé économiquement sain qui préserve les intérêts des actionnaires, stimule la concurrence et protège l’économie nationale dans son ensemble». La législation nationale devrait d’ailleurs être «complétée à cet égard par l’introduction de mesures d’accompagnement des entreprises en cessation de paiement, qu’elles soient publiques ou privées». Dans le même ordre d’idées, les responsables du Care précise qu’il serait souhaitable qu’au préalable, l’Etat «ne se mette pas systématiquement en première ligne et qu’il laisse les banques concernées faire régulièrement le travail qui est le leur». En effet, eu égard au poids écrasant des banques publiques au sein de l’économie algérienne, «les pressions implicites ou explicites exercées sur elles en matière de financement des entreprises publiques créent forcément un effet d’éviction préjudiciable aux attentes du reste de leur clientèle». Et au Care d’ajouter : «Dans le système de prise de décision, les intérêts de l’Etat en charge de gérer l’économie nationale devraient toujours prévaloir sur ceux de l’Etat actionnaire d’entreprises publiques, les deux n’étant pas toujours convergents». Les anomalies des entreprises publiques ne s’arrêtent pas à ce niveau. Le Care relève leur absence au niveau de la Bourse d’Alger, une «lacune encore plus dommageable dans le cas des banques publiques».
Le traitement de fond de ce problème de gestion des entités publiques devrait dépasser celui des cas individuels pour «aller vers une refonte globale du mode de gouvernance des entreprises publiques». Parmi les pistes qui favoriseront la réussite de cette démarche, le Care relève «la nécessité de faire prévaloir de manière systématique les règles de concurrence dans le traitement des difficultés des entreprises publiques ou privées». Les organes sociaux des entreprises publiques, eux, «devraient jouer à l’avenir pleinement le rôle qui est le leur, en excluant toute forme d’ingérence des structures ministérielles dans leur administration et leur gouvernance, en dehors des cadres strictement définis par la loi». Il est également question de «la nécessité de faire coter en bourse une part minimale (20 ou 30%) des actions des grandes entreprises publiques, de sorte non seulement à renforcer la transparence de leur gestion mais aussi à mieux servir les intérêts de l’économie nationale». S’y ajoute l’impératif de «recruter les dirigeants des entreprises publiques suivant un dispositif d’appel à la concurrence transparent et ouvert. Pour certaines des grandes entreprises publiques, le recours à des compétences étrangères devrait pouvoir être autorisé». Aussi, le Care fait part de la nécessité de la mise au point d’une charte de la gouvernance des entreprises publiques», ajoutant qu’«un rapport annuel sur les résultats économiques et financiers des entreprises publiques devrait être produit, rendu public et donner lieu à un débat télévisé au sein de la représentation
nationale».

Fouad Irnatene

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