
Depuis 2018, Biocert est le premier organisme algérien à œuvrer pour la certification des produits biologiques dans les domaines de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la cosmétique et de la pharmacie. Brahim Seddiki, directeur de certification, revient sur les enjeux du développement de l’agriculture bio en Algérie.
Comment Biocert accompagne-t-il ces producteurs ?
Brahim Seddiki : Les auditeurs de Biocert se déplacent à travers le pays pour inspecter les sites de production et de transformation. Leurs rapports sont ensuite analysés par les chargés de certification qui vérifient la conformité aux normes du bio. Si les critères sont respectés, la certification est accordée.
Des contrôles de suivi sont réalisés chaque année, parfois sans préavis. Des prélèvements peuvent être effectués pour analyse.
Obtenir une certification bio leur permettrait d’accéder à l’exportation. Aujourd’hui, seuls ceux qui exportent, souvent vers des marchés exigeants, se tournent vers la certification. Nous appliquons à la fois les référentiels internationaux (IFOAM) et ceux des marchés ciblés.
Est-ce que beaucoup d’agriculteurs ont déjà été certifiés ?
Peu encore, car la certification directe pour les petits producteurs est complexe. Mais ils bénéficient du label bio via les entreprises qui s’approvisionnent chez eux. C’est une stratégie indirecte mais efficace pour les intégrer dans la chaîne de valeur bio.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples d’entreprises certifiées par Biocert ?
L’un des exemples les plus parlants est celui de l’entreprise Romais. Elle produit des cosmétiques et des produits alimentaires à base de figue de Barbarie, cultivée de manière biologique par des agriculteurs locaux.
Nous avons certifié toute leur chaîne de production, de la culture jusqu’à l’emballage.
Nous avons aussi l’entreprise Bio Toug, qui produit et commercialise un fongicide biologique innovant, conçu pour protéger les plantes contre les maladies fongiques. Il est respectueux de l’environnement et sans danger pour l’homme, car il est entièrement fabriqué à partir d’ingrédients naturels. Le composant principal de Biotoug est le champignon Trichoderma. Ce champignon bénéfique pour les plantes vit naturellement dans le sol et possède une capacité exceptionnelle à combattre les champignons pathogènes.
Il y a aussi Biozigh, qui produit de l’huile végétale extraite à froid pour préserver les propriétés naturelles des plantes. Grâce à cette certification, une entrepreneure algérienne installée en France a pu développer et commercialiser une pommade cicatrisante à base d’huile de lentisque. Le produit, baptisé Lentisque Majesté BIO, est aujourd’hui distribué sur le marché français.
L’agriculture biologique semble susciter un intérêt croissant en Algérie. Comment évaluez-vous le potentiel du pays dans ce domaine ?
Le potentiel est immense. L’Algérie compte plus de deux millions d’agriculteurs, et la majorité d’entre eux exploitent de petites surfaces, souvent inférieures à deux hectares. Ce sont généralement des exploitations familiales qui, sans le savoir, pratiquent une forme d’agriculture biologique. Comme ces agriculteurs ne produisent pas à grande échelle, ils n’utilisent ni produits chimiques ni OGM. Mais en l’absence de certification, ces produits, pourtant sains, sont difficilement commercialisables ou exportables.
Avez-vous mis en place des outils pour rendre ces certifications visibles au public ?
Oui, nous avons créé un répertoire accessible en ligne qui recense toutes les entreprises certifiées bio en Algérie. L’objectif est de renforcer la transparence et la confiance des consommateurs, tout en valorisant les efforts des producteurs engagés dans cette démarche.
Selon vous, quels sont les principaux défis à relever pour faire progresser l’agriculture biologique en Algérie ?
Il y a, d’une part, la sensibilisation. Beaucoup d’agriculteurs ne savent même pas qu’ils pourraient prétendre à une certification bio. Il faut les informer, les accompagner, simplifier les procédures. Et bien sûr, renforcer l’encadrement réglementaire pour éviter les abus. Mais nous sommes sur la bonne voie. Les exemples cités montrent que le bio peut devenir un levier de développement économique, social et environnemental.
Biocert plaide pour la constitution de coopératives de petits agriculteurs, une meilleure organisation de la filière et un encadrement institutionnel renforcé. L’objectif étant que le bio ne soit plus seulement un créneau tourné vers l’export, mais un moteur de développement durable local.