Travail des seniors et Labeur post-retraite : Grandes personnes, petits métiers

Prendre sa retraite, après une vie de dur labeur, est parfois vécu comme une délivrance, une promesse d’une vie autre et renouvelée, parfois avec des spasmes au ventre, appréhendant les jours difficiles. Pour nombre de retraités, l’instant de basculement n'est certainement pas synonyme de farniente, de voyage ou de divertissement. La peur du «néant», de ne «rien faire» et surtout de ne pouvoir joindre les deux bouts avec les maigres pensions, terrorise les candidats à la retraite. Les travailleurs «pauvres» en sont les premières victimes. Pour ceux-là, boucler les 32 ans de carrière impose nombre de contraintes et sacrifices budgétaires, un mode de vie à revoir et surtout une hiérarchie de besoins à remodeler, avant d'établir la «petite» liste des priorités. D’où le recours à d'autres alternatives : reprendre le travail pour un «complément de revenus», se recyclant dans des petits métiers (caissier, chauffeur, gardien et autres), une sorte de bouée de sauvetage dans un océan de privations.

Youcef est âgé de 70 ans. Ex-employé de l'ex-DNC, première entreprise touchée, dans les années 1990, par le programme d'ajustement structurel, à l'origine de la fermeture de centaines d'entreprises publiques et la compression de milliers de travailleurs. Youcef ,après plusieurs tentatives pour retrouver un emploi, dépose son dossier de retraite, pour toucher, aujourd'hui, 22.000 DA. Youcef est père de trois enfants, deux garçons et une fille. Les trois sont universitaires et sans emploi. Il est dans l'obligation de prendre en charge sa famille. «Mes enfants ont grandi et les charges aussi sont revues à la hausse. Mon voisin m’a demandé de m'occuper de sa supérette. Je n'en revenais pas. Pour moi, c'était la délivrance. Aujourd'hui, à mon âge, je continue toujours à travailler, pour affronter une cherté de la vie de plus en plus grandissante. C'est dur.Le repos, connaît pas», dit-il. Boualem, lui aussi retraité de l'entreprise CABEL, est sorti en retraite en 2016. Il avait à l'époque 58 ans, il a cumulé 35 ans de travail. Il est sorti avec une pension de 50.000 DA. Il était cariste. Il a quatre enfants ; l'aîné est âgé de 27 ans, ayant un diplôme en électricité bâtiment, le deuxième a un master 2 en sciences de l'éducation physique et sportive. Les deux sont en quête d'emploi. Les deux autres poursuivent leurs études, l'un à l'université et l'autre au primaire. Boualem a été poussé par les aléas de la vie à travailler ou plutôt s'adonner à de petites bricoles pour arrondir ses fins de mois. Il est passé par plusieurs petits jobs, allant de livreur de certaines marques de café, de fromages, en passant par le travail de vendeur dans une boulangerie. "Je perçois, aujourd'hui, une pension de 55.000 DA. La vie est devenue difficile avec un pouvoir d'achat en constante érosion. Je suis obligé de chercher un revenu complémentaire pour vivre. Le repos pour un retraité est un leurre", soulignera-t-il. C'est l'avis, aussi, de Naïma, âgée de 53 ans et retraitée de l'éducation nationale. Naïma a mis fin à sa carrière d'enseignante au primaire en 2017, après 29 ans de service. Elle touche 56.000 DA. Mère de cinq enfants, dont deux au chômage et les autres poursuivent leurs études. "C'est dur pour une femme divorcée de se retrouver à la retraite et avec un seul revenu. Au début, j'ai contacté des écoles privées pour travailler mais en vain. Le recrutement dans ces établissements passe par le piston. Je me suis résignée, donc, à donner des cours de langue arabe chez moi. 1.200 DA, par mois pour chaque élève. J'en ai quatre. La vie est trop chère et la pension est insuffisante", estimera-t-elle. Aujourd'hui, il clair que le travail, ce n'est pas seulement la santé, mais aussi, moins de soucis financiers financiers. C'est carrément la paix avec soi-même ».
S. D.

Multimedia