Face aux défis des contextes instables : Nécessité d’un nouveau paradigme sécuritaire

Les questions de sécurité aux niveaux local et global se complètent indéniablement, d'où la nécessité de réfléchir aux «mécanismes régionaux d'intervention, et l'instauration de cadres de coopération institutionnels pour la sécurité collective africaine» explique le Dr Abdelwahab Hafiane, chercheur en sciences politiques à l'université Kasdi-Merbah, et spécialiste des questions de sécurité africaine.

Proposant une lecture rétrospective, le Dr Hafiane rappelle que «la décennie 1990 a coïncidé avec une phase d'accélération de la dynamique d'intégration régionale». Au plan de la sécurité, la prolifération des «petites guerres», la violence de la guerre civile au Libéria et le génocide rwandais «ont placé le continent au centre des préoccupations internationales». Devant la recrudescence de la violence, «la communauté internationale a lancé l'idée que les problèmes de sécurité soient désormais pris en charge en priorité au niveau des institutions régionales», analyse le Dr Hafiane, estimant que le «souci de la préservation de la sécurité collective est justifié par le contexte international instable ayant mis au-devant de la scène l'impératif d'une organisation continentale africaine». 
 
Mécanismes régionaux pour une sécurité collective 
 
Le chercheur indique qu'en 2008, le Conseil de paix de l'Union africaine a signé un protocole d'accord avec les communautés économiques régionales sur la coopération pour la paix et la sécurité. Ce protocole régit les rapports entre l'UA et les mécanismes régionaux de prévention, de gestion et de résolution des conflits. Le Dr Hafiane précise que «les mécanismes régionaux qui sont mis en place sont inscrits dans le cadre plus large de la sécurité collective chère à la communauté africaine». Poursuivant son analyse Abdelwahab Hafiane souligne que «les situations géopolitiques donnent souvent naissance à des institutions dédiées à leur gestion». Et note à ce propos qu'en 1999 la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) décide de mettre en place «l'Economic Community of West African States' Cease-Fire Monitoring Group (ECOMOG) une instance permanente dotée d'objectifs précis». II s'agissait, poursuit-il, «d'une institutionnalisation dont les usages ont constitué la première phase d'un processus de redéfinition institutionnelle». Le spécialiste en questions sécuritaires observe «une complexification des phénomènes guerriers» et cite l’émergence de milices impliquées dans les guerres en Sierra Leone, au Libéria et les multiples attaques de rebelles en RDC, au Tchad, en RCA, au Mali, au Nigeria, au Cameroun avec Boko Haram et ailleurs en Afrique pour dire que «ces guerres sont souvent le fait de milices constituées de jeunes gens désœuvrés, dont l'arme constitue le seul moyen d'insertion sociale et l'espoir d'acquisition d'un statut». 
 
L’engagement algérien pour la sécurité continentale 
 
Abondant dans le même sens le Dr Tawfik Hamel, spécialiste en histoire militaire, et chercheur associé à l'institut de géopolitique appliquée, note qu'en Afrique «la guerre est par ailleurs devenue une activité économique lucrative et rentable pour certains groupes». L'émergence d'un conflit dans un État africain est souvent le déclencheur d'une série de problèmes pour les États voisins. Le Dr Hamel explique, dans ce sillage, que le «printemps» libyen et la répression des premiers mois de la révolution ont par exemple entraîné un afflux massif de réfugiés traversant la frontière avec la Tunisie. Aussi la crise politique au Mali et la proclamation unilatérale de l'indépendance de l'Azawad par le MNLA et ses alliés ont provoqué des déplacements en masse de populations vers le sud du pays mais également vers certains pays voisins tels que le Burkina Faso et la Mauritanie. Pour les deux chercheurs, il est temps d'affecter à l'Afrique, au Conseil de sécurité, toutes les prérogatives et latitude de statuer avec la force de la loi sur les questions de paix sur le continent et se passer progressivement du Conseil de sécurité de l'ONU, au cas où il traiterait de la demande africaine de représentation permanente. Les chercheurs sont tout à fait d'accord que «l’Algérie est devenue omniprésente dans les structures de la coopération africaine en matière de sécurité, dont elle contribue, activement, à la mise en œuvre du Plan d’action de l’Union africaine pour la prévention et la lutte contre le terrorisme, en accueillant et en aidant le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme (CAERT), qui vise à guider et coordonner la lutte contre le terrorisme en Afrique». Evoquant l'impérieuse nécessité de «l'amorce d'une nouvelle approche, qui vise à confier la résolution des conflits aux organismes régionaux et sous-régionaux, les analyses des deux chercheurs convergent vers l'idée «du renforcement de l’action algérienne» pour une collaboration continentale afin de mettre l’Afrique à l’abri des tensions internationales récurrentes et la prémunir contre le climat d'instabilité qui en résulte.  Il est utile de rappeler dans ce cadre la déclaration du général d'Armée Saïd Chanegriha, chef d'état-major de l'Armée nationale populaire en novembre dernier lorsqu'il a réaffirmé «la volonté de l’Algérie d'œuvrer à la consolidation de la coopération» dans l’objectif de «répondre aux exigences du contexte régional actuel et de relever les défis sécuritaires communs auxquels nous faisons face». En outre et à l'issue des travaux de la 9e Conférence de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, l'Algérie a relevé l'importance pour les Africains de s'unir et de faire entendre la voix africaine au Conseil de sécurité de l’ONU. 
«L’Algérie continuera à jouer son rôle de force agissante pour la paix et la stabilité en Afrique et apportera tout son appui à la mise en œuvre de solutions africaines aux problèmes africains» avait notamment affirmé le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra.
 
Tahar Kaidi 

 

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