Exclusif - Service de lutte contre le trafic illicite des Stupéfiants (SCLTIS) : Sur les traces des héros anonymes

Ph. : Bilal B. B.
Ph. : Bilal B. B.

Pour la première fois, El Moudjahid pénètre dans le Service de lutte contre le trafic illicite des stupéfiants (SCLTIS) de la police. Une visite exclusive nous a amenés au cœur de cette structure policière, qui mène une riposte à la hauteur du niveau de la menace qui pèse sur la sécurité et la stabilité du pays, la société et la jeunesse algériennes. Nous avons rencontré des «héros discrets» qui opèrent dans l'ombre.
Notre reportage, c’est une plongée fascinante dans leurs missions, leurs enquêtes et leurs méthodes de travail.

Il est 10h, quand nous sommes arrivés au siège du SCLTIS, situé à Oued Smar, à l’est d’Alger. Il ressemble à une fourmilière. Ici, les enquêteurs travaillent de jour comme de nuit, les week-ends, les jours fériés et sans répit. Ce sont des policiers d’élite VS grand narcotrafic, hautement formés, dont leur mission est d’arrêter les grands narcotrafiquants en flagrant délit. Notre guide, le commissaire de police Zine Eddine Arouane, de la direction de la police judiciaire, a expliqué que c’est un service opérationnel destiné exclusivement à la lutte contre le trafic illicite de stupéfiants. «Nos missions sont bien définies. On ne reçoit pas par exemple des plaintes de citoyens ou des déclarations de perte ou des arrestations dans le cadre des missions quotidiennes de police. À vocation opérationnelle et avec une compétence qui s’étend à travers tout le territoire national, le SCLTIS fonctionne comme étant un service de police judiciaire opérationnel et hautement spécialisé», précise-t-il.

Au cœur de la SCLTIS, l’anti-stups

Le trafic des stupéfiants est lié à la contrebande, aux réseaux de passeurs d'immigrés clandestins, à la contrefaçon, à la fausse monnaie, au trafic d'armes et de véhicules, mais aussi au blanchiment d'argent, autant de formes identifiées du crime organisé. Face à cette criminalité de plus en plus active, en relation parfois avec les réseaux transnationaux, la Sûreté nationale n'est pas restée inactive. Le Service central de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants a été créé. Il relève de la direction de la police judiciaire.
«Sa création a été une décision sage et à la fois décisive de la part du haut commandement de la Sûreté nationale, dans le but de renforcer le front de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, surtout avec les nouvelles tendances du trafic et sa prolifération à tous les niveaux», explique l’officier de police.

Des affaires d’intérêt national et international

Il est chargé principalement des affaires jugées d’intérêt national et international, procède à des enquêtes en coordination avec les services nationaux et étrangers dans certains cas bien définis par la loi, et exécute les délégations judiciaires et les commissions rogatoires décernées par les instances judiciaires à la suite des affaires traitées en flagrant délit ou des enquêtes préliminaires, détaille-t-il.
Le service, doté de tous les moyens logistiques et techniques modernes pour faire face au fléau de la drogue et aux différentes formes de criminalité, recèle différents départements et compétences. À chaque fois qu'on avance, on pénètre dans les secrets les plus délicats pour comprendre sur place la mission pénible, mais noble, qui s’accomplit par des hommes de l’ombre, conscients, engagés et déterminés, à l’exemple de ce jeune officier qui n’a pas dormi toute la nuit. «On ne fait que notre devoir», lance-t-il, avec un sourire. Tous les policiers doivent être joignables tous les jours 7j/7.
Peu importe les affaires élucidées, l'activité principale de ce service s'arrête à la neutralisation des réseaux et des cartels de drogue. Le renseignement prime. Plusieurs coups de filet ont été réalisés, grâce aux réseaux d’informateurs, mais aussi au professionnalisme des enquêteurs. Pour les enquêteurs de ce service, il est important d’arrêter les narcotrafiquants en flagrant délit. Le «tuyau miracle» n’existe pas, d’où la nécessité d’identifier les cibles et progresser et intervenir dans un temps très proche du crime et dans une grande discrétion.

Arrêter les grands narcotrafiquants en flagrant délit

Le SCLTIS est chargé surtout des investigations et enquêtes dans les grandes affaires de narcotrafic, mais mène surtout des études analytiques approfondies sur les phénomènes en criminologie. Des causes du délit ou du crime, du passage à l'acte, du mode opératoire, de l'environnement où l'auteur a évolué, rien ne se fait au hasard. Le commissaire Arouane explique que le SCLTIS contribue à l’échelon national, à la définition de la politique générale des services déployés au plan de la répression et de la prévention, en se référant aux orientations des autorités nationales.
La visite guidée se poursuit au service du système d’identification et de recherche criminelles. À la requête des magistrats, des enquêteurs et des autorités habilitées, il établit des commissions rogatoires. Placés sous haute surveillance, les bureaux sont dotés de matériels hypersophistiqués, pour tester les produits saisis, voire la poudre blanche ou la résine de cannabis. Juste à côté, un autre officier au bureau d’enrôlement biométrique était à ses dernières retouches sur un photorobot.
Pour faire face aux défis de plus en plus grands que posent la criminalité et l'application de la loi, la Sûreté nationale a engagé un vaste programme de modernisation de ses moyens d’investigation.
D'autres actions, comme celles de participer à la définition d'une meilleure politique de lutte contre la criminalité.
Si le siège de ce service est nouveau, le personnel affecté à l'établissement ne chôme pas. Relevant actuellement de la police judiciaire, le SCLTIS semble «autonome». Il dispose d’un mini laboratoire scientifique et technique sur place pour le test de stupéfiants. C'est là aussi où a été installé le système d'identification lié à l'empreinte digitale (CAFIS). Une base de données criminelle est mise à jour quotidiennement.
L’officier rappelle, en ce sens, que le SCLTIS procède à des analyses des tendances de trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, et conçoit des stratégies opérationnelles de lutte, tout en assurant l’animation et la coordination des actions des services opérationnels de police, dans le cadre de la prévention et de la répression du trafic illicite de stupéfiants et la mise à jour de leurs connaissances en la matière.
Le service dispose de trois brigades centrales, brigade d’intervention et de procédures judiciaires, brigade centrale de recherche opérationnelle et d’appui technique, et la brigade centrale de délégations judiciaires, a-t-on constaté sur place.

Les «Ninjas» de retour

Les enquêteurs agissent avec des cagoules pour éviter d’être identifiés par les suspects et sont vêtus de gilets par balles, et sont prêts à faire face aux réseaux criminels bien structurés, dans des interventions à haut risque, notamment lors de la pénétration des entrepôts de drogue, à l’instar de la saisie de 1.6 million de psychotropes à l’intérieur d’une cache bien dissimulée dans une citerne à bitume d’un camion de transport de goudron. Cette grande opération criminelle, déjouée qui ciblait la jeunesse algérienne à travers un plan bien ficelé à travers les wilayas d'Annaba, d’Oran, d’Ouargla et d’Alger, au moment où les Algériens s'apprêtaient à accueillir le mois béni de Ramadhan, a démontré les capacités opérationnelles des enquêteurs. Le SCLTIS est le cerveau, mais aussi «le bras armé» de police contre le narcotrafic, qui n’est pas juste un fléau classique.

Neila Benrahal

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Des saisies sans précédent

S’agissant des saisies, il faut d’abord mettre en pleine lumière, la provenance des grandes quantités de drogues saisies par l’ensemble des services de sécurité qui sont introduites sur notre territoire depuis le Maroc.
En chiffres, les services de la DGSN ont réussi des saisies colossales durant l’année 2022 et durant les quatre premiers mois de l’année en cours 2023. Les quantités ont atteint 8 tonnes et 256 kg de résine de cannabis, en plus de 11 millions 337.855 comprimés de substances et de médicaments ayant des propriétés psychotropes, soit des saisies record.
S’agissant de la drogue dure, les policiers ont saisi plus de 41 kg de cocaïne, plus de 9 kg d’héroïne, sans compter bien sûr les opérations éminentes menées durant le mois de mai et le début du mois de juin, et couronnées par le démantèlement de plusieurs réseaux activant dans le trafic transnational de drogues. L’opération phare demeure la saisie de plus d’un demi-million et 13.000 comprimés psychotropes par le SCLTIS et la récente affaire réalisée par les services de la SW de Béchar, lesquels ont réussi la saisie de plus de 2 quintaux et demi de résine de cannabis, provenant du Maroc.
Pour le SCLTIS, les enquêteurs ont réussi, durant la même période, à résoudre de nombreuses affaires de qualité ayant permis de mettre fin à un nombre important de groupes criminels organisés, avec l’arrestation de 103 trafiquants et la saisie de plus de 473 kg de résine de cannabis, 2 millions 336.000 comprimés de substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes, plus de 8 kg de cocaïne et plus de 4 kg d’héroïne.

Neila B.

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«Une véritable conspiration de la part de la monarchie marocaine»

 
Le trafic de drogue et de stupéfiants a explosé, ces dernières années. Pour le Commandement de la police, «il ne s’agit plus d’un trafic classique, mais d’une véritable conspiration de la part de la monarchie marocaine, tendant à inonder notre pays de drogues et à porter une grave atteinte à notre stabilité, à notre économie et à la santé physique et mentale de notre jeune population», affirme le commissaire de police Zine Eddine Arouane, sur la base d’une étude analytique réalisée par des experts de la DPJ. L’étude a fait ressortir qu’en Algérie, le phénomène de trafic et de l’usage illicites de stupéfiants et de substances psychotropes s’amplifie de plus en plus, et prend des proportions inquiétantes, ces dernières années, en raison de la situation géostratégique de notre pays qui partage une bande frontalière terrestre très vaste avec sept pays africains, dont le Maroc à l’Ouest.
Il s’agit d’une «guerre» contre l’Algérie par la drogue de provenance du Maroc qui profite de la reclassification mondiale du cannabis et de substances y apparentées, «afin de d’étendre ses champs de culture de cette substance et d’augmenter non seulement le volume de sa production, mais aussi sa concentration en termes de THC Térahydrocannabinol, qui est un composé organique, tout en enfreignant les lois et les conventions internationales», relève l’analyse de la DGSN. Une preuve qu’il s’agit d’un plan destructeur planifié et bien étudié visant la stabilité de notre pays.
Aujourd’hui, il est nécessaire de mettre en lumière les manœuvres qu’ils entreprennent à chaque occasion, tendant désespérément à redorer l’image de leur pays et le présenter faussement comme étant un État engagé dans la lutte contre le trafic illicite des stupéfiants, dans l’espoir de leurrer l’opinion internationale, mais en vain, s’agissant du plus grand pays producteur et exportateur de cannabis.
Sous peine de parjure à l’égard de la communauté internationale, la monarchie marocaine mérite bien d’être soumise à un rappel à l’ordre et, le cas échéant, peut susciter même des sanctions sérieuses à son égard.
L’étude analytique évoque un autre facteur, celui du redéploiement des trafiquants et contrebandiers en direction du continent africain, profitant des difficultés que certains pays de la région rencontrent en matière de sécurisation de frontières.
 
N. B.

 

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