Dr Mehdi Yassine, nutritionniste, à El Moudjahid : «Veiller au respect des doses et à la durée des prises»

Entretien réalisé par S. D.

El Moudjahid : les compléments alimentaires séduisent les Algériens jusqu’à faire partie de leur routine quotidienne. Avez-vous des données sur la part de ce marché qui a explosé ces dernières années?
Dr. Mehdi Yassine : En effet , les compléments alimentaires sont de plus en plus consommés par la population, surtout en cette période de pandémie. Il ne faut, cependant, pas oublier que ces derniers sont des produits dont le but est de compléter un régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés.

Un complément alimentaire, comme tout autre produit, peut être nocif pour la santé, s'il est pris de manière anarchique et incontrôlée. utilisés, généralement, à tort et à travers, sous couvert de l'automédication, très répandue, quels sont les dangers de ce genre de compositions sur la santé ?
Comme tout produit, certains compléments alimentaires peuvent s'avérer nocifs pour la santé, avec des effets indésirables pouvant être graves. C'est le cas de la berbérine, utilisée chez le diabétique, qui peut provoquer, en cas de surdosage, des hypoglycémies qui constituent une urgence médicale. La règle d'or, donc, ‘’Ne Jamais utiliser un complément alimentaire (vitamines, oligo-éléments éléments, minéraux et autres plantes) au delà d'un mois et même moins, dans certains cas. C'est le cas du millepertuis ; plante aux vertus antidépressives dont la prise ne doit pas dépasser deux semaines. On peut citer également la curcumine à forte dose, indiquée pour l'arthrose, dont l'utilisation ne doit pas aller au delà d'une semaine. Il faut rappeler, par ailleurs, que les huiles essentielles peuvent représenter un danger pour le consommateur, d'autant plus que ces dernières ne sont, la plupart du temps, même pas contrôlées. C'est le cas de l'huile de cannelle dont l'utilisation ne doit, en aucun cas, dépasser les 2 à 3 semaines, à cause de son effet hépato-toxique (toxique pour le foie).

En tant que nutritionniste, conseilleriez-vous à vos patients les compléments alimentaires et sous quelles conditions ?
Oui, je prescris les compléments alimentaires pour mes patients, mais sous certaines conditions, après un interrogatoire et un examen clinique minutieux et, éventuellement, un bilan biologique ciblé, suite auquel le médecin pourra diagnostiquer une carence quelconque et, donc, prescrire un complément de bonne qualité et selon la dose qu'il faut et la durée nécessaire avec, bien sûr, des conseils diététiques afin de combler tout déficit, en la matière. Ces recommandations ne se limitent pas aux seules plantes médicinales sous différentes formes, mais s'appliquent à d'autres compléments alimentaires vendus dans les pharmacies qui doivent être prescrits par des professionnels.

Comment éviter, aujourd'hui, un surdosage, une fraude sur les compléments alimentaires vendus en ligne ou encore une interaction médicamenteuse ?
La réglementation doit codifier le circuit officiel de la vente de ces produits et ce, à travers l’obligation de la prescription médicale, la limitation des ventes aux seules officines. Il est impératif également que le pharmacien s'alimente chez son grossiste qui s'approvisionne, à son tour, via son producteur. Ce dernier, quant à lui, est appelé à respecter les règles de bonne pratique de fabrication, à l'instar de l'emballage qui doit être opaque et hermétique. Le sirop doit être contenu dans un flacon en verre opaque, à titre d'exemple.
Le recours systématique à la mention du nom de la matière première ou le principe actif dont il est extrait ainsi que les différents éléments contenus avec leurs dosages respectifs doivent être respectés.

Si vous avez un appel à lancer aux amateurs des suppléments alimentaires, quel serait ce dernier pour tirer au mieux profit de ces produits ?
En tant que professionnel de la santé, j'interpelle tous les acteurs (ministère du commerce, de la santé ainsi que les producteurs pour réglementer ce marché qui ne cesse d'augmenter en chiffre d'affaires et en consommation. Pour les médecins et les pharmaciens, je les invite à prescrire, pour les premiers, les compléments alimentaires. je demande aux pharmaciens de proposer le meilleur à leurs clients. Le citoyen, enfin, doit faire confiance à son médecin traitant et son pharmacien et ne pas trop se fier aux publicités mensongères sur les réseaux sociaux et internet qui peuvent être fatales à leur santé, d'autant plus que celles-ci ont, avant tout, un caractère commercial, avec des vendeurs étrangers, parfois, à la profession.
S. D.

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