
Mohamed Rebah, l’auteur de ce portrait, nous livre le fruit d’une minutieuse recherche sur la vie et la mort d’une figure emblématique de la guerre d’Algérie, Taleb Abderrahmane, le chimiste de la Révolution.
En juillet, en octobre et en décembre 1957, le jeune intellectuel Taleb Abderrahmane fut présenté au tribunal militaire d’Alger pour avoir confectionné les engins explosifs qui furent utilisés par le FLN dans la Zone Autonome lors de la Bataille d’Alger. Au procureur qui réclamait la peine de mort, Abderrahmane prononça ses paroles qui résonnent toujours : « On demande ma tête, encore et pour la troisième fois.
Mais, Messieurs, je suis un mort en sursis et, croyez-moi, ma troisième condamnation à la peine capitale ne m'effraiera point. Pour ma patrie, pour mon idéal et pour mon peuple, périr n'est qu'un sublime sacrifice auquel je suis déjà résigné. Et, en
résistant, en soldat digne de l'être, à l'exemple de mes frèresdéjà martyrisés, je saurai mourir. Et, si vous avez à prononcer le verdict monstrueux qu'on réclame contre nous, soyez persuadés que la guillotine est pour nous ce que la Croix représente dans vos églises... L'Algérie sera libre envers et contre tout. »
La sentence de mort souleva un vaste mouvement d'indignation et de protestation à travers le monde mais elle fut maintenue. Le 24 avril 1958, à l'aube, Taleb Abderrahmane passa sousla guillotine dans l'enceinte de la prison Serkadji.
Il avait 28 ans.
Ce livre-portrait est agrémenté de précieux documents iconographiques, de notes et de référence. Le lecteur y trouvera, dans ce travail d’historien, des témoignages sur le parcours et l’engagement de Taleb Abderrahmane.
Mohamed Rebah avait côtoyé le chahid et d’autres membres de la famille Taleb, notamment son père et ses frères.
En postface, le professeur de philosophie, Mohamed Bouhamidi évoque le parcours et la personnalité de Taleb Abderrahmane qui « portaient une charge si puissante que les étudiants algériens les prirent spontanément, en 1962, pour symbole de l'engagement et du sacrifice. Les étudiants post indépendance lui reconnaissaient ainsi qu'il a joué un rôle d'idéal social et politique pendant la guerre d'indépendance, un rôle de modèle de combattant. Les étudiants des premières années de l'Algérie indépendante trouveront en lui la figure historique la plus indiquée pour perpétuer l'image que le peuple algérien se faisait de ses enfants intellectuels, étudiants et collégiens pendant la nuit coloniale : des champions qui devaient mettre leur science « arrachée » aux colons au service de leur peuple et de ses luttes. »
Que savent les jeunes aujourd’hui de ce patriote ? « Ce livre brise un peu l'encerclement des silences complices de ce révisionnisme triomphant et nous restitue une des plus belles parts de notre histoire que nous pouvons offrir comme mémoire à nos enfants », écrira, en conclusion, M. Bouhamidi.
K. Morsli
«Taleb Abderrahmane, guillotiné le 24 avril 1958» de Mohamed Rebah, chez Apic éditions ; 101 pages ; 500 DA
Bio express
Économiste de formation, Mohamed Rebah est chercheur en histoire. Militant de «OCFLN » (1956-1962), il fut détenu politique des camps de concentration de Ben Aknoun (Alger), Paul Cazelles (Sud-Algérois), Bossuet (Sud-Oranais) et Arcole (Oranie). Auteur «Des Chemins et des Hommes», il prépare un ouvrage sur les camps de regroupement de Cherchell (1958-1962) en collaboration avec une équipe de chercheurs de la région.