
«L’Algérie est une terre où l’on retrouve tous les âges de la terre.» L’auteur de cette brillante assertion n’est autre que feu Mohamed-Salah Mentouri, à une époque où il fut ministre du Tourisme. Pourquoi une telle assertion ? Parce que depuis l’aube de l’humanité, le sol de notre pays est jalonné de vestiges dont le moins qu’on puisse dire est que certains d’entre eux remontent à la nuit des temps, en l’occurrence à la période paléolithique.
Alors, pourquoi ne pas citer quelques-uns parmi les plus anciens - mais pas forcément les plus anciens - d’entre eux, à savoir ces fameux «tumulus», qui ne sont autres que des sépultures datant du néolithique «Tumulus», la sépulture du néolithique. On trouve en effet au Sahara algérien de très nombreux tombeaux datant de l’ère néolithique, période qui s’étend de l’apparition de l’agriculture, il y a 10 000 ans, à l’apparition de l’écriture il y a 5000 à 4000 ans. Ce sont le plus souvent de simples sépultures recouvertes d’un amas de pierres homogènes, le tumulus. Dans le Tassili N’Ajjer, ces tombeaux préislamiques à couloirs et enclos, parfois nommés en «trous de serrure», sont particulièrement nombreux. Les plus anciens datent d’environ 5500 ans et n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Systématiquement creusés dans le flan des collines, ils se repèrent de loin. Voici grosso modo comment ces vestiges se présentent : un premier cercle entoure le tumulus sous lequel se trouve la chambre funéraire ; un second cercle cerne l’édifice tout entier. Seuls les homes y sont enterrés, couchés sur le côté, la tête orientée vers l’Orient. «Les touaregs appellent un tel monument «edebni» (plur. idebnan) et l’attribuent aux «gens d’avant», c’est-à-dire toutes les populations qui les ont précédés. Toutes les sépultures antérieures à l’introduction de l’islam et des autres religions, surmontées d’un tumulus de pierres quelle que soit la forme du tumulus, sont des edebeni. Les edebni sont présents dans l’Ahaggar, l’Ajjer, l’Ahnet, l’Adrar et l’Air» (Foucault, 1951). Si les Touaregs y voient volontiers l’ultime demeure d’un «amenokal», autrement dit un chef important, les scientifiques qui se sont penchés sur la question s’accordent pour dater ces monuments funéraires aux alentours de 4500 ans avant J.-C., une période bien antérieure à l’arrivée des Touaregs dans le Sahara. Il faut noter aussi que le Sahara algérien est riche de milliers de documents gravés ou peints des milliers d’années avant notre ère, et qui font de ce désert, sans contredit, le plus grand musée à ciel ouvert de l’époque néolithique. La météorite de Tamentit (Wilaya d’Adrar) Bien que datant en réalité de quelque milliards d’années, la météorite de Tamentit, quant à elle, a été observée pour la première fois en 1864 dans le Touat, plus précisément dans l’oasis de Tamentit, par un explorateur allemand. Elle a, par la suite, été récupérée par les Français en 1926. Elle est exposée actuellement au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. C’est une sidérite (météorite de fer) du type IIIAB. Son poids est de 500 kg. La fiche technique de cette météorite indique qu’elle a évolué dans l’espace intersidéral durant quelque cinq milliards d’années avant de venir percuter la Terre, à l’endroit ci-dessus indiqué. On notera, pour la petite histoire, que dans son bulletin trimestriel «Les amis du Sahara» datant de juillet 1933, l’association du même nom publia une causerie faite sur les ondes de «Radio Alger». Elle portait sur les oasis du sud-ouest de l’Algérie. Le conférencier A. Rosis, alors sous-directeur des territoires du Sud, en vint à évoquer la météorite de Tamentit, une oasis située à une trentaine de km d’Adrar. Autant dire que cet objet extraterrestre était alors la plus ancienne et l’une des plus lourdes météorites du monde, une sidérite de plus d’une demie-tonne de métal (météorite de fer) du type IIIAB, découverte en 1863 et observée pour la première fois en 1864 par un explorateur allemand dans les sables du Sahara, près de l’oasis de Tamentit (d’Adrar). Elle gisait à demi-enfouie dans le sable, sur l’une des places publiques de l’oasis. Elle était tombée entre la fin du XIVe et le début du XVe siècle à 12 km de Tamentit. Elle avait été rapportée et fut l’objet d’une adoration plus superstitieuse que religieuse, rappelant à l’imaginaire de la population la météorite de la Qaâba à La Mecque. A. Rosis explique : «Depuis des siècles, une foule de femmes touatiennes désireuses d’avoir un enfant se sont assises sur la pierre sacrée». La légende locale rapporte que la météorite fut d’or lorsqu’elle toucha le sol. Cependant, pour calmer la cupidité des communautés de la région sur la question de son appropriation, la volonté divine l’aurait transformée en fer. Au XIXe siècle, des scientifiques français eurent connaissance de son existence et, en 1927, elle rejoignit le Musée d’histoire naturelle de Paris. De quelle façon s’est-on approprié ce patrimoine ? A. Rosis raconte : «La djemaâ a consenti à la laisser enlever moyennant une subvention de 30.000 francs dont le montant a été affecté à l’exécution des travaux de réfection de la foggara (...). Nous avons donné aux habitants quelques parcelles d’or qui leur ont permis d’augmenter la superficie de leurs jardins et d’améliorer aussi leurs maigres revenus». La météorite est aujourd’hui l’objet d’exposition itinérante à travers la France. Pourra-t-on un jour la récupérer ? Cela n’est pas certain. Pour preuve, ce n’est pas notre pays qui a émis un timbre-poste à l’effigie de la météorite de Tamentit, mais le... Niger ! La rose des sables d’El Bhour (Wilaya de Ouargla) Connue surtout pour son Festival annuel de la rose de sable qui se tient chaque année à la fin avril, la région d’ El Bhour, distante de 45 km de la ville de Ouargla compte un des centres culturels les plus actifs de la wilaya, voire du Sud algérien. La fête de la rose de sable est en effet la plus importante manifestation annuelle de ce centre qui se situe en plein cœur du gisement national des roses de sable, selon les données de la Direction de l’Industrie et des mines de Ouargla qui délivre les permis d’exploitation des gisements de roses de sable. Il va sans dire que les roses de sable d’El Bhour sont réputées pour être de haute qualité du point de vue de la dureté de l’objet minéral, de sa couleur rosée resplendissante mais aussi de la nature même de la sculpture que la nature façonne à sa guise sous une terre spécifique. Un label que les connaisseurs apprécient beaucoup - surtout que les fleurs sont souvent sculptées «recto verso» - et qu’on retrouve dans plusieurs sites renommés tels que El Ogla, Chabha, Ben M’himid et Gherss Boughoufala…Région bédouine par excellence, El Bhour est aussi le pays des courses de dromadaires et de poésie populaire fêtées chaque année lors de l’Okadhia de Benaioua, un des plus célèbres poètes de la région. Voilà, pour tout dire, seulement quelques spécimens de ces «documents» répertoriés de longue date par les scientifiques sur le sol algérien. On ne peut évidemment citer tout ce que le territoire national renferme comme vestiges de toutes sortes, dont certains, par région, affleurent à même le sol. Ce qui d’ailleurs a fait dire à d’aucuns que le territoire algérien est un véritable «livre d’histoire» tant il recèle, en matière de vestiges, de quoi constituer une gigantesque bibliothèque à l’échelle de l’Humanité.
Kamel Bouslama