
Le patrimoine du vieux Mila a été la thématique d’une rencontre animée par Nassim Harkat à Dar Abdeltif. Ingénieur culturel et doctorant, le conférencier a présenté une expo-conférence organisée par l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) sur le patrimoine antique de Mila, triplement millénaire, dont le potentiel culturel et touristique est peu connu et pas très bien exploité.
Située à 60 km à l’est de Constantine, elle fut une principale ville pour le roi Massinissa. Milev des romains a vu le passage également des vandales, byzantins et différentes dynasties arabes, dont la mosquée de Sidi Ghanem du VIIe siècle ou une fontaine romaine du IIIe siècle. Suite à la présentation des différentes définitions du patrimoine et une approche sur sa contribution au développement durable, le conférencier a présenté son projet doctoral sur l’histoire et les atouts de cette ville historique.
Rencontrée à l’issue de la conférence, il nous explique pourquoi le choix s’est porté sur cette ville. «Mila a un passé très riche, où il y a d’importants monuments et une grande richesse archéologique. C’est aussi une petite ville dans laquelle des projets culturels peuvent avoir lieu avec plus de facilité qu’à La Casbah d’Alger ou la Souika de Constantine. J’essaye d'évaluer dans quelle mesure le patrimoine d’une ville historique, sachant que nous en avons beaucoup en Algérie, peut contribuer à l'essor économique et à l'essor social. En quoi cela peut être un bénéfice aussi bien pour les habitants, le tissu associatif et les pouvoirs publics de manière à ce que le patrimoine devienne une réelle dynamique économique», explique-t-il.
L’Algérie s’inscrit dans cette lancée, à l’exemple de la plupart pays du monde, dans le sens où les sites et villes historiques sont réaménagés, accueille des touristes, ils peuvent contribuer au développement de l’artisanat, des produits et événements culturels et touristiques... Il estime toutefois que le patrimoine ne peut pas devenir une ressource économique pour une ville tant qu’il n’y a pas une réelle concertation entre les différents acteurs, ainsi que la prise de conscience sur l’importance du patrimoine qui n’est pas assimilé par tous les habitants. Nassim Harkat développe un protocole généralisable qui soit adapté aux contextes des villes algériennes, à travers deux pistes : la première est d’ordre anthropologique, où le facteur humain constitue le premier maillon du cycle de la valorisation du patrimoine, alors que la deuxième porte sur l'aspect pratique et opérationnel.
«Il faut miser sur l’humain, à travers l’éducation, la sensibilisation, la pédagogie et la médiation, afin de connaître les besoins des populations et dans quel cadre ils peuvent s’inscrire dans un projet culturel. Il y a des degrés de consciences dans chaque ville et il y a un grand travail à faire la-dessus. Le deuxième aspect est l'ingénierie, dans le sens où le patrimoine est un projet qui demande un travail intersectoriel entre les différents départements... un projet territorial avec des projets de création d'événements culturels, formation de guides», souligne-t-il.
Ceinturé par un rempart byzantin de 1.200 mètres, le vieux Mila regorge d’une architecture hautement esthétique. C’est aussi beaucoup un lieu de convivialité et un riche passé, avec des traces de plusieurs conquérants qui se sont alternés depuis l’antiquité.
«Le vieux Mila est bâti avec un excellent travail de pierre ,comme on le trouve au nord du pays, notamment à l’Est. C’est aussi un parc archéologique important, où l’on peut trouver différentes stèles, sarcophages éparpillés autour de la ville qui est bâtie sur d'importants vestiges importants. L’esplanade de la fontaine abrite des soirées musicales de malouf, les enfants s’y baignent quand il fait chaud et les femmes se rencontrent et discutent.
On trouve également à Mila un trésor national, avec la mosquée Abu-Al-Mouhajir-Dinar, qui date du premier siècle de l'Hégire et qui serait la première mosquée construite sur le sol algérien toujours visible, et la deuxième vieille mosquée du Maghreb après celle de Kaïrouan.»
Kader Bentounes