Malek Bennabi, penseur ,philosophe : Une vision civilisationnelle universelle

Ph.: A-Asselah
Ph.: A-Asselah

À l'ouverture du «Colloque Bennabi et la question culturelle», la ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, a rappelé qu'il n'y a pas d'avenir sans grands penseurs : «Le génie de cette terre d’Algérie tient dans sa capacité à enfanter des noms lourds de grands penseurs, pour l'aider à affronter les dédales conceptuels et les contingences du siècle.» Malek Bennabi, un «don divin», tout comme le furent Benbadis, Mohamed Dib, Abdelkader Djaghloul, Ali El Kenz, Mustapha Lacheraf et autres qui constituent les piliers de l'Algérie tant ils sont en harmonie avec le contexte national. Il est temps de «recouvrer nos symboles éclipsés, les mettre sous les lumières», dixit la ministre de la Culture. Et c'est naturel, ajoute-t-elle, que d'associer Bennabi au concours national de lecture. «Car c'est un homme de livres par excellence.» Tout son talent, souligne-t-elle, sa vision universelle, son approche des cultures, des civilisations, des problématiques sociétales, ont été nourris par et grâce à ses lectures éclectiques et sa curiosité pour le monde des idées et la philosophie. «Dieu, l’alpha et l’oméga» «Bennabi a disparu trente ans durant, il fait son retour aujourd’hui», déclare le Dr Amar Talbi, vice-président de l’Association des ulémas musulmans algériens, qui dira un grand bien de la réhabilitation officielle du grand penseur, élève de la Medersa, qui frayera, dans sa jeunesse, avec l’école réformiste incarnée par le cheikh Ben Badis. L’intervenant rappellera la première rencontre, au Caire, où il se rendra avec une délégation du GPRA, en 1958. «Grand rhéteur, débatteur de haute voltige, Bennabi irradia, de sa science infuse, les milieux savants des capitales arabes. Prêcher l’idéal de la renaissance (de la Umma) a été, pour lui, plus qu’un leitmotiv, note Talbi, la raison d’être de toute intelligentsia. Une pensée iconoclaste, subversive et létale pour l’ordre des puissants hégémonistes qui lâcheront, contre lui, les commandos cerbères. Il a eu sa part d’épreuves et je témoigne de sa souffrance. Les services spéciaux français le harcelaient et le surveillaient depuis 1938.» Victime d’une machination à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Bennabi sera injustement arrêté et emprisonné, avec son épouse, pendant huit mois en France, vilement accusé, par la police colonialiste, de collaboration avec le régime nazi. Il sera innocenté et libéré. «Ces milieux traquent la pensée libératrice, tuent les idées lumineuses, pour mieux annihiler toute velléité de renaissance», explique Amar Talbi. Défricheur de domaines escarpés, Bennabi est un précurseur de nouvelles disciplines de recherche, balisant l’étude de la pensée, déblayant l’histoire des luttes dans les sociétés colonisées et post-colonisés, à l'étude de la volonté de puissances et d’hégémonie globales et autres guerres idéologiques qui minent le village global. «Les Algériens doivent s’armer d’idées. C'est l'ère de l’économie de la connaissance», met-il en garde. Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr, cheikh Mohamed Maâmoun Al Kacimi Al Hoceini, raconte les deux séjours, dans les années 60, qu’effectua Bennabi dans la zaouia Al Qassimia. «Le Coran est aux sources premières de la pensée de Bennabi», dit-il. But suprême? Préparer le «décollage civilisationnel», réhabiliter l'homme musulman dans sa fonction créatrice de civilisations. Sur l’épineuse problématique de la modernité/authenticité, l'intellectuel algérien est tranchant : «Son raisonnement est simple : pour allier les deux, la société doit, consciemment, arbitrer entre les variables et ce qui relève des constantes». Penseur du 20e, Bennabi est-il soluble dans le 21 siècle?» Oui, il est d’actualité, répond l’imam. La oumma a encore besoin de sa pensée.

M. Aziri

---------------------------------------

Soraya Mouloudji, ministre de la culture et des arts : «Bennabi est l’homme boussole»

«Nous avons tous, en mémoire, Malek Bennabi, un regard particulier sur lui et son environnement. Bennabi a, certes, eu l'intérêt dû (à ses ouvrages) sans toutefois bénéficier d'études sérieuses qui le rendent accessible au lecteur moyen. Nous ne voulons pas que Bennabi soit un grand nom pendant que sa production irrigue et profite à autre que l'Algérie. Pour ce faire, le ministère encourage toute initiative visant à célébrer les personnalités, références culturelles et scientifiques, de l'Algérie et appelons, à l'occasion, les concernés à diffuser et expliquer les idées de nos penseurs et intellectuels au large public.»

Multimedia