Le comédien Omar Guendouz n’est plus : Une immense perte pour l’art

Omar Guendouz a tiré sa révérence.
Omar Guendouz a tiré sa révérence.

Omar Guendouz a tiré sa révérence. Un immense talent qui évoluait sur les planches et sous les projecteurs de films et de séries, avec un professionnalisme que tout le monde lui reconnaissait.
Le défunt, tout au long d’une carrière qui a duré un demi-siècle, était, il y a quelques années, très sollicité pour sa bonne humeur et ses bons mots. Au théâtre, il a excellé dans la pièce Babor Ghrak ,une tragi-comédie de plus d’une heure et demie, qui raconte l’histoire de trois rescapés d’un naufrage, l’intellectuel, l’affairiste et l’ouvrier, joués respectivement par Mustapha Ayad, Omar Guendouz et Slimane Benaïssa. La pièce est restée très longtemps à l’affiche ; et, également, dans Boualem zid el goudam et Ya chari Dala. Aux côtés de Farida Saboundji et Nawal Zaâter, Guendouz avait littéralement crevé l’écran. Il fit aussi sensation dans le film El Khourdadji, avec l’actrice Nadia Talbi. En 2017, il était remonté sur scène avec son acolyte Slimane Benaïssa, pour célébrer un demi-siècle de carrière de ce géant du théâtre algérien, par des représentations de la célèbre pièce Babor Ghraq.
Doué pour la comédie dès son jeune âge, Guendouz a mis le pied à l’étrier au Conservatoire central d’Alger, où il avait suivi des cours de théâtre et de musique. Il était natif de la Basse-Casbah, d’où il a gardé toute au long de sa vie cet accent et cette gestuelle très caractéristiques.
Lors de nombreux hommage qui lui ont été faits de son vivant, on énumérait les nombreux prix qu’il avait reçus de maîtres tels Allal El Mouhib, Henry Van Gray et Mahieddine Bachtarzi. Sa mort, à l’âge de 72 ans, a privé l’Algérie d’un des piliers incontestables dans l’art et la comédie.
K. M.

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Une grande idée du théâtre algérien

Aujourd’hui, je suis orphelin d'un frère.
Je suis muet d'une parole, que seul lui faisait entendre.
Je suis triste, accablé par l'impuissance d'un rire que lui seul savait lui donner l'éclat et la folie… du fou rire. C'était un frère, un ami, un compagnon de route, un complice pour la gloire ! Il était la tasse de café au petit matin de nos tournées et le verre du guerrier après la représentation.
Qu'importe après tout mon état et quel que soit ma douleur… Le théâtre algérien souffrira longtemps de l'absence d’Omar Guendouz.
Je pourrais citer 1.000 noms de stars internationales pour comparer son talent… mais il est incomparable. Omar avait le talent d'être Omar. Il avait le talent d'une Algérie qui osait se regarder, qui osait rire d’elle-même. En tant que imitateur il imitait Bachtarzi, Castro, De Gaulle, avec justesse et une précision qui faisait oublier la caricature et le personnage devenait réel dans une mise à nu, à mourir de rire.
Omar, le trac le faisait vomir. Avant de rentrer sur scène, il transpirait à grosses gouttes et dès qu'il captait la lumière il l'offrait au public sous forme d'étoiles de rire. Avec Omar, le public devenait lumineux, parce qu'il l'aimait, le respectait se dévouer pour lui.
Un jour face à une salle de 800 ou 1000 spectateurs, Omar affolé me demande : « comment on va faire ? » Je lui répondais pour le calmer « Ben on fera comme d'habitude, on joue ». Et ce « Comme d’habitude » est devenu notre mot anti trac…
Omar, au-delà de ce qu'il savait faire, était un homme d'une grande humanité sa générosité dans le jeu était sa générosité dans la vie, il était d'une timidité maladive qui faisait de lui une éponge qui absorbe toutes les émotions qui le frôlent, il absorbait la vie, en silence, discrètement, pour la restituer sur scène avec puissance et force, pour le plaisir de tous.
Il avait un sens de la continuité et de l'équilibre du personnage très aigu. Il lui est arrivé de me dire :« mon personnage ne peut pas dire cette phrase ». Expérience à l'appui, il avait raison. Il a développé en lui un sens exceptionnel du tragique pour comprendre la réalité. Et c'est ce qui l’a amené à développer un grand talent pour l'interpréter. Son talent repose sur son regard et son regard est aussi lointain que profond.
Omar n'était pas un simple comique qui faisait rire. Il riait du rire du public et c'est grâce à cette situation que la relation devenait intime alors qu'elle est publique. Dans cette intimité la critique s'aiguise elle devient acceptable et audible pour le public. Il construisait son jeu de manière à établir cette complicité avec le public qui faisait dire au rire plus qu'il n'en disait. Le Non-Dit du tragique était un simple rire pour Omar , et il a tout dit.
Omar ! tu me manque déjà !
Tu manques à mon imagination et à mes hésitations d'auteur qui sont inscrite dans l’assurance de ton talent d'acteur.
Tu resteras à jamais dans mon esprit, unique, simple avec ton élégance, sur scène, qui sublimait le geste qui donnait au personnage une dimension presque abstraite qui faisait, qu'il passait de la paisibilité, de la sérénité, à la folie la plus totale avec une aisance convaincante, ce qui fait qu’on a jamais discuté de « ce que fait Omar », on s'est toujours « interrogé sur comment il le fait »… L’acte théâtral d’Omar est une évidence qui interroge. Quand j'ai appris son décès je me suis dit intérieurement comme par réflexe et instinctivement comment il a fait ? Les larmes aux yeux j'ai dû me remettre à l'évidence et je me suis dit : Nous avons porté toute notre vie la tragédie de notre société et chacun de nous a sa propre tragédie qui l’emportera…Reposes un paix cher frère c'est entre les mains de Dieu que nous finirons tous, j'espère que toi, tu seras applaudi par les anges, car tu le mérite.
Adieu, Omar
Slimane Benaïssa

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Condoléances de la ministre de la Culture

La ministre de la Culture et des Arts, Wafa Chaâlal, a salué la mémoire d’Omar Guendouz, son riche parcours et sa passion pour le théâtre et la chanson.
Dans un message de condoléances adressé à la famille du défunt, la ministre a regretté cette «immense perte pour la scène artistique algérienne et pour le paysage théâtral et cinématographique».

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