Au centre culturel de l'école IN-tuition à Hydra, on dirait que les murs se souviennent de quelque chose.
Les visiteurs, instinctivement, ralentissent le pas, comme si l'air était plus lourd, attirés par une présence invisible. L'exposition «50 ans de résilience des réfugiés sahraouis», où chaque visage compte, fruit du travail du photographe IMAD, a transformé cet endroit en un point de rencontre avec des vies trop longtemps ignorées. Quatorze portraits, sept histoires, et, surtout, une immense présence humaine, captent notre attention dans une présentation où chaque visage devient une respiration, un appel, un fragment de vérité. L'histoire de cette exposition commence loin d'Alger, dans un désert à première vue silencieux, mais en réalité plein de vie. Avant son voyage à Tindouf, on a proposé à Imad des dossiers, des résumés, des analyses. Il a refusé. Il voulait voir par lui-même, sans idées préconçues. Il voulait comprendre avec ses propres yeux, sans se fier aux opinions des autres.
«On voulait me donner des tonnes d'infos avant que je parte. J'ai dit non. Je veux que mes photos montrent ce que je vois, pas ce qu'on m'a raconté», c'est ainsi qu'il est arrivé dans les camps sahraouis, armé seulement de sa curiosité, de son appareil photo et d'une détermination : écouter attentivement et observer sans jugement. Il a découvert un monde bien différent de l'abstraction géopolitique dont on parle souvent. Le désert n'est pas vide. Il vibre, il est habité, rempli d'une humanité qui a appris à tenir bon malgré l'attente et l'exil. Les tentes, ballotées par le vent, semblent respirer. Les écoles accueillent les enfants, octroyant une parenthèse d'espoir. Les ruelles sablonneuses s'animent au rythme des pas joyeux des enfants. Et partout, il y a des visages. Des visages qu'on n'oublie pas. Des regards qui racontent des vies. C'est cette rencontre poignante qui prend vie sur les murs d'IN-tuition. Les portraits d'Imad ne cherchent pas à impressionner ; ils visent à révéler la vérité. Il cadre de près, sans artifices, utilisant une lumière qui révèle la dignité de ses sujets comme un sculpteur façonne une œuvre fragile. Un vieil homme dont les rides rappellent les sillons creusés par le vent. Une jeune femme dont les yeux lancent un défi à l'horizon. Un enfant dont le sourire illumine l'image comme un rayon de soleil. Les visiteurs s'approchent, retenant leur souffle, essayant de deviner les histoires qui se cachent derrière ces regards. Et ces histoires sont là, racontées dans les sept récits qui accompagnent certaines photos. Une institutrice qui enseigne avec une patience infinie, un véritable acte de résistance. Un adolescent qui rêve de cinéma sous un ciel poussiéreux. Une mère qui parle de l'attente comme d'une compagne silencieuse. Un homme qui confie : «Ici, on est nés deux fois.
Une fois à la vie, une fois à la résistance.» La technique d'impression choisie par l'artiste donne aux œuvres une dimension presque picturale. Les couleurs semblent flotter entre la réalité et le rêve, et beaucoup de visiteurs se demandent si ce sont des photos ou des peintures. Imad sourit de ce doute qu'il provoque volontairement : «J'aime quand les gens hésitent. Quand ils ne savent plus si c'est une photo ou autre chose.» C'est là que la magie commence. Il refuse de protéger les photos avec du verre, car la lumière s'y reflète, brouille les visages, brise l'intimité qu'il cherche à créer. Il préfère la présence directe, le contact immédiat entre la peau photographiée et l'œil qui la contemple. Il veut que le spectateur se sente proche des personnes photographiées.
Quand le visiteur quitte la salle, il emporte avec lui un peu de désert dans les yeux, un sourire d'enfant, une ride de fatigue, un regard de courage. Il ne ressort pas indemne. Il sait maintenant que derrière cinquante ans d'exil, il y a cinquante ans de résistance. Et il comprend, peut-être pour la première fois, que chaque visage compte vraiment. Chaque vie a de la valeur. Chaque histoire mérite d'être entendue et vue.
S. O.