Centenaire de la naissance de Frantz Fanon : Un timbre pour l’écrivain du combat

À l’occasion du centenaire de la naissance de Frantz Fanon (1925-2025), Algérie Poste rend hommage à cette figure majeure de la lutte anticoloniale, en émettant un timbre commémoratif à son effigie.

Ce geste hautement symbolique rappelle l’importance du rôle qu’a joué cet intellectuel martiniquais dans le combat pour la libération de l’Algérie. Médecin, psychiatre, écrivain et militant, Fanon a consacré les dernières années de sa vie à la cause algérienne, mêlant pensée et action dans un engagement total contre le colonialisme. Frantz Fanon naît le 20 juillet 1925 à Fort-de-France, en Martinique, alors colonie française. Dès l’adolescence, il développe une conscience politique aiguë, influencée par le contexte raciste et colonial dans lequel il grandit. En 1943, à l’âge de 18 ans, il rejoint les Forces françaises libres pour combattre le nazisme. Il participe à la libération de la France, est grièvement blessé et décoré pour bravoure. Cette expérience militaire renforce son refus de toute forme d’oppression et de hiérarchisation raciale. Après la guerre, il entame des études de médecine à Lyon et se spécialise en psychiatrie. En 1953, il accepte un poste à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, en Algérie. Très vite, Fanon s’indigne des traitements infligés aux patients algériens et comprend que les troubles mentaux qu’il observe sont intimement liés à la domination coloniale. Il engage alors une réforme radicale des pratiques psychiatriques, intégrant des approches de groupe, des activités collectives et des méthodes respectueuses de la culture algérienne. Le déclenchement de la Révolution algérienne en novembre 1954 marque un tournant décisif. Fanon ne reste pas spectateur : il s’engage pleinement aux côtés des indépendantistes.
En 1956, il adresse une lettre de démission fracassante au ministre français de la Santé, dans laquelle il dénonce l’impossibilité morale de continuer à exercer sous un régime colonial fondé sur la violence et l’humiliation. Ce départ symbolise sa rupture définitive avec le pouvoir colonial. Fanon rejoint alors clandestinement le Front de libération nationale (FLN), où il met ses compétences intellectuelles, médicales et diplomatiques au service de la cause algérienne. Il devient une pièce maîtresse de la lutte sur le plan idéologique. Dans les maquis, dans les camps de réfugiés, à l’étranger, il soigne, il écrit, il parle, il mobilise. Parmi ses multiples engagements, Frantz Fanon devient un contributeur actif du journal El Moudjahid, organe officiel du FLN, alors imprimé dans la clandestinité et distribué dans les zones de combat comme à l’étranger. Le journal joue un rôle crucial dans la structuration politique de la lutte, et Fanon y apporte sa voix singulière, précise, tranchante. À travers ses articles, il dénonce la barbarie coloniale, analyse les mécanismes de l’aliénation psychologique des colonisés, et appelle à l’éveil des consciences. Son style allie rigueur intellectuelle et radicalité politique.
Pour lui, écrire n’est pas un acte détaché, mais une arme de combat. Dans El Moudjahid, il popularise l’idée selon laquelle la libération politique ne peut se faire sans une libération psychologique profonde, idée qui deviendra centrale dans son œuvre. En 1960, le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) l’envoie comme représentant au Ghana.
Là-bas, Fanon déploie une intense activité diplomatique pour sensibiliser les pays africains à la cause algérienne et encourager une solidarité panafricaine contre le colonialisme. Il multiplie les rencontres, les conférences, les missions clandestines, parfois jusqu’aux frontières du Congo et du Sahara. Malgré la maladie, une leucémie diagnostiquée en 1961, il poursuit son engagement avec une énergie remarquable.
À la fin de sa vie, il rédige son ouvrage majeur, «Les Damnés de la Terre», préfacé par Jean-Paul Sartre, qui demeure à ce jour l’un des textes les plus percutants sur la décolonisation, la violence révolutionnaire et la dignité humaine. Il meurt le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, peu avant l’indépendance de l’Algérie, à laquelle il aura consacré les dernières années de sa vie. Il est inhumé en terre algérienne, à Aïn Kerma (wilaya d’El Tarf), selon sa volonté. Un siècle après sa naissance, Frantz Fanon reste une figure incontournable pour les peuples en lutte. Son œuvre, traduite dans le monde entier, continue d’inspirer chercheurs, étudiants, militants et penseurs. Son nom est associé à la dignité retrouvée des opprimés, à la vérité dite sans compromis et à l’idée que la liberté est un droit qui se conquiert. Avec ce timbre commémoratif, Algérie Poste ne rend pas seulement hommage à un intellectuel. Elle célèbre un frère de combat, un homme qui a porté haut la voix de la Révolution algérienne, à travers ses écrits, ses actes et ses convictions.

M. K.

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