Ania Mezaguer et Zoubida Berrahou : Deux plumes féminines à l’honneur

De notre envoyé spécial à Saïda : Mehdi Kaouane

Le Festival de la littérature et du cinéma de la femme, organisé la semaine dernière à Saïda, a été le théâtre d’un moment littéraire fort, marqué par la présence remarquée de deux autrices algériennes au parcours aussi singulier qu’inspirant : Ania Mezaguer et Zoubida Berrahou. Malgré la notoriété du romancier Yasmina Khadra, également présent à cette édition, ce sont bien ces deux figures féminines de la littérature contemporaine qui ont su captiver le public lors de la rencontre littéraire animée par l’écrivaine Maïssa Bey, suivie d’une séance de vente-dédicace qui a remporté un vif succès. Nouvelle venue sur la scène éditoriale, mais pas dans l’écriture, Ania Mezaguer a présenté Rassa Morra (sale race), son premier roman publié aux éditions El Qobia. Cette œuvre, qui révèle une plume déjà affirmée, met en lumière la trajectoire chaotique d’Aziyadé, une directrice des ressources humaines brillante et déterminée, confrontée aux manipulations insidieuses de ses collègues masculins dans un univers professionnel hostile. Un récit profondément inspiré de la propre expérience de l’autrice, elle-même DRH dans des multinationales, qui déclare : «Ce n’est pas le premier roman que j’ai écrit, mais c’est celui que je devais absolument publier, pour dire tout haut ce que beaucoup taisent». En parallèle de sa carrière dans les ressources humaines, Ania Mezaguer est aussi une créatrice de contenu littéraire très active, fondatrice du Club de lecture et cercle littéraire universel, où elle multiplie les échanges en ligne avec des auteurs. Cette double identité - professionnelle et littéraire - confère à son œuvre une authenticité rare, portée par une écriture engagée et une volonté de briser le silence sur les violences symboliques vécues par les femmes dans le monde de l’entreprise.À ses côtés, Zoubida Berrahou, professeure des universités en sciences économiques à Mascara, a su démontrer que la rigueur académique pouvait nourrir une imagination foisonnante. Devenue romancière en 2022, elle compte déjà deux romans et deux recueils de poésie à son actif. Son dernier opus, L’invention d’un jeu d’échecs, transporte les lecteurs dans un voyage à travers le temps et l’espace, où deux jeunes frères, Racim et Necib, réinventent le passé de Mascara en y projetant une mythique invention du jeu d’échecs. Ce roman atypique mêle figures historiques, dialogues inventifs et réflexion sur la mémoire collective, dans une fresque où se croisent l’émir Abdelkader, des princesses d’Alger ou encore Salim d’Alger. Berrahou tisse ainsi un récit à la fois érudit et accessible, où l’histoire nationale devient un terrain de jeu intellectuel pour la jeunesse. La rencontre littéraire, dirigée avec finesse par Maïssa Bey, a offert un moment d’échange intense entre les autrices et le public, venu en nombre. Les témoignages des deux écrivaines ont trouvé un écho fort, notamment auprès des femmes présentes, touchées par leur sincérité, leur engagement et leur vision de la littérature comme outil de transmission, de mémoire et de lutte. Le succès de la séance de vente-dédicace a confirmé l’engouement pour ces plumes féminines qui osent écrire différemment, loin des sentiers battus. Qu’elles partent de l’expérience personnelle ou de l’imaginaire historique, Ania Mezaguer et Zoubida Berrahou imposent une nouvelle manière de raconter le réel, avec courage, créativité et intelligence. Le Festival de Saïda, à travers cette rencontre, aura su mettre en lumière la richesse et la vitalité de la littérature algérienne féminine contemporaine, portée par des femmes qui écrivent pour résister, rêver et exister.

M. K.

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