
Entretien réalisé par Yazid Yahiaoui
Un homme, un projet, une ambition. Dans son périple, Ahmed n’avait pas avancé sur du velours. Que d’embûches, que de lenteurs ! Mais dans la réussite de toute chose entreprise dans la vie, la persévérance est un viatique nécessaire. En la matière, Ahmed Khekhal, est bien nanti. C’est un homme persévérant jusqu’à la témérité. C’est sa manière, à lui, d’exprimer son profond amour pour sa patrie. Pour lui, le patriotisme ne se limite pas aux mots ou aux symboles, mais se traduit par des actes concrets. Il a choisi d’investir dans son pays, convaincu que le développement économique est une des clés de la souveraineté et de la dignité nationales. À travers ses projets, il crée des emplois, et surtout règle un épineux problème environnemental.
Ahmed Khekhal a choisi de se confier dans les colonnes d’El Moudjahid pour exposer sa vison sur une question cruciale dans notre pays : celle de la collecte, du traitement et de la valorisation des déchets ménagers.
El Moudjahid : Votre société, « TBN PROKA », s'apprête à lancer un projet d'envergure pour valoriser les déchets et améliorer le cadre de vie des citoyens algériens. Pourriez-vous nous décrire les grandes lignes de cette initiative ?
Ahmed Khekhal : Nous ambitionnons d’abord de procéder régulièrement, dans un partenariat avec les collectivités locales et dans une concertation permanente, à la collecte de tous les déchets ménagers, notamment, quartier par quartier, rue par rue en éliminant tous les points noirs. Comme cela se fait dans les pays qui ont lancé le défi des villes les plus propres, il faudra augmenter les moyens logistiques pour un plus grand nombre de rotations des équipes de ramassage desdits déchets surtout dans les agglomérations et sites à forte concentration d’habitants. Surveillance et réactivité des services de nettoyage seront de mise, à travers un suivi performant, en créant un numéro vert, par exemple, qui permettra aux citoyens de signaler un amoncellement d’ordures ou une faille éventuelle dans la collecte. Associer le citoyen fera partie de notre stratégie. Il s’agira bien entendu d’acheminer les déchets collectés vers des centres de tri réorganisés qui optimiseront le tri au bénéfice du recyclage mais aussi dans l’objectif de sélectionner la matière première à valoriser. Une partie sera ainsi consacrée à la méthanisation dont les déchets organiques et semi-organiques seront dédiés à la fabrication de l’énergie renouvelable, de l’électricité, du biogaz, du digestat… Ces énergies seront la plus grande plus-value de notre projet et seront stockées puis fournies à l’Etat comme client prioritaire.
L’autre segment très important dans la protection de l’environnement est le traitement des lixiviats, ces liquides toxiques qui résultent de la percolation des eaux de pluies sur les sites des centre d’enfouissement technique (CET).
Mettre en place un tel projet exige une adhésion forte des autorités et des collectivités locales. Comment abordez-vous la question de l'établissement de ces partenariats ?
Après moult contacts avec de nombreux intervenants à travers le pays, dont de hauts responsables du secteur de l’Environnement, puisque Madame la ministre m’a fait l’honneur de m’accorder une audience, je peux vous affirmer que nos autorités sont déjà convaincues. Elles n’ont pas attendu « TBN PROKA » pour mettre en œuvre une politique ambitieuse relative au traitement des déchets ménagers qui ont considérablement augmenté proportionnellement à la croissance démographique et à l’extraordinaire développement urbain du pays ces dernières années.
Cependant, nos responsables, en phase avec le citoyen, savent qu’il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer les résultats. Notre entreprise veut donc convaincre en matière d’engagement. Un engagement compatible avec les axes directeurs du schéma national concernant ce défi de villes, villages et quartiers propres avec un environnement débarrassé des décharges anarchiques.
Au-delà de l'aspect économique, votre projet semble s'inscrire dans une démarche sociale. Quelles compétences et quelle expertise mobilisez-vous ?
Permettez-moi d’insister : c’est dans le respect de ces orientations gouvernementales et sous le contrôle des ministères de l’Environnement, de l’Intérieur et des Collectivités locales, que nous voulons proposer un transfert technologique de pointe, issu de l’expertise de pays les plus avancés dans le domaine tels que la Suède, la Suisse, l’Allemagne… Nous adapterons à notre réalité la conception de centre de tri moderne sur des surfaces réduites de terrain de 8 à 10 hectares, dédiés à une région comprenant plusieurs wilayas, en y installant des équipements de dernière génération dont des incinérateurs aux filtres très efficaces, et d’autres unités de traitement et de valorisation pour la production des énergies renouvelables, sans oublier les engrais qui peuvent être obtenus. En amont, nous renforcerons la capacité de la collecte en multipliant le nombre de bacs à ordures dans des niches bien conçues, nous introduirons progressivement les réceptacles sous terre, les conteneurs aux codes chromatiques pour le tri, l’acquisition de véhicules de ramassage et nettoyage plus performants et électriques pour une activité de nuit silencieuse… Mais, cette logistique doit absolument être entretenue et développée sur la base d’une formation professionnelle de jeunes apprentis qui se spécialiseront dans le secteur. Cela fait aussi partie de l’expertise que de proposer un programme de formation accélérée.
Un projet d'une telle envergure nécessite sans doute des investissements très importants. Pourriez-vous nous éclairer sur l'ampleur des fonds nécessaires ?
En effet, il est à la hauteur de notre ambition ; celle de participer au défi national sur le vaste territoire de notre pays. Plusieurs millions d’euros grâce à des montages financiers et le choix d’associés qui croient en la Nouvelle Algérie. Je précise qu’une grosse partie de ce financement consiste en l’importation d’équipements fiables, aux normes internationales et garanties nécessaires.
Au-delà des considérations financières, ce projet est également porteur d'un potentiel important en termes de création d'emplois. Combien de postes espérez-vous générer ?
En effet, plusieurs milliers d’emplois à la clé, directs et indirects. La propreté et la protection de l’environnement, ainsi que la transition écologique sont des secteurs d’avenir dans le monde entier. Chez nous aussi. Par-delà le cadre de vie du citoyen, les dividendes seront énormes pour le tourisme, et même l’agriculture qui mute actuellement vers les filières bio très prometteuses.
Pourriez-vous nous faire part de la manière dont se déroulent les contacts en vue de l'étude et du lancement potentiel de votre projet ?
Nous avons été reçus par des présidents d’APC, des chefs de daïras, des walis, des directeurs de CET, des experts indépendants, des cadres de ministères et, comme je vous le disais plus haut, par Madame la ministre de l’Environnement. Tous ont été à l’écoute et ont convergé sur les directives de Monsieur le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, en faveur de l’investissement, en général, et celui des compatriotes installés à l’étranger, en particulier. Cela nous a fait chaud au cœur ; un accueil cordial et une administration disponible malgré, toutefois, des lenteurs. Nous sommes très optimistes et respectueux des mécanismes en place pour concrétiser notre projet. Le nouveau code de l’investissement est une aubaine pour les entreprises sérieuses, nationales ou internationales.
Notre avantage chez « TBN PROKA », c’est d’avoir choisi de travailler avec le meilleur des partenaires à savoir l’Etat algérien. Ce qui signifie un maximum d’exigences à respecter de notre part mais aussi une fiabilité et un sentiment de sécurité par rapport aux grands financements que nous comptons engager. L’espoir de suites favorables est donc permis.
Dans l'hypothèse d'une réponse positive des autorités, quels seraient les délais envisagés pour la mise en service de la première unité de traitement ?
En cas de réponse favorable, ça sera entre douze et dix-huit mois, sachant que nous nous déploierons à la fois sur le terrain de la collecte tout en installant les équipements au niveau des centres de traitement. Nous avons pensé à la wilaya de Boumerdès comme wilaya pilote, mais nous sommes ouverts à toutes les propositions. L’expérience dans une ville côtière par rapport aux questions du littoral, protection des oueds des sites touristiques, nous intéresse particulièrement pour faire nos preuves.
Pour conclure cet entretien, quel message clé souhaiteriez-vous faire passer ?
Nous leur disons que l’Algérie est notre pays et que nous voudrions y investir pour gagner de l’argent en apportant une plus-value à notre Patrie.
Nous sommes disposés à donner toujours plus de détails au sujet de notre projet. Avec un souci, cependant ; celui du temps qui ne nous appartient pas.
Y. Y.