Youcef Khanfar, directeur central des énergies vertes et renouvelables à Sonatrach : «Le pari de l’hydrogène vert à notre portée»

Fort de soixante ans d'expertise, le groupe Sonatrach consolide son statut de géant énergétique africain et de fournisseur clé pour l'Europe. Il mise sur l'augmentation de sa production de gaz, conventionnel et non conventionnel, et sur le développement du GNL, pour conquérir de nouveaux marchés, affirme dans cet entretien, qu’accorde pour El Moudjahid, son directeur central des énergies vertes et renouvelables, Youcef Khanfar, rencontré à la 13e édition du NAPEC-2025 d’Oran.

Parallèlement, Sonatrach engage une transition stratégique vers les énergies de l'avenir. Convaincu que l'Algérie détient tous les atouts pour réussir dans l'hydrogène vert, entre autres de vastes espaces à fort ensoleillement et potentiel éolien, Youcef Khanfar y voit un vecteur énergétique essentiel. Cette ambition s'accompagne d'une feuille de route environnementale ambitieuse, avec l'objectif de zéro torchage d'ici 2030 et une série de mesures, pour réduire l'empreinte carbone du groupe.

El Moudjahid : Quelle place occupe aujourd'hui Sonatrach dans le paysage énergétique mondial, et comment le groupe anticipe-t-il les mutations rapides du marché énergétique, notamment avec l'essor des énergies renouvelables et de l'hydrogène ?

Youcef Khanfar : C'est une réalité de dire que l'existence de Sonatrach remonte à 60 ans. Sonatrach est considérée comme étant la plus grande compagnie africaine en termes de production de gaz et d'huile, elle est aussi la plus grande compagnie exportatrice de gaz. Il convient de rappeler aussi que Sonatrach a continuellement répondu, en premier lieu, au besoin énergétique interne, garantissant, par conséquent, la sécurité énergétique du pays, et, en second lieu, assurant des volumes dédiés aux exportations. Aujourd'hui, Sonatrach compte parmi les trois premières compagnies exportatrices de gaz vers l'Europe, elle joue un rôle important, que ce soit à l'échelle nationale ou à l'échelle internationale, et nous devons continuer à le faire.

Aujourd'hui, nos exportations sont en train de dépasser la moitié de notre production. Nous comptons les maintenir, voire les augmenter à long terme. Les équipes techniques et opérationnels travaillent sans arrêt, pour augmenter la productivité de nos gisements en exploitation, et continuent à explorer les différents domaines et complexité géologique, pour augmenter nos réserves. Le domaine minier présente, aussi, des zones qui sont complètement inexplorées, appelées bassins frontaliers qui peuvent faire l’objet de nouvelles découvertes générant ainsi de nouvelles réserves à développer dans le court et moyen terme. Sonatrach a aussi la possibilité d’évaluer les réservoirs non conventionnels, pour identifier les zones prospectives et les développer à moyen terme, à l’image de ce qui était entrepris dans les bassins US. C'est une ressource intéressante présentant un important potentiel et nécessitant un effort particulier sur les plans opérationnel et technologique, avec des investissements importants qui nécessitent peut-être un partenariat.

Le NAPEC-2025 a mis l'action sur l'hydrogène vert. Quelle est la stratégie de Sonatrach pour devenir un acteur clé dans ce domaine ?

L'hydrogène vert est une autre source d'énergie propre qui est considérée comme un vecteur énergétique très important. Il est de l'avenir de l'Europe ou encore du monde d'essayer de diminuer l'empreinte carbone, à travers toutes sortes d'énergie verte. Et l'hydrogène vert compte beaucoup, autant pour l'Algérie que pour les Européens, parce que c'est une énergie très versatile qui peut être utilisée dans différents types d'industrie, qui peut générer de l'électricité, qui et aussi emmagasinable. Une énergie qui va aussi jouer un rôle dans la transition énergétique du futur. En Algérie, on a tous les moyens de relever haut la main ce défi. Nous avons tous les grands espaces, pour pouvoir réaliser des projets de grande envergure. Nous avons du solaire, pour l'installation des centrales photovoltaïques importantes. Nous avons aussi un potentiel éolien élevé, aussi, qui peut être combiné au photovoltaïque, pour créer une source d'énergie verte très importante, permettant de produire de l'hydrogène vert.

Reste maintenant à ramener d'autres avantages, entre autres les financements, mais aussi le savoir- faire, qui peut s'acquérir a travers le partenariat. En la matière, le marché est des plus prometteur. l'Europe a besoin de 10 millions de tonnes à l'horizon 2030, ce qui fait que tous les atouts pour pouvoir réaliser des projets d'hydrogène vert sont présents, et ça dépendra de notre volonté et de la volonté de nos partenaires, et aussi il y a le timing à respecter, à moyen et à long terme.

Qu’en est-il, justement, des nouveaux partenariats signés par Sonatrach, dans le cadre du NAPEC-2025 ?

Cette fois-ci, on n'a pas signé de contrats, c'est beaucoup plus une prise de contact avec les nouvelles compagnies qui sont venues, et aussi pour maintenir celle existantes en Algérie. Cela dit, le NAPEC-2025 reste une plateforme méditerranéenne et africaine importante. L'événement a pris de l'ampleur, comparativement à l'année dernière, avec la participation de nouvelles compagnies et la diversité des sujets.

Comment Sonatrach compte-t-elle renforcer sa coopération avec ses partenaires traditionnels et historiques, américains ou européens, tout en diversifiant vers les nouveaux marchés africains et asiatiques ?

Si l’on parle du marché du gaz, celui-ci est en train de prendre une nouvelle tournure. Le marché du GNL est en train de grandir et de prendre plus de parts sur les marchés pipeline. D’ores et déjà, nous avons la chance de pouvoir exporter notre gaz à travers les pipelines existants entre l'Algérie et l'Europe. Nous avons une capacité de GNL assez importante qui dépasse les 20 millions de tonnes par an, mais nous comptons aussi l'amplifier. Nous voulons atteindre des marchés plus lointains, et c'est le GNL qui va le permettre. Pour cela, il faut peut-être augmenter aussi notre production, pour pouvoir exporter plus. Donc le rôle de Sonatrach, aujourd'hui, c'est d'augmenter sa production de gaz et d'essayer de l'exporter le plus loin possible. Le GNL crée une valeur beaucoup plus intéressante.

Comment Sonatrach contribue-t-elle à la sécurité énergétique en Algérie, ainsi qu'à l'étranger, avec ses partenaires ?

Je pense que l'Algérie est parmi les pays les plus chanceux. La population algérienne profite beaucoup de l'énergie. Toutes les zones sont couvertes par du gaz et de l'électricité. Le peuple algérien est très chanceux, grâce à ce travail intense de toutes les parties prenantes au projet énergétique, commençant par la décision des gouvernements, les institutions de sécurité, les institutions de l'énergie, les compagnies qui travaillent avec nous, aussi les institutions de régulation. Tout le monde a contribué pour qu'on arrive à cette situation. Aujourd'hui, on doit la maintenir, et c'est avec un travail beaucoup plus collaboratif avec toutes ces institutions et aussi avec le partenariat. On doit maintenir cette production de gaz, pour pouvoir maintenir ce confort. Vous savez qu'il y a beaucoup de pays qui n'ont pas ce confort énergétique. Et Dieu seul sait que l'énergie et l'eau sont les premières ressources d'un pays.

Quelles mesures ont été prises par Sonatrach, pour réduire l'empreinte carbone et moderniser les infrastructures dans le contexte de durabilité et de sécurité ?

Pour l'empreinte carbone, c'est déjà pris en charge par Sonatrach. Nous y travaillons beaucoup dans les différentes activités. L'une des grandes actions réalisées par le groupe, c'est de diminuer le taux de torchage. Nous sommes passés de 10 milliards de mètres cubes torchés à moins de 3 milliards, et nous comptons aller à zéro torchage à l'horizon 2030. Ce qui est très intéressant. C'est une manière de gagner ce gaz-là, et de l'utiliser autrement, et aussi, d'une autre façon, de diminuer l'empreinte carbone à court et à moyen terme. Nous travaillons aussi sur les énergies nouvelles, en installant des centrales photovoltaïques dans les différents sites, pour diminuer cette consommation d'énergie et aussi notre empreinte carbone. Nous travaillons également sur cette thématique de l'hydrogène vert, dans le cadre de la consolidation de l'efficacité énergétique, en réduisant tous le méthane fugitif. On a ramené des caméras infrarouges, et notamment des drones, pour essayer de retrouver toutes ces fuites et essayer de diminuer cette empreinte causée par le méthane qui fait beaucoup plus de mal que le CO2. On compte, par ailleurs, planter des millions d'arbres à court et à moyen terme. Donc, plusieurs actions sont entreprises par Sonatrach et qui vont réellement diminuer son empreinte carbone et verdir, de surcroît, nos activités opérationnelle. Cela est très important, parce que demain, vous avez une cargaison de gaz qui va en Europe, elle peut être taxée, parce que vous n'avez pas fait ce qu'il faut pour diminuer votre empreinte carbone. Aussi, nous sommes en train de travailler avec des entreprises industrielles en Algérie, pour essayer de les amener à utiliser moins de gaz, et aller vers l'utilisation de l'hydrogène vert.

On a constaté une présence très distinguée des entreprises américaines, au nombre de 17, qui ont participé au NAPEC- 2025...

C'est, en effet, un enthousiasme remarqué et remarquable. Beaucoup d'entreprises sont très performantes, surtout dans le domaine oil and gas, avec un grand savoir-faire.

K. A.

 

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