
Paris, le 17 octobre 2024. Ce jeudi marque la commémoration d’un épisode sombre et longtemps occulté de l’histoire coloniale française : le massacre du 17 octobre 1961. Il y a 63 ans, des milliers de manifestants algériens pacifiques, répondant à l’appel de la Fédération de France du Front de Libération Nationale (FLN), descendaient dans les rues de Paris pour protester contre le couvre-feu discriminatoire imposé aux «Français musulmans d’Algérie» par le préfet de police Maurice Papon. Cette manifestation, réprimée avec une violence inouïe, a coûté la vie à plus de 200 personnes, selon les historiens, et causé des centaines de blessés et des milliers d’arrestations. Certains manifestants ont été jetés vivants dans la Seine, tandis que d’autres furent battus à mort par la police.
Un massacre longtemps nié
Pendant des décennies, ce crime d'État a été effacé des récits officiels. Ce n’est qu’à partir des années 1990 que des historiens, militants des droits de l’Homme et associations ont commencé à dénoncer le silence qui entourait cet événement. Aujourd’hui, les commémorations du 17 octobre 1961 se multiplient à travers la France, portées par des collectifs, des syndicats et des partis politiques qui exigent la reconnaissance officielle de ce massacre comme un crime d’État.
Le besoin de mémoire et de justice reste fort, comme l’a rappelé Ahmed Djemai, membre du collectif du 17 octobre 1961 : «Nous sommes ici afin de commémorer une répression coloniale sanglante restée impunie, mais aussi pour revendiquer la reconnaissance officielle pleine et entière d'un crime d'État.»
Une cérémonie sous le signe de l’émotion
À Paris, sous un ciel gris rappelant la tristesse de cette journée historique, une cérémonie poignante s’est tenue sur le pont Saint-Michel, lieu emblématique de la répression. Des membres de la communauté algérienne, des représentants de l'ambassade d’Algérie, des personnalités politiques françaises, dont la maire de Paris, Anne Hidalgo, se sont rassemblés pour rendre hommage aux victimes. La cérémonie a débuté par la récitation de la Fatiha, suivie d’une minute de silence et d’un dépôt de gerbes en mémoire des martyrs algériens.
Yasmina Bedar, cousine de la plus jeune victime de ce massacre, Fatima Bedar, a exprimé l'importance de préserver cette mémoire : «Ces commémorations jouent un rôle crucial dans la préservation de la mémoire collective et la reconnaissance des souffrances endurées par les victimes.» Elle a ajouté : «Il est essentiel que les générations futures se souviennent de cet événement tragique. Le massacre du 17 octobre 1961 doit être enseigné dans les écoles, car il constitue une part importante de l’histoire entre la France et l’Algérie.»
Sur le pont du canal à la gare de Saint-Denis, les participants ont lancé des œillets rouges dans la Seine, un geste symbolique en hommage aux victimes noyées par la police. Malgré les décennies écoulées, la douleur reste palpable chez les familles des victimes et les membres de la diaspora algérienne, pour qui cet événement demeure une blessure ouverte.
F. I.