
Si l’on s’astreint à livrer une définition sommaire du discours de haine, on dira qu’il désigne toute forme d’expression - orale, écrite ou visuelle - qui incite à la violence et à la discrimination contre une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur race, religion, origine ethnique…
Cette rhétorique toxique se manifeste à travers des propos insultants, des menaces, ou la propagation de stéréotypes dégradants, qui propagent, incitent, promeuvent ou justifient la haine raciale, la xénophobie, l’islamophobie, ou le nationalisme agressif et l’ethnocentrisme.
Selon les études de nombreux analystes, ce discours, porté jusqu’à l’incandescence, se singularise par une vision binaire, excessivement manichéenne, qui oppose le bien au mal et qui produit un effet de mythe, dont la mise en exergue permet de «fabriquer», pour les haïsseurs et les haïsseuses, un ennemi imaginaire qui incarne le mal à combattre. Ce mythe leur permet de justifier la violence, physique et verbale. Force est de constater que nous entrons de plus en plus dans une ère sombre d'intolérance, alimentée par la polarisation et la désinformation, et toutes sortes de faits mensongers, qui circulent à la rapidité de l’éclair et disséminent tel un feu de brousse.
Si les médias sociaux avaient existé en 1994, le génocide contre les Tutsis au Rwanda aurait été «bien pire», selon Henriette Mutegwaraba, une survivante, qui se souvient des discours de haine propagés par la radio dite des mille collines, à l'époque.
Constat stupéfiant. «Un message qui mettait des années à se propager peut aujourd'hui être diffusé et, en une seconde, tout le monde peut en prendre connaissance», a-t-elle expliqué. «S'il y avait eu Face book, Tik Tok et Instagram, la situation aurait été bien pire. La discrimination et les attaques prospèrent dans l'anonymat de l'internet, et l'essor de l'intelligence artificielle crée les moyens de semer la haine chez un public plus large, en particulier, les jeunes.
L'effet dévastateur de la haine n'est pas nouveau, mais son ampleur et son impact se sont donc accrus avec les nouvelles technologies de communication, faisant de l’incitation à la haine un outil redoutable de diffusion des idéologies de division à l'échelle mondiale.Le procédé est archi-éculé. Ces discours jouent sur les peurs et les doutes, la précarité économique et sociale et s’attachent à les entretenir et à les alimenter en permanence.
En Europe, pour ne citer que ce continent, des partis d’extrême droite déploient un discours identitaire, dénonçant des flux migratoires» outrageusement fantasmés, faisant croire que les personnes émigrées constituent un coût plus qu’un atout. Une banalisation d’idées nauséabondes, qui, malheureusement, trouve une écoute et un écho de plus en plus grandissants.
Toutes ces manifestations de xénophobie, ainsi que l’argumentaire dangereux qui les accompagne, ont comme caractéristique et dénominateur commun de s’en prendre à des boucs émissaires, à ce qu’il y a de plus «autre». Elles s’en prennent à une personne, une entité ou un groupe qui sont attaqués, décriés, insultés, stigmatisés ou vilipendés. Elles visent à l’exclusion totale, voire à l’anéantissement de «ces autres», dont le visage et les persécutions changent en fonction des lieux et des époques. Compte tenu de l'ampleur du phénomène, l’heure est à la riposte ,car il n'y a plus de temps à perdre.
M. B.