
Le docteur en droit constitutionnel, Messaoud Chihoub, affirme qu’il n’existe pas de mode de scrutin parfait et souligne que chaque modèle a ses inconvénients et ses avantages. «Le contenu du projet relatif à la révision de la loi électorale apporte des nouveautés mais nécessite des enrichissements», soutient-il. Selon le spécialiste, parmi les points positifs figure l’adoption du système de la liste ouverte qui permet de mettre fin à l’apanage des partis politiques dans la préparation des listes électorales. «La liste ouverte offre la possibilité aux électeurs de choisir le candidat qui leur convient sur les listes électorales. Cela permet d’éliminer le contrôle des partis politiques sur la désignation de leurs élus à la tête des listes. D’ailleurs, c’est le but poursuivi à travers l’adoption de ce système pour mettre fin à certaines pratiques au sein des formations politiques et d’ouvrir la voie aux compétences», relève Chihoub. Les électeurs vont voter en faveur des personnes figurant sur la liste des partis politiques en premier lieu, ce qui pourrait encourager le favoritisme et le régionalisme puisque certains électeurs vont choisir les candidats qu’ils connaissent sur la liste au lieu de choisir la personne la plus compétente et la plus intègre. «C’est l’inconvénient de la liste ouverte», dit-il. S’agissant de la représentativité des femmes, il dira que le projet évoque la parité au niveau des listes de candidature mais pas au niveau des résultats, contrairement à la loi en vigueur qui exige un quota pour les femmes, quel que soit le nombre de voix. «Il y a certaines craintes par rapport à la nouvelle disposition du nouveau projet de loi sur les élections. Dans certaines régions conservatrices, les électeurs ne vont pas choisir sur les listes électorales des femmes, notamment avec l’application du système de la liste ouverte. De ce fait, la part des femmes dans les résultats risque d’être faible», considère le Pr Chihoub, qui juge nécessaire la mise en place de mesures et de mécanismes d’accompagnement pour que ce nouveau mode de scrutin puisse atteindre ses objectifs. Il suggère la réforme du système des partis politiques en vue d’établir les conditions nécessaires à une élection transparente qui favorise la compétence dans les candidatures.
Parité hommes-femmes
Fatiha Benabou, professeur en droit constitutionnel, considère quant à elle que l’élément le plus important contenu dans le projet de loi organique portant régime électoral est l’adoption du système de la liste ouverte qui permet de lutter contre le financement de l’argent sale. «Assainir le climat national de la corruption est une éducation, une culture qui doit être inculquée depuis l’école pour changer les mentalités mais aussi une volonté politique qui se concrétise par la transparence et l’État de droit».
Pour ce qui est de la parité hommes-femmes, elle indique que la loi de 2012 est très claire et exige un certain quota dans les listes et dans les résultats, soit dans la distribution des sièges. «Au niveau des résultats, on doit retrouver un tiers des femmes élues ; c’est obligatoire. En revanche dans cette loi organique relative aux élections, on n’impose la parité que dans les listes de candidature, pas dans les résultats. Or, l’adoption dans ce nouveau projet de la liste préférentielle et ouverte donne à l’électeur la possibilité de choisir et il peut ainsi éliminer toutes les femmes figurant sur la liste électorale. C’est son droit conformément à cette disposition».
L’intervenante assure qu’on ne pourra pas ensuite imposer une quelconque parité puisque le choix de l’électeur prime, «on peut se retrouver avec une liste entièrement masculine ou aucun élément féminin ne peut apparaître».
Kamélia Hadjib