Souhil Meddah, expert financier : «La situation est plus ou moins maîtrisable»

Dans la configuration actuelle, il y a une partie de l’inflation qui est indirectement provoquée par la baisse de la valeur du dinar. Aussi, la problématique de maîtrise de l’inflation se pose, d’abord, au niveau du marché de détail qui a besoin d’être régulé de façon permanente, indique Souhil Meddah, expert financier.

Entretien réalisé par Akila Demmad

El Moudjahid : Quels sont les principaux facteurs influant sur le cours de l’inflation ?

Souhil Meddah : Il existe au moins trois axes sur lesquels le phénomène de l’inflation repose. Le premier étant principalement la hausse des prix de façon spéculative, facilitée par l’état d’un marché de détail complètement déstructuré qui n’obéit pas aux règles de coûts par rapport aux revenus, mais qui obéit particulièrement aux effets secondaires d’un esprit opportuniste qu’appliquent certains opérateurs marchands. Le deuxième critère est lié au manque d’activité, d’où la baisse du niveau de liquidité à travers les masses et surtout leur affectation pour compenser et équilibrer les agrégats. Ce qui fait que l’ajustement du dinar en fonction d’autres conditions de ressources ou de recyclage des richesses entraîne aussi quelques effets d’ajustement cumulés depuis plusieurs mois et qui, de façon indirecte et graduelle, aboutissent sur des inversions de poussée des demandes marchandes à sens unique au lieu d’être répartis sur plusieurs secteurs ou plusieurs segments d’investissement et d’exploitation. Et, enfin, le troisième critère qui reste intimement attaché au deux premiers, a trait à la légère augmentation des revenus, par la révision à la hausse du SNMG avec les abattements sur l’IRG salaires, qui provoque de facto une réaction sur le marché et qui, dans une moindre mesure, au lieu de s’annoncer en 2020 à cause de l’effet du confinement, avec l’amorce de la distribution de différentes indemnités sans contrepartie, s’est tardivement manifestée en 2021.

Les leviers actuels de la politique monétaire conduite par la Banque d’Algérie sont-ils efficients ?

Parmi les objectifs d’une politique monétaire bien maitrisée, il y a l’option de la stabilité des prix. Cette option est souvent engagée dans une sphère dépendante aux importations, dans le cas où la grande partie de la hausse de l’inflation provient des importations. Dans la configuration actuelle, il y a une partie de l’inflation qui est indirectement provoquée par la baisse de la valeur du dinar. Mais l’instrument monétaire ne se limite pas à cette question uniquement, il peut aussi contribuer à soutenir les ressources fiscales sûres (fiscalité pétrolière), de soutenir la compétitivité nationale dans le cas où les produits de substitution sont disponibles et aussi de permettre à la politique budgétaire à travers ses ressources sur revenus de compenser les prix par l’outil de la subvention.

Quelles sont les actions ou les réformes à entreprendre pour consolider les mécanismes de maîtrise de l’inflation ?

Cette problématique de maîtrise de l’inflation se pose d’abord au niveau du marché de détail qui a besoin d’être régulé, et de façon permanente. Le transfert des subventions ou l’augmentation des revenus ne feront qu’aggraver les choses. Sans un contrôle consolidé entre les services du secteur du commerce et des finances, il y aura toujours des zones d’ombre dans les transactions commerciales. A ce titre, les instruments pour la numérisation des flux permettront pour leur part de garantir une meilleure lisibilité sur les flux, soutenant ainsi les moyens de contrôle et de dissuasion pour le compte des différents agents économiques. Concernant le second volet de la question, sur un plan théorique, le taux d’inflation ne doit jamais dépasser les 8%, sinon, en se rapprochant des niveaux à deux chiffres, les choses tourneront à des seuils plus inquiétants. Notre niveau actuel est plus ou moins maitrîsable à condition d’engager toutes les procédures pour intercepter une éventuelle montée galopante.

A. D.

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