
Entretien réalisé par : Fouad Irnatene
Le secteur bancaire dans les pays arabes fait depuis quelques années l’objet d’une attention particulière. La région est identifiée comme nouveau territoire économique à investir, surtout qu'elle est liée de longue date avec les continents voisins : l’Europe, l'Afrique et l'Asie. Il convient de souligner que la structuration du secteur bancaire et financier arabe a bénéficié de liens historiques avec l’Europe, mais également, durant les trente dernières années, du développement de liens avec l’Asie et l'Afrique, de concert avec la naissance de grands groupes bancaires à capitaux privés. Les liens entre le monde arabe et le reste du monde se sont renforcés ces dernières années. Outre une proximité géographique, et parfois socioculturelle, les pays arabes partagent aussi des influences communes en matière bancaire et financière. Ces systèmes bancaires ont en commun de s’être développés fortement depuis la décennie 1990, mus par une demande de plus en plus dynamique et développant une appétence pour l’innovation technologique (banque en ligne, opérations bancaires sur mobile, etc.). Aujourd’hui, les Etats arabes ont des préoccupations communes : faibles taux de bancarisation, faible gouvernance, banques ayant plus de dépôts qu’elles n’accordent de crédits, un système bancaire et financier en difficulté pour financer les besoins de l’économie (en particulier les TPE et PME)… Ainsi, si les banques arabes sont appelées à se moderniser davantage pour assurer la stabilité et le développement du secteur financier au niveau régional, c'est ce qui ressort de cet entretien avec Souhil Meddah, expert en ingénierie financière.
El Moudjahid : Dans son discours prononcé à l'ouverture de la 47e session du Conseil des Gouverneurs des Banques centrales et des institutions monétaires arabes, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, a relevé la nécessité pour les pays arabes de préserver la stabilité financière et le renforcement du développement économique. Par quels leviers réussir ce défi commun ?
Souhil Meddah : Dans le contexte mondial actuel caractérisé par des scissions géostratégiques qui se décomposent en modèles multipolaires, l’approche de la stabilité financière se définit par rapport aux mesures macro-prudentielles qui sont nécessaires pour garantir une stabilité régionale multilatérale, mais qui s’inscrit dans un axe latéral unique. Dans ce sens, il est important de rappeler que les institutions arabes qui activent dans des zones géographiques proches, de proximité et pas lointaines, ont la fâcheuse constatation de s’éloigner de temps en temps sur leur plateforme uniforme arabo-afro-asiatique. De même, le renforcement du développement économique évoqué ne peut pas avancer sans une concrétisation par une réelle consolidation, surtout celle des flux des échanges bilatéraux en produits directs ou des semi-produits, ou dans un cadre multilatéral par des passages en transit, entre des pays qui partagent des frontières en chaîne dans un espace géographiques connecté avec plusieurs autres régions. Cette consolidation des flux peut aussi compter sur la volonté des économies arabes les plus puissantes qui contribuent dans la multiplication et le financement des programmes d’investissement pour les économies les moins résilientes, pour servir et entretenir leurs modèles de croissance.
Quel rôle peuvent jouer les Banques centrales ?
Les rôles peuvent respectivement s’inscrire dans un cadre intérieur pour chaque pays qui, directement, veillera sur la stabilité des prix, des pouvoirs d’achat ou favorisera la progression des cycles d’investissement tout en flexibilisant leurs ressources internes monétisées sur système d’endettement interne ou par effet de transformation sur les avoirs existants, ou extérieur à travers la contribution des pays de la corporation arabe. De même qu’une politique monétaire arabe consolidée pourra déboucher sur un ensemble de politiques nationales ou locales qui sont tirées sur un ensemble de mesures de financement ou d’ajustement des valeurs monétaires ou, a contrario, directement sur la prise en charge multisources du ou des plans d’investissement qui concerne (nt) chaque pays qui souhaite la contribution de l’union économique pour soutenir le développement de ses projets structurants.
Le Premier ministre a également affirmé que l'économie constitue la pierre angulaire du développement durable. Quels arguments pourra avancer la région Mena ?
Il existe des secteurs qui sont stratégiques pour le développement de la région Mena. Il s’agit notamment du secteur des Shipping, logistique et transports, surtout dans une zone qui détient également une force géographique stratégique sur le droit de passage entre les océans atlantique et indien. D’autre part, le secteur des hydrocarbures, qui demeure une source stratégique appelée à durer dans le temps, doit servir d’autres sous-secteurs dérivés utiles pour la consolidation des échanges via les divers canaux, la ZALE ou autres, de la région. Egalement, les ressources solaire et hydrique qui sont réparties dans des pays qui ont besoin de s’inscrire sous la couverture d’une force arabo-afro-asiatique qui demeure toujours prête à défendre ses zones et ses structures. L’économie comme pierre angulaire doit compter sur plusieurs sources d’appui et de défense, dont les aspects politique et sécuritaire qui sont les sources les plus importantes.
F. I.