Sécurité énergétique : L’Algérie, puissance gazière et acteur international

Par : CHAHINEZ DJAHNINE

Au cœur des nombreux enjeux économiques et tensions géopolitiques qui s’enchaînent sur les scènes régionale et internationale, impactant le marché énergétique, l’Algérie, en tant que premier pays africain producteur de gaz et acteur actif sur la scène internationale, doit relever plusieurs défis pour renforcer sa résilience énergétique.


D’une part, il y a l’enjeu crucial de la sécurité des infrastructures énergétiques, qui constitue aujourd’hui un défi géopolitique majeur et affecte directement la sécurité nationale, dans un contexte régional marqué par la crise au Niger, la multiplication des risques de la menace terroriste au Sahel, et l’instabilité des pays frontaliers du Sud du pays comme la Libye. De l’autre, l’Algérie a amorcé un plan ambitieux de «mix-énergétique» afin de relever les défis économiques du futur en développant, à des niveaux très élevés, autant sa production gazière et d’hydrocarbures que celle des énergies nouvelles et renouvelables à long terme : énergie solaire, exploitation des matières rares nécessaires à la transition énergétique, pétrochimie, hydrogène vert… Grace à cette vision prospective et au potentiel considérable des gisements miniers et minéraux, l’Algérie mise sur l’exploitation à grande échelle des ressources minières dans un contexte de conjoncture géopolitique internationale, marqué par le besoin de plus en plus accru des mines et minéraux et une consommation exponentielle de métaux indispensables à la fabrication des panneaux solaires.
Le pays accélère la mise en œuvre de la géostratégie de diversification énergétique pour répondre aux défis géoéconomiques. Les perspectives sont diverses : développement des ressources «énergétiques renouvelables» comme clé de la résilience énergétique future, lancement de projets «hyperstratégiques» visant à créer des interconnexions électriques transfrontalières dans le bassin méditerranéen.

Face à l’enjeu sécuritaire

Dans le contexte géopolitique régional marqué par la menace quasi permanente du terrorisme dans le Sahel, l’instabilité des pays frontaliers et la crise au Niger, les mutations affectent les relations énergiques internationales avec la contribution croissante des économies émergentes dans le continent africain. A cet effet, l’Algérie a mis en œuvre une stratégie efficiente et viable pour contrecarrer toute menace. Il est utile de souligner les efforts consentis par l’ANP, avec toutes ses ressources humaines et matérielles, dans la sécurisation et la protection des infrastructures et des biens nationaux, notamment les installations énergétiques.
Selon le Dr Mourad Preure, l’expert international dans les questions énergétiques «la sécurisation des sites énergétiques est une question cruciale, de plus notre pays est en mesure de relever le défi du gazoduc Nigeria-Niger- Algérie que les clients gaziers européens attendent impatiemment. L’Algérie est une référence en matière de sécurisation des infrastructures d’approvisionnement des hydrocarbures». Partageant cet avis, le Dr Farid Benyahia, économiste et expert en relations internationales affirme : «L’Armée nationale populaire, en étroite collaboration avec Sonatrach, continue sans relâche de développer ses capacités pour protéger les sites énergétiques critiques en se dotant des équipements de haute technologie pour détecter toute éventuelle menace provenant des drones».
M. Preure rappelle que, «en dépit du triste épisode de Tiguentourine (mené sans aucun doute pour écorner l’image de notre pays en la matière), notre pays est une référence en la matière. Durant la décennie noire, et malgré les nombreuses tentatives, l’Algérie a sécurisé ses sites de production ainsi que ses 14.000 km de pipelines, cela par une coordination parfaite entre Sonatrach et nos forces armées et services de sécurité». Il souligne : «Nous n’avons connu aucune rupture d’approvisionnements pour nos clients pétroliers et, surtout, gaziers, ce qui est un réel exploit ! Aujourd’hui, nous avons 22 000 km de pipelines, et Sonatrach ainsi que nos services de sécurité ont tiré les leçons de Tiguentourine, les tarifs d’assurance internationaux le démontrent, notre pays est sûr».

L’Algérie, pays le plus fiable pour assurer la sécurité énergétique régionale et européenne

S’agissant des défis économiques liés au marché énergétique, les spécialistes affirment que l’ Algérie a aujourd’hui une place stratégique et vouée à devenir un acteur clé dans les échanges énergétiques euro-méditerranéens.
Dans cette perspective, l’Etat algérien a lancé des investissements névralgiques qui devront assurer la sécurité des approvisionnements des énergies dans le bassin méditerranéen, d’une part, et, de l’autre, renforcer la sécurité énergétique régionale et européenne, tout en assurant le développement socio-économique des pays du Sahel et d’Afrique, notamment à travers la réalisation du gazoduc Trans Saharan Gas-pipeline d’une capacité de 25 milliards de m3/an.
Dans ce sens, Mourad Preure , indique : «L’Algérie est le pays gazier sud européen le plus fiable, qui ouvre la porte d’une route gazière la plus sécurisée depuis le gaz africain ». Selon le spécialiste, «l’Algérie a une place stratégique et le potentiel nécessaires en ressources énergétiques fossiles et renouvelables qui lui permettent d’être un acteur clé dans les échanges énergétiques euro-méditerranéens».
Il ajoute que le gazoduc Nigeria-Niger-Algérie préfigure le développement d’une route africaine où Hassi Rmel deviendrait un puissant hub gazier desservant l’Europe.
«L’ensoleillement exceptionnel de notre pays conjugué à ses importantes ressources en gaz rend possible, à travers des centrales hybrides solaires-gaz, de produire en quantité importante une énergie pilotable, dont a besoin l’Europe. En clair, l’Algérie doit être considérée comme un partenaire stratégique par les pays européens». Sur le plan continental, l’Algérie mise sur la réalisation des grands projets structurants viables et stratégiques pour l’intégration régionale reliant l’Algérie à l’Afrique afin de garantir la sécurité énergétique régionale. La production gazière devra rester un élément central dans la consommation énergétique mondiale, car le gaz naturel, jusqu’alors considéré comme une «bridge energy», est l’énergie de transition vers un modèle non carboné, non fossile, et de plus en plus considéré comme une «destination energy» car la présence de centrales à gaz, énergie fossile la plus propre, est nécessaire pour traiter l’intermittence des énergies renouvelables et permettre la production d’une énergie pilotable.
Ainsi, les pays producteurs du Sud, dont notre pays, dotés d’un ensoleillement conséquent et de réserves gazières resteront pour longtemps encore un élément clé dans l’équation énergétique mondiale.

Futur eldorado de la production solaire

Outre sa producteur gazière, classée première en Afrique, l’Algérie avec son potentiel inestimable en capital solaire est prédestinée à devenir le prochain eldorado des énergies renouvelables. Et pour cela, l’Etat est en train de renforcer sa géostratégie sur plusieurs plans, notamment le renforcement des investissements des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique.
Dans ce cadre, le Dr Preure souligne : «Notre pays, au vu de ses caractéristiques, -ensoleillement exceptionnel-, de ses importantes ressources en gaz et de son positionnement géographique, proche des marchés consommateurs européens, peut légitimement postuler à figurer parmi les leaders de la transition énergétique dans le monde».
A cet effet, il préconise la nécessité d’un partenariat gagnant-gagnant entre l’Algérie et l’Europe pour contribuer de manière déterminante à l’équilibre énergétique européen, en même temps qu’il serait un levier pour le développement scientifique, industriel et technologique national. Poursuivant cette approche, l’expert indique que grâce à la transition vers les énergies renouvelables, l’Algérie pourra être une solution efficiente à la crise énergétique qui impacte autant l’économie mondiale que l’Europe. «L’enjeu pour les pays européens est qu’ils incitent leurs énergéticiens et leurs industriels du renouvelable à développer des partenariats stratégiques avec nos entreprises».
Dans cette même optique, Dr Farid Benyahia, consultant en diagnostic stratégique des entreprises, affirme que «la relance à grande échelle des projets des énergies alternatives, dont l’énergie solaire, devra maintenir la souveraineté énergétique du pays». Par ailleurs, Abdelkader Slimani, expert en stratégie économique, rappelle que «l’énergie solaire nouvelle engendrera une croissance économique et de nouveaux emplois, elle luttera contre les changements climatiques et réduira la consommation nationale élevée des énergies fossiles». Le même expert démontre que «les nombreux projets solaires réalisés dans l'éclairage public et l’électrification des zones d'ombre et des écoles en 2022 démontrent que le créneau des renouvelables en Algérie est très prometteur», soulignant qu’il est nécessaire de multiplier les réalisations enregistrées dans le domaine des énergies renouvelables, en matière de déploiement sectoriel, et de développement du tissu industriel». Dans ce cadre, l’expert Farid Benyahia estime que les entreprises algériennes doivent investir massivement dans l’exploitation des glissements du silicium, un matériau qui se trouve en grande quantité dans le pays».
Expliquant que le silicium est majoritairement utilisé dans la fabrication de panneaux photovoltaïques et employé dans la conception des cellules solaires de demain, l’expert indique que «le contexte géo-énergétique international exige de l’Algérie d’investir dans le stockage de l’énergie solaire, le transfert des entreprises productives des énergies propres vers le territoire national tout en développant l’ 'ingénierie énergétique nationale et l’excellence scientifique pour maitriser la veillée technologique de la production solaire».

 

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