
Lors de la dernière réunion du gouvernement, il a été question des mesures préventives prises en matière de protection des personnes et des biens contre les risques de feux de forêt, ainsi que la préservation et la sauvegarde du patrimoine forestier.
Eu égard aux désastres écologiques des feux de forêt enregistrés ces dernières années, ainsi que l’importance des secours mobilisés, la mise en jeu de la vie des sapeurs-pompiers et des éléments de l’armée, ainsi que le coût élevé pour l’économie nationale, les juristes et spécialistes de droit sont unanimes quant à l’impératif de réviser le cadre juridique, pour durcir les sanctions contre les responsables derrière ces pratiques à l’origine des feux de forêt, criminalisée à présent.
Chaque année en Algérie, quelque 20.000 hectares sont ravagés par les flammes, selon un rapport de la Banque mondiale, élaboré il y a quelques semaines, conjointement avec les autorités publiques et intitulé «Note sur les forêts algériennes ; gestion durable des forêts pour lutter contre les incendies de forêts». Ce rapport identifie les actions susceptibles de renforcer la durabilité et la résilience climatiques des ressources forestières du pays. Le rapport établit un diagnostic précis de l’état des forêts, du secteur forestier et des investissements nécessaires pour gérer cette précieuse ressource naturelle renouvelable, tout en contribuant à lutter contre les incendies de forêt.
Constituées à 59% de maquis, les forêts algériennes, majoritairement domaniales et dominées par le pin d’Alep (68%) et le chêne-liège (21%), couvrent près de 4,1 millions d’hectares. Les incendies, le surpâturage, l’expansion agricole et le changement climatique sont les principaux responsables de la déforestation et de la dégradation des surfaces boisées, au point que forêts et arbres couvrent aujourd’hui moins de 1% de la masse terrestre du pays. L’Algérie a été le théâtre de près de 3.000 incendies entre 2010 et 2019. En 2020, les pertes annuelles d’actifs s’élevaient à plus de 1,5 milliard de dinars et les indemnités versées aux sinistrés à 600 millions de dinars. Selon le code pénal algérien, un pyromane risque entre 10 ans de réclusion criminelle et la perpétuité. En effet, l’article 395 stipule «quiconque met volontairement le feu à des bâtiments, logements, loges, tentes, cabines même mobiles, navires, bateaux, magasins, chantiers, quand ils sont habités ou servant à l’habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l’habitation, qu’ils appartiennent ou n’appartiennent pas à l’auteur du crime, est puni de la réclusion à perpétuité».
Pr Abderrahmane Khelfi, directeur du Laboratoire de recherche sur l’effectivité de la norme juridique (LARENJ) à la faculté de droit et des sciences politiques de l’université de Béjaïa, insiste sur «le caractère organisé de ces crimes contre les êtres, les biens et la nature», pour souligner l’importance «d’adapter les dispositions répressives à la gravité des incendies de forêt et au caractère dramatique de leurs conséquences, tant sur le plan humain que sur le plan écologique».
L’universitaire explique qu’il est indéniable que les feux de forêt, enregistrés dans les différentes régions du pays, ces dernières années, ont cessé d’être vus comme phénomènes isolés, mais ont certainement «le cachet de criminels».
En outre l’article 396-bis indique que «lorsque les infractions portent sur les biens appartenant à l’État, aux collectivités locales, aux établissements ou organismes de droit public, la peine de la réclusion criminelle à perpétuité est encourue».
Par ailleurs, l’article 399 mentionne clairement que «si l’incendie volontairement provoqué a entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes, le coupable de l’incendie est puni de mort».
Il est précisé, dans le même article, que «si l’incendie a occasionné des blessures ou des infirmités permanentes, la peine est celle de la réclusion perpétuelle». «Outre la nécessaire répression sévère des actes commis par les auteurs d’incendies de forêt, les autorités doivent réfléchir à engager une stratégie publique visant à prévenir et à limiter le risque de déclenchement des incendies et les dommages qui peuvent en résulter», conclut Pr Khelfi.
Tahar Kaidi