Procés de l’investisseur Mohamed Benfassih : Ouyahia, Zaalane et GHoul rejettent les accusations

Amar Ghoul et Abdelghani Zaâlane, d’anciens walis de Skikda ainsi que plusieurs cadres aux directions exécutives de la wilaya de Skikda ont comparu devant le pôle pénal financier et économique près le tribunal de Sidi M’Hamed, présidé par le magistrat Mohamed Kamel Benboudiaf.

L’ancien Premier ministre auditionné par visioconférence à partir de l’établissement de rééducation d’Abadla à Béchar, sur la concession des terrains relevant du domaine public destinés à la réalisation des projets d’investissement, est revenu sur les circonstances de l’élaboration de la note 431 destinée au ministère des Finances.
«Je suis poursuivi pour abus de fonction, dilapidation de deniers public et octroi d’indus avantages sur la base de cette correspondance. Je tiens à préciser au président que j’ai comparu le 20 août 2020 devant le Conseiller magistrat instructeur près la Cour suprême en tant que témoin dans l’affaire de l’investisseur Mohamed Benfassih que je ne connais pas. Le 12 août, j’ai comparu à nouveau pour être mis en accusation en me présentant l’expertise judiciaire et j’ai été entendu sur le fond. J’ai été par la suite transféré de Koléa à Béchar et accusé des difficultés de contact je n’ai pas pu consulter l’arrêt de renvoi pour comprendre ma situation», explique-t-il.

Ouyahia «J’ai toujours veillé à la préservation des deniers publics»

Il a affirmé qu’il n’a donné d’instruction à aucun wali pour attribuer des avantages aux investisseurs. «Pour les chefs d’inculpation relatifs à la dilapidation des deniers publics, je précise que durant mon parcours de 43 ans au service de l’Etat et 12 ans en tant que chef du gouvernement, j’ai toujours veillé à la préservation des deniers publics». Il souligne que l’expertise judiciaire de 23 pages ne contient pas de motif d’accusation en évoquant la note 431.
«Le ministre des Finances a été confronté à un contentieux sur un foncier public à Zéralda qui a trainé des années sans que les collectivités locales n’interviennent. Le ministre du Tourisme a dû saisir la justice car il était situé dans une zone d’extension touristique. Suite à quoi, j’ai donné une instruction au directeur des domaines publics pour la récupération de toutes les assiettes foncières et que leur attribution soit soumise à des appels d’offres», précise-t-il. Toutefois la direction générale des domaines publics au niveau du ministère des Finances a émis une instruction le 5 septembre 2012 «alors que j’avais quitté le gouvernement le 2 septembre.»

Ghoul : L’investisseur remplit toutes les conditions

De son côté, Amar Ghoul en détention, est poursuivi en sa qualité de ministre du Transport, a précisé que l’accord favorable à l’investisseur pour bénéficier d’un espace au niveau du port de Skikda, date de deux mois avant sa nomination. Il a ajouté que c’est le secrétaire général du ministère du Transport qui était chargé du suivi et de l’étude du dossier. Il a donné un accord favorable à l’investisseur sur la base d’un rapport du directeur du port, dit-il. Amar Ghoul brandit le document et indique au juge : «Vous allez trouver toutes les réponses dans cette convention. Le rapport affirme que l’investisseur répond à toutes les conditions. Ce document est une preuve de mon innocence.»
Le président de l’audience lui a demandé pourquoi il n’a pas assuré le suivi du dossier et répondu qu’il était à l’époque occupé par des priorités et que le dossier ne doit pas être étudié par le ministre mais au niveau des départements concernés.

Zaâlane : «J’ai demandé l’application de la loi»

M. Abdelghani Zaâlane, ministre du Transport lors des faits, a dit qu’il avait rencontré Mohamed Benfassih lors d’une réunion de travail en présence du directeur du port de Skikda et des directeurs centraux. «Il envoyait chaque semaine une requête au cabinet pour contester la décision de l’annulation de la convention d’exploitation d’un espace au port de Skikda. J’ai demandé au directeur du port l’application stricte de la loi et j’ai constaté plus tard que l’annulation de la décision était légale et correcte». Zaâlane a nié formellement d’avoir accordé un délai de deux mois pour l’obtention du permis de construire.

Benfassih : «Des obstacles ont entravé les investissements»

L’accusé principal, Mohamed Benfassih, en détention provisoire, s’explique sur le retard dans la réalisation des projets. Le président de l’audience lui a fait remarquer qu’il a bénéficié de plusieurs assiettes foncières et d’avantages ainsi que de la confiance des walis, mais aucun projet n’a été réalisé.
Benfassih mentionne : «Des obstacles ont entravé la mise en œuvre de mes investissements. Il a cité entre autres les procédures administratives par la direction portuaire de Skikda pour l’exploitation d’un espace dans le cadre de l’importation et la transformation du bitume. Il a affirmé qu’il a demandé aux autorités locales d’affecter une autre assiette pour la construction d’une usine de transformation d’acier. Le juge l’interroge : «Une superficie de 5 ha n’était-elle pas suffisante ?» Il répond par un «non».
Le projet a été bloqué alors qu’il avait sollicité cinq ministres, poursuit-il. «Je n’ai bénéficié ni de crédit bancaire ni de financement. J’ai envoyé plusieurs requêtes qui sont restées sans suite», insiste-t-il.
De son côté son frère Seif Eddine, accusé en liberté, a été auditionné sur le projet d’un parc d’attraction à Flifla par la Sarl Parc Beatch Skikda qui n’a jamais été réalisé. «Je n’ai pas pu avoir le permis de construction. L’APC ne me l’a pas accordé», dit-il. Il a rejeté les conclusions de l’expertise judiciaire qui a relevé qu’il avait déposé la demande d’investissement par l’absence d’un registre de commerce.
Les anciens walis de Skikda en détention provisoire ont affirmé qu’ils ont agi dans le cadre de la promotion de l’investissement conformément aux orientations du gouvernement et dans le respect des lois. «Mon souci majeur était la création de postes d’emploi. Le projet d’un parc d’attraction devait permettre le recrutement de 120 jeunes et l’usine d’acier plus de 1.000 autres. Le taux de chômage dans la wilaya dépassait 18%. En outre, Skikda est une wilaya touristique mais il n’y avait pas d’infrastructures de loisirs», indique l’ancien wali, Mohamed Bouderbali. Il précise que Mohamed Benfassif a bénéficié d’assiettes foncières dans le cadre de la concession. «Ce n’est pas un détournement mais une location dans une zone industrielle», dit-il.
De son côté, l’ancien wali Fouzi Benhocine a affirmé que les demandes de l’investisseur ont été étudiée et il a mis l’accent sur la promotion de l’investissement. «On a trouvé des difficultés dans le développement local à cause du chômage. Benfassih a décidé la construction d’une usine de ciment d’une valeur de 150 milliards de centimes devant créer 230 postes d’emploi», ajoute-t-il. Les avocats ont présenté des requêtes portant sur la prescription des faits et l’extinction des poursuites judiciaires. Ils ont relevé que l’expertise judiciaire a été écrite en français et n’a pas été traduite. Les témoins ont été auditionnés en fin de journée parmi eux des P/APC et des chefs de daïra présents lors des délibérations sur les projets. Le procès se poursuivra aujourd’hui avec le réquisitoire du Parquet. Neila Benrahal

Sur le même thème

Multimedia