Modernisation de la justice : l’IA au service de l’État de droit

Cette rencontre, qui a réuni responsables, chercheurs et magistrats, a mis en exergue les enjeux scientifiques, éthiques et institutionnels liés à l’essor de cette technologie, appelée à transformer en profondeur le fonctionnement de la justice. Dans son allocution d’ouverture, le directeur des affaires judiciaires au ministère de la Justice, M. Haddoud Mohamed, a rappelé que l’émergence de l’intelligence artificielle représente «l’un des grands défis de notre époque», appelée à jouer un rôle croissant dans l’amélioration du travail humain, y compris dans le domaine de la justice, et plus particulièrement dans la justice pénale.

Le représentant du ministère a, toutefois, souligné que la justice pénale repose essentiellement sur le facteur humain, à travers le pouvoir d’appréciation du juge dans l’évaluation des preuves, la détermination de la peine, la prise en compte des circonstances atténuantes ou aggravantes, l’examen des causes d’irresponsabilité et l’évaluation des réparations dues aux victimes. D’où une question essentielle posée par M. Haddoud : «Quel rôle peut jouer l’intelligence artificielle dans le domaine judiciaire ? S’agit-il d’un outil destiné à soutenir et à faciliter le travail du juge, ou d’un facteur risquant d’ébranler la confiance et de porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?» À ce sujet, il a été clair en rappelant que le juge demeure le garant fondamental de la protection des droits et des libertés, conformément à la Constitution et aux lois de la République.

Les avancées technologiques, a-t-il précisé, ne sauraient en aucun cas compromettre les acquis réalisés par notre pays en matière de promotion des droits et libertés individuelles et collectives. Cela dit, il est impératif d’accompagner l’évolution technologique, afin de faciliter le travail judiciaire et d’en améliorer la qualité. C’est dans cet esprit, a-t-il révélé, que l’Algérie élabore actuellement une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, couvrant l’ensemble des secteurs, y compris le domaine judiciaire. Dans ce cadre, plusieurs chantiers sont déjà engagés par le secteur de la Justice : la modernisation de la gestion des dossiers, l’amélioration des outils de recherche, de classement et d’exploitation des bases de données du ministère, ainsi que l’instauration progressive de la procédure électronique et des notifications dématérialisées.

La réflexion, a-t-il ajouté, peut également s’élargir au champ pénitentiaire, en favorisant l’application de la théorie de la défense sociale, qui conçoit la peine privative de liberté comme un moyen de protection de la société à travers la rééducation et la réinsertion des détenus, dans le respect de leur dignité et sans discrimination. Le représentant du ministère a enfin insisté sur la nécessité de disposer de compétences juridiques qualifiées, capables d’assimiler ces mutations, tout en préservant la spécificité du travail judiciaire et le rôle essentiel du juge dans la sauvegarde des droits et libertés. De son côté, le directeur du Centre de recherches juridiques et judiciaires, Boualem Ferhaoui, a mis en avant la dimension scientifique et éthique du débat.

Pour lui, l’intelligence artificielle n’est plus un choix mais une nécessité imposée par la révolution numérique. Cette mutation, a-t-il ajouté, interpelle aussi bien le législateur que le praticien du droit et nécessite un encadrement rigoureux, afin de préserver la mission fondamentale de la justice, qui est de protéger les droits des citoyens et de renforcer la sécurité juridique. Ferhaoui a qualifié la rencontre de plateforme de réflexion et d’échanges sérieux, et un espace d’analyse dépassant les jugements hâtifs et permettant de poser les jalons d’une justice moderne, performante et respectueuse des valeurs républicaines.

Le directeur de l’École supérieure de la magistrature, Abdelkrim Djadi, a, quant à lui, insisté sur le caractère incontournable de l’IA. «Elle n’est pas l’avenir, elle est déjà notre présent», a-t-il affirmé. La question n’est plus de savoir si cette technologie doit être adoptée, mais comment l’encadrer juridiquement et éthiquement afin d’assurer son intégration harmonieuse dans le système judiciaire.

L’Algérie élabore actuellement une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle couvrant l’ensemble des secteurs, y compris le domaine judiciaire.

S. E.

Sur le même thème

Multimedia